Avant-propos
Chers lectrices et lecteurs, bonjour (ou bonsoir).
Si vous suivez notre webzine depuis longtemps, vous aurez peut-être remarqué que j'aime bien parler de Gojira. Jusqu'ici, j'ai tenté de chroniquer, du mieux que je peux, les sorties du groupe quand elles fêtaient leur vingtième anniversaire, que ce soit les albums studio, les lives ou les EP méconnus. Aujourd'hui ne déroge pas à la règle, leur troisième album studio From Mars To Sirius atteignant cet âge respectable.
Mais il y a une différence entre cet album et les autres : si j'adore les œuvres du quatuor landais, From Mars To Sirius est spécial. Ce disque, c'est mon monument. Sorti et découvert en plein milieu de mon adolescence, il est tombé à une période charnière de mon existence et m'a aidé à franchir des moments durs. Il m'a influencé par bien des manières, toujours pour le meilleur et jamais pour le pire, les paroles du disque me guidant encore aujourd'hui, et je l'espère pour longtemps.
Autant dire qu'écrire un article dessus était quelque chose que j'attendais et appréhendais en même temps. D'un côté, faire découvrir à des néophytes ce que j'estime être une pierre angulaire du metal moderne est un privilège auquel je veux faire honneur. De l'autre, si je pense pouvoir parvenir à expliquer pourquoi From Mars To Sirius est un grand album, je doute être en mesure de pleinement transmettre ou faire comprendre tout ce que cet album évoque chez moi, les circonstances de découverte et d'écoute variant pour chacun d'entre nous. Une bipolarité qui ne m'a pourtant pas découragé : comme pour tous les articles écrits sur Soundbather, si ne serait-ce qu'une personne découvre ou aime cet album grâce à cette chronique, alors notre objectif est atteint.
Voici donc un dossier extensif sur From Mars To Sirius, album de Gojira sorti le 27 septembre 2005, en espérant réussir à vous partager l'amour que je lui porte.
Genesis
2004. Après une tournée suivant la sortie de leur album The Link, Gojira vient de sortir The Link Alive. Œuvre complète, mixée avec talent et bien filmée, le CD/DVD est une preuve de la qualité du death metal aux accents progressifs que le quatuor rend fidèlement en concert. La tournée conclue et le travail de promotion terminé, la formation va pouvoir s'attaquer à son troisième album, étape souvent qualifiée "d'album de la maturité" pour chaque artiste.
Au début de la création de From Mars To Sirius, Gojira avait sorti deux albums et plusieurs EP. En 2001, Terra Incognita avait été une formidable rampe de lancement pour les Landais, après des années à poncer leur art. Suite à ce succès relatif mais très encourageant, le quatuor avait sorti The Link en avril 2003. Plus court et surtout plus brut dans sa production, l'album faisait évoluer le death metal entendu sur leur 1er album en décuplant la technicité, la brutalité et la rage. Avec plus de breakdowns, une voix plus agressive et des guitares au son plus distordu, ce second LP perdait un peu le côté "prog" aperçu avant. Il y avait bien Dawn ou des passages à l'aspect tribal (Connected ou le début du morceau éponyme), mais c'était surtout l'impression de se faire rouler dessus sans vergogne qui dominait, sentiment écrasant avec ses patterns et rythmes plus fous les uns que les autres. Sur les deux albums, le groupe évoquait des thèmes plutôt inhabituels pour le genre, comme l’introspection et notre lien avec la nature.
Après une tournée en France, Belgique et Suisse confirmant leur succès grandissant et immortalisée avec The Link Alive, les quatre musiciens retournèrent dans leur propre studio, le Studio des Milans. Dès lors, le groupe commença à écrire et à composer. Contrairement aux derniers albums du quatuor, tout le monde participa à la création, sauf pour le versant des paroles que Joe Duplantier a écrit dans leur intégralité. Ainsi, Christian Andreu eut les idées du riff final de Where Dragons Dwell et de l'arpège de la première moitié de World To Come. Les parties de batterie de Mario Duplantier furent quant à elles enregistrées à Agen, au studio Le Florida.
Une fois le tout enregistré, la partie de mixage et production de l'album dura plus longtemps qu'à l'accoutumée, l'ouvrage durant plusieurs mois. En plus de Joe et de Laurentx Etchemendy, Jean-Michel Labadie a notamment eu un apport important, prêtant attention à ce que la basse ressorte plus que sur les précédentes œuvres de Gojira.
Le 27 septembre 2005, From Mars To Sirius était disponible au public et allait profondément marquer la scène, le groupe et le public. Sortant des carcans de son genre et proposant une évolution significative pour le groupe, l'album est aujourd'hui reconnu pour son influence et sa qualité. Un cheminement qu’il convient d’explorer afin de comprendre comment le disque a atteint ce statut.
Du death metal au “son Gojira”
Avant 2005, Gojira s'était fait connaître par un death metal agressif, avec des morceaux s'écartant de la formule classique couplet/refrain. En ajoutant ça et là des percussions et voix tribales, le groupe s'était créé un son bien à lui, aidé par des paroles éloignées des thèmes traditionnels du genre. L'adjectif de progressif pouvait - timidement - être collé à la formation, pour toutes les raisons citées précédemment. Les Landais expérimentaient, que ce soit sur des pistes cachées (Terra Inc.), des EP (Maciste All'Inferno), en live (Blow Me Away You(Niverse) sur The Link Alive) ou sur des sides-projects (Empalot).
Si Gojira n'a clairement pas puisé dans chacun de ces exemples, il est indéniable que From Mars To Sirius est une évolution conséquente par rapport à ses prédécesseurs. Comme chez eux, on va trouver des passages plus rock que metal, des sections contemplatives ou de l'expérimentation technique. D'albums thématiques, on va passer à un album concept. Au final, une myriade de nouveautés qu'il convient de détailler.
GUITARES
Pour ces premières, de nouvelles techniques ont été utilisées sur l'album, s'intégrant dans le processus de composition. En premier, le pick scrape, qui fait désormais partie intégrante du "son Gojira". La manœuvre est simple, consistant à faire remonter son médiator contre les cordes le long des micros tout en plaquant sa main contre celle-ci. Il en ressort un son agressif et dissonant mais très particulier et impactant. Bien placé, il peut augmenter l'impact d'un breakdown (Flying Whales, Ocean Planet) ou ajouter des nuances à un riff (From The Sky). Et si d'autres avant l'ont utilisé, Gojira fait partie des premiers à l'utiliser en tant qu'élément de composition et pas simplement comme un marqueur pendant une transition. La technique est utilisée sur la moitié des titres de From Mars To Sirius et on pourra l'entendre sur les albums suivants du groupe (Adoration For None, Explosia et Grind entre autres), mais jamais dans de telles proportions en dehors de L'Enfant Sauvage.
En second, le tapping arrive chez les Landais. Si la technique est devenue une des marques de fabrique du groupe à partir de cette sortie, elle n'est pas forcément si présente que ça : on ne la retrouve que sur The Heaviest Matter Of The Universe et Global Warming. Mais Gojira innove en l'incorporant dans la structure de ses titres. Ce n'est pas un artifice placé pour un solo ou de courtes secondes mais un élément à part entière du morceau. Il participe à sa progression (The Heaviest Matter Of The Universe) ou en est carrément l'élément central (Global Warming), renforçant son effet, surtout quand on le compare à son utilisation par d'autres artistes. Il en sera de même plus tard dans leur discographie où il sera utilisé en tant que riff, Oroborus, The Gift Of Guilt et Born In Winter étant les meilleurs exemples.

VOIX
Au-delà de la guitare, Joe Duplantier s'est aussi amélioré ailleurs : la ou plutôt les voix. Jusqu'ici, le travail des voix chez Gojira n'était pas forcément un élément prépondérant des morceaux. Sur Terra Incognita, le chant alternait entre growl puissant mais monotone et une voix claire assez froide. Sur The Link contrairement au précédent album, les voix étaient souvent doublées, proposant des échos et des placements intéressants sur le spectre sonore. Quant à lui, le chant restait globalement dans le même domaine. On commençait à entrevoir de la mélodie dans les parties en voix saturée, mais c'était encore assez succinct.
Sur From Mars To Sirius, le chant de Joe est passé dans une autre dimension. En premier lieu, le doublage des voix est quasiment systématique. On obtient un rendu plus puissant, sans même parler du volume sonore intrinsèque du vocaliste. Et ce n'est rien comparé aux passages importants où une multitude de voix a été placée, comme sur les dernières parties de Where Dragons Dwell ou To Sirius. Là, les voix sont des briques fondamentales pour établir le mur sonore que Gojira nous envoie dans les oreilles.
Au-delà du mixage et de la production, la voix de Joe a elle-même évoluée. Comparé aux précédents opus, son chant est bien plus mélodique, loin des growls monotones d'auparavant. Si c'est vrai sur les parties en chant clair (The Heaviest Matter Of The Universe, Global Warming), c'est surtout sur celles criées que l'avancée est remarquable. Que ce soit sur les couplets d'Ocean Planet, From The Sky ou pendant les climax de Where Dragons Dwell et To Sirius, la voix instille des émotions autres que les simples rage et colère présentes précédemment.
World To Come est un condensé de tout ceci : sur les couplets, on alterne entre un scream mélodique et une voix claire, parfois doublée par une voix plus grave. Ce va-et-vient laisse ensuite une voix saturée plus directe, bien que subtilement évocatrice.
Les passages entièrement en growl sont toujours présents (In The Wilderness, Flying Whales), mais ils ne sont clairement plus les stars du disque. Ils laissent leur place à un Joe bien plus nuancé, qui le deviendra de plus en plus à l'avenir. Sa voix participe désormais activement pour nous investir dans un titre, un véritable atout pour nous aider à ressentir ses messages, qui passaient auparavant bien plus par les instruments. Si les paroles sont toujours dures à scander, elles sont cependant bien plus mémorables que sur les deux albums précédents. Le chanteur se permet même des quasi-chuchotements sur From Mars pour renforcer l’atmosphère intime du titre.

BASSE
Du côté de la basse, Jean-Michel Labadie a pu se faire plaisir, la place de l'instrument ayant évoluée pour l'album. Si auparavant elle se "limitait" à la base rythmique, à part sur 04, la cinq cordes est devenue bien plus expressive sur From Mars To Sirius. Que ce soit de façon subtile (le final d'Ocean Planet, Backbone) ou très explicite (Flying Whales, World To Come, Global Warming), la basse de Jean-Michel s'est retrouvée bien plus en avant qu'à l'accoutumée. S'il tient toujours son rôle principal, à savoir marteler les riffs efficaces du groupe et ainsi poser la fondation sur laquelle les guitares et les voix se développent, le bassiste se permet ici plusieurs extravagances agrémentant parfaitement le reste des instruments. Le climax d'Ocean Planet l'illustre de belle manière, Jean-Michel se plaçant derrière le mur des six-cordes et des voix pour nous livrer une ligne mélodique simple mais majestueuse, donnant à cette section une grandeur supplémentaire.
Sur ce passage, comme sur les autres, la basse ne joue pas quelque chose d'extravagant. Mais elle apporte un supplément d'âme au titre, une nuance dans les couleurs dépeintes qui, il faut le dire, ne tombe jamais à plat.

BATTERIE
La partie dont l'évolution est la moins évidente se trouve être celle de Mario, derrière ses fûts. Cela vient sans doute du fait que ce sont surtout les parties calmes qu'il a apprivoisé sur From Mars To Sirius. Or, c'est pendant ces sections-là que la batterie est la moins notable : qui se souvient ce que joue le petit frère pendant Unicorn ou From Mars ?
Bien sûr, les grandes plages de double-pédale ont toujours leur place (From The Sky, la fin de Where Dragons Dwell), tout comme les énormes roulements de toms. Les blast beats sont également présents, mais beaucoup plus rares (Backbone, To Sirius et brièvement sur The Heaviest Matter Of The Universe). Plus généralement, chaque titre, ou presque, a le droit à son passage défouloir, Mario ne manquant pas d'y participer à sa manière.
Allant de pair avec les riffs et mélodies des guitares, le style de Mario favorise plus qu'avant le groove par rapport à une puissance aveugle. Les couplets de World To Come, Global Warming ou l'introduction de Flying Whales lui permettent de déployer un jeu plus créatif et fin que sur The Link. Cet aspect créatif est d'ailleurs une de ses marques de fabrique, le cadet du groupe ayant toujours cherché à innover et explorer autour de son instrument de prédilection. À ce compte-là, la fin d'In The Wilderness peut être vue comme un jam, avec toutes ses variations sur les roulements à la fin de chaque répétition du riff de conclusion.
Un jeu toujours aussi puissant donc, mais qui a succinctement évolué pour suivre les nouvelles explorations des riffs et mélodies de From Mars To Sirius.

COMPOSITION
Pour ce qui est de la composition à proprement parler, le troisième opus de Gojira est leur premier auquel on peut apposer le terme de progressif. Morceaux plus longs qu'à l'accoutumée, techniques avant-gardistes, concept développé sur la longueur du disque ou encore signatures rythmiques atypiques, tout y est. Si certains aspects avaient été abordés sur leur œuvres précédentes, c'est la première fois que tout se trouve sur un seul et même album.
On peut même tout cristalliser en un morceau, surement le plus emblématique du groupe et de l'image même qu'on s'en fait : Flying Whales. De prime abord, on a un morceau à tiroirs : deux parties bien distinctes, elles-même ayant plusieurs sections. Le morceau est de fait plus long, approchant des 8 minutes de durée. L'utilisation du pick scraping en tant qu'élément de composition sur le breakdown est un artifice assez nouveau en 2005. Quant aux signatures rythmiques, le morceau en change constamment, notamment sur les couplets où la formation alterne entre le 4/4 et le 6/4.
L'aspect plus progressif de Gojira amène avec lui des compositions plus mélodiques et diverses. Là où Terra Incognita et The Link semblaient plus unidimensionnels et brutaux, le groupe va chercher de nouvelles émotions avec ce disque. La sensation d'être ridiculement petit, comme quand on se prend le final de From The Sky ou de Where Dragons Dwell. L'espoir empli de convictions de World To Come qui nous emporte avec lui. Le courage d'aller de l'avant qu'exprime To Sirius, l'inarrêtable détermination que nous donne Backbone ou encore le rêve teinté de mélancolie que nous fait miroiter Global Warming sont autant de facettes que le quatuor n'avait pas encore présentées.
Les arpèges deviennent plus proéminents, From The Sky et Flying Whales s'en servant de point de bascule alors que ceux de Unicorn, World To Come ou From Mars participent à nous immerger dans le monde des Landais.
Malgré tout, les breakdowns font toujours partie de l'arsenal du quatuor, tout comme les riffs lents et massifs. On les entend peut-être moins, maintenant que les titres comprennent des plages plus mélancoliques ou aériennes. Mais cela ne remet absolument pas en cause la capacité - et le talent indéniable - de Gojira à nous faire vriller la tête. Que ce soit les riffs principaux de Flying Whales ou The Heaviest Matter Of The Universe, de la section centrale de Backbone ou du refrain d'In The Wilderness, les quatre musiciens nous proposent toujours des passages (voire des morceaux entiers) propices à provoquer d'intenses torticolis.
La dimension écrasante du son Gojira n'a absolument pas disparu, elle s'est au contraire étoffée : en plus d'être lourds comme cela pouvait être le cas sur The Link, les morceaux du groupe ont bénéficié d'un mixage renforçant ces deux aspects. À la manière d'un Devin Townsend, des parties se sont agrémentées d'énormes murs sonores, donnant cette impression d'immensité sur certains passages, nous rappelant la différence d’échelle entre nous, les baleines et l’espace.
MIXAGE / PRODUCTION
Le mixage et la production sont d'ailleurs les processus qui ont le plus évolué entre les premiers albums du quatuor et From Mars To Sirius. Comparé à Terra Incognita et surtout The Link, le troisième opus des Landais a été beaucoup plus affiné et poli avant de sortir dans les bacs des disquaires. Le travail sur les effets des guitares ou le nombre de pistes doublées sont des efforts qui s'entendent sur tout l'album, de nouvelles textures et nuances faisant leur apparition sur le disque.
Alors qu'auparavant les ambiances étaient surtout travaillées sur les pistes instrumentales, désormais cela se fait sur l'entièreté de l'album. Les chants de baleines (Ocean Planet, Unicorn et Flying Whales), les inserts de vents (Where Dragons Dwell, In The Wilderness) ou toutes les couches de guitares en fond qui n'existaient pas, ou peu jusque-là, participent à rendre l'ensemble plus immersif.

De soi, à la Terre, jusqu’à l’immensité de l’espace
Le vide de l’espace est immensément vaste, autant que la psyché humaine est profonde. Gojira a toujours cherché à sonder cette dernière : le groupe a commencé avec l'introspection sur Terra Incognita, puis a poursuivi par notre rapport à notre environnement sur The Link. Après From Mars To Sirius, la quête de réponses a été poursuivie en questionnant notre rapport à la mort et au cycle de la vie sur The Way Of All Flesh, avant de s'interroger sur notre nature innée à travers L'Enfant Sauvage. Magma est parcouru par notre rapport à la mort, celle des autres cette fois-ci, la mort de la mère des frères Duplantier imprégnant chaque seconde du disque. Enfin, Fortitude explore justement notre fortitude, fouillant parmi les différentes manières de faire face à nos troubles.
Sur From Mars To Sirius, Joe Duplantier continue d’approfondir ses thèmes de prédilection. On retrouve la réflexion interne du premier album sur plusieurs titres, Where Dragons Dwell en tête, ainsi que le lien avec la nature du second album, l’exemple le plus évident étant bien sûr Global Warming.
Pour ce qui est de ce dernier thème, il a évolué pour devenir un discours écologique. Ocean Planet, In The Wilderness, World To Come et Global Warming portent toutes en elles des idées pro-environnementales. Elles ne sont pas toujours l'unique sujet, mais ce sont celles-ci qui auront marqué à la fin de l'écoute. Au sortir de cet album, Gojira s'est vu étiqueté écologiste, un engagement que le groupe n'a jamais renié. Depuis, Planned Obsolescence, Silvera, Amazonia et leur lien avec Sea Shepherd sont autant d'affirmations des convictions que la formation a commencé à expliciter sur From Mars To Sirius. L'image de la baleine qu'on entend sur Ocean Planet, Unicorn et Flying Whales est depuis devenue un des emblèmes attachés au quatuor.
Quant au questionnement interne, le sujet devient central à l’album : il raconte la quête d’une personne souhaitant passer d’un état de colère et de détresse vers celui de la paix intérieure. En dehors de quelques chansons, cette recherche de la sérénité parcourt tout le disque. Une démarche complexe à entreprendre et réussir, comme partir de Mars (représentation de la colère) pour arriver à Sirius (illustration de la sérénité). L'album est chargé de symboles (dragons, océans, astres et bien sûr les baleines) incarnant ce parcours qui parfois dure toute notre vie, la musique et les paroles du quatuor interrogeant notre spiritualité et notre rapport au calme intérieur. D'ailleurs, les textes peuvent être lus sous plusieurs angles différents, Joe Duplantier souhaitant laisser les auditeurs interpréter les messages qu'il disperse dans ses vers, chacun à sa manière.
Un emballage éclatant
Maintenant que le contexte de la conception de cette œuvre a été établi, penchons-nous sur ce qu’elle nous propose, à commencer par sa pochette.
Conçue par Joe, comme celle de The Link, la peinture frappe par sa clarté. Comparée à la majorité des pochettes de death metal, bien souvent sombres et surchargées, celle de From Mars To Sirius contraste. Se balançant entre les nuances de blancs et de gris clairs, le tableau du frontman inspire la sérénité et l’apaisement, au contraire de la violence et de la noirceur, habituelles pour le genre. Bien plus subtile et peaufinée que la précédente, la pochette nous présente les thèmes qu’on retrouvera dans la musique : les deux astres Sirius A et B, ainsi qu’une baleine tatouée volante, donnant son nom au morceau central du disque.
Le livret de l'album garde la même toile de fond, avec les mêmes teintes et coups de pinceaux. Les dessins de Joe s'y retrouvent également, placés derrière les crédits et les paroles. Ils œuvrent à ancrer l'univers de From Mars To Sirius, des représentations de dragons ou de voyages vers Sirius parcourant les pages du petit bouquin. Des notes en filigrane, sûrement prises par Joe, servent d'indices aux curieux qui souhaitent explorer les messages cachés dans le disque. Étonnamment, on peut aussi y voir le bas de l'arbre de The Link Alive.
Dans son ensemble, l'objet nous prépare à un album qui semble avoir été créé avec plus de minutie qu'habituellement. Ce qu'il ne laisse pas deviner par contre, c'est que derrière l'apparence lisse et polie de ces baleines se cachent des montagnes, dragons et voyages loin d'être calmes et apaisés.

From Mars To Sirius
Faire évoluer sa musique et ses thèmes est une bonne chose sur le papier, encore faut-il les faire aller dans la bonne direction et rien n’était moins certain avant la sortie du disque. Alors que vaut l’album ?
Comme sa pochette, l’introduction peut surprendre : le disque débute avec un silence seulement interrompu par l’arrivée du chant d’une baleine. Puis Gojira débarque avec un riff massif, lançant véritablement l’album. Ocean Planet, c’est cette nouvelle version du groupe : toujours aussi puissante mais plus aérienne. Cette ouverture met tout de suite en valeur l’apport des évolutions du “son Gojira”. On s’aperçoit très vite de la progression de Joe au chant, le vocaliste faisant preuve d’une intense passion dès le début du disque. Jean-Michel se permet des incartades hors de la simple rythmique et Mario roule sur ses toms alors que les guitares utilisent pleinement la puissance des pinch harmonics, des pick scrape et du palm mute.
Ocean Planet est un départ lourd et lent, prenant son temps avant de faire grimper la tension avec un pont bien death, qu'il conclut avec un superbe final extatique. Bien plus énergique et direct quant à ses intentions, Backbone est propice au brisage de nuque à chaque seconde, avec un pont fédérateur et un breakdown de conclusion conçu pour une destruction totale. Pour conclure une excellente triplette d'ouverture, From The Sky est le titre bourre-pif par excellence : la double pédale est présente sur quasiment tout le titre, à part sur un pont aérien précédant le riff le plus imposant que Gojira ait écrit dans sa discographie.
Une introduction bien gourmande donc, qui nécessite un digestif pour faire retomber la tension. Unicorn se présente en interlude qui, malgré sa simplicité, recèle une profonde richesse. Sa mélancolie n'est dépassée que par celle du riff principal de Where Dragons Dwell, œuvre puissante tant par les émotions qu'elle fait surgir que par la batterie de Mario, qui se défoule les mollets sur les couplets et l'outro du morceau.
Tout comme Backbone, The Heaviest Matter Of The Universe résume très bien la puissance brutale que les Landais sont capables de transmettre avec juste quatre instruments, alors qu'à sa suite, Flying Whales est un condensé du nouveau Gojira de 2005. Aérien, brutal, majestueux, destructeur, évocateur ou plus simplement beau sont autant de dénominations qui décrivent le morceau phare de la formation. Gros morceau à tiroirs, il cède sa place à un énorme parpaing : In The Wilderness. Chanson death au possible, sa puissance est liée à celle de la nature qu'elle invoque dans ses paroles.
Et si cette autre triplette est aussi bonne que la première, il faut bien avouer qu'elle est tout aussi difficile à avaler d'un coup. Heureusement, les Landais balancent soigneusement le rythme de l’album en plaçant World To Come à sa suite. Avec un ton plus rock que metal, le titre fait redescendre la tension malgré une intensité grimpant crescendo, pour finalement céder la place au diptyque des titres éponymes.
Le duo From Mars / To Sirius est construit comme Flying Whales, avec une première partie calme que Roger Waters n’aurait pas reniée. Elle précède une très intense seconde partie s’inspirant des grands noms du death, avec notamment un pont mené au blast beat typique du genre. Le fade out de To Sirius glisse jusqu’à l’introduction du sublime morceau de clôture de l’album : Global Warming. Chanson étendard du metal axé sur l’écologie, la conclusion de l’album est un cri du cœur de Joe Duplantier pour la planète bleue où, en plus des paroles, le tapping des deux guitares exprime toute l’inquiétude du vocaliste pour notre futur. Une conclusion poignante en point d’orgue pour un album qui a changé la carrière du quatuor.
Pendant ses douze titres, From Mars To Sirius prouve à quel point Gojira maîtrise le death metal, mais surtout comment il sait s'en affranchir pour devenir plus que ce simple genre. Les influences progressives et rock débarquent dans le son des Français pour lui offrir beaucoup plus de subtilité. Les paroles quant à elles sont toujours aussi particulières, alternant entre vers à prendre au premier degré et lignes ésotériques pouvant être interprétées différemment par chaque personne.
Une multitude de facettes du groupe, bien mieux cachées auparavant, sont désormais visibles sur son troisième opus. Avec lui, le metal n'a jamais sonné aussi lourd en ré (D), à l'image de ses cétacés volants. Les riffs du groupe sont aussi imposants que la présence des baleines que l’album poursuit. Mais il est bien plus que ça : c'est un voyage où se côtoient l'agressivité de Backbone, l'errance de Unicorn, la lourdeur de l'introspection de son sixième titre, l'espoir de World To Come ou encore la traversée spatiale de From Mars / To Sirius. À travers un genre pourtant si monolithique, les musiciens nous font vivre une palette d'émotions rarement vécues sur un album de death.
Gojira explore brillamment tous ces nouveaux aspects musicaux certes, mais surtout : il le fait en proposant des titres jouissifs à l'écoute, méritant chacun sa prise ou son passage. Ocean Planet envoie un final gigantesque, Backbone donne envie de tout casser avec son passage central à la double pédale et son breakdown final, tandis que le riff à 4:20 de From The Sky donne envie de soulever des montagnes tant il fait paraître possible l'inimaginable. La mélodie de Where Dragons Dwell prend notre cœur avant de révéler la puissance draconique de son final alors que la transition à 0:46 de The Heaviest Matter Of The Universe est un des plus gros brise-nuque jamais composé. Flying Whales se passe de commentaire dans la mesure où on peut le considérer comme un des titres emblématiques du metal du XXIème siècle et In The Wilderness vaut le détour pour la débauche d’énergie de Mario sur tout le titre. La ligne de basse de World To Come mériterait un article à elle seule tant elle provoque un plaisir incommensurable à chaque écoute. L'ambiance de From Mars est indescriptible, sans compter la partie au blast de To Sirius, dévastatrice comme le lézard géant dont le groupe tire son nom. Pour conclure, personne n'a jamais réussi à s'approcher ne serait-ce qu'un peu de la beauté de Global Warming, un titre alliant technique, finesse et émotion, malheureusement trop demandant pour une représentation en concert.
Malgré tous ces exemples, on n’a fait qu'effleurer la surface de ce qui rend l’écoute de From Mars To Sirius si belle. En plus de la musique, les paroles du groupe poussent à la réflexion ainsi qu’à essayer de comprendre la vision du monde qu’il propose. Le voyage de Mars jusqu'à Sirius demande beaucoup de moyens et d’énergie, à peu près autant que ceux nécessaire pour arriver à se détacher de nos colères et de nos peurs. Comme beaucoup l’ont déjà dit auparavant, le trajet est aussi important que l’objet de la quête se trouvant à son aboutissement. Ici, il est également d’une beauté peu commune qui, vingt ans après, n’a pas pris une ride. Une alliance entre des compositions et des paroles qui se subliment réciproquement pour dévoiler un album qui a fait date. Une réussite complète qui allait faire des émules…
Des bacs…
À sa sortie, From Mars To Sirius se révèle être un total succès critique. Pour ce qui est du succès commercial, il se limite à son échelle, même s’il parvient à se faire une place dans le top 50 français. Mais c’est surtout dans la durée que le troisième album des Landais a laissé sa trace.
Tout d’abord, n’y allons pas quatre chemins, From Mars To Sirius est l’album qui a lancé la carrière de Gojira à l’international, en particulier outre-Atlantique. Le succès a été critique, leur permettant de faire plusieurs tournées pendant deux ans. Au début de 2006, le groupe faisait des escapades en France et au Benelux, avant de faire la tournée des festivals européens à l’été, puis au Royaume-Uni à l’automne. Au Download Festival, ils se faisaient même repérer par des agents leur proposant de tenter une aventure aux USA.
À la faveur d’une distribution de l’album en Amérique via Prosthetic Records et d’une amitié naissante de Joe avec Randy Blythe de Lamb Of God, Gojira découvrait les États-Unis et le Canada de l’hiver 2006 au printemps 2007. Lors d’une tournée fleuve avec Lamb Of God, Trivium et Machine Head, le quatuor profitait d’une énorme rampe de lancement pour promouvoir From Mars To Sirius auprès d’un public néophyte du metal hexagonal. La tournée se révélait fructueuse puisque Gojira allait revenir dans les contrées nord-américaines à l’automne 2007 avec le Radio Rebellion Tour, après une énième tournée européenne au printemps.
Le groupe s’est servi de cette dynamique pour enregistrer la batterie de The Way Of All Flesh aux USA (ainsi qu’un featuring avec Blythe) et s’exporter progressivement là-bas, jusqu’à ce que les frères Duplantier finissent par s’installer à New York quelques années plus tard. Depuis, les albums du quatuor sont tous enregistrés là-bas, dans le studio qu’ils ont eux-mêmes monté.
Si le groupe a désormais un son bien moins agressif qu’en 2005, les évolutions apportées par From Mars To Sirius sont toujours incorporées dans son style si reconnaissable. C’est d’ailleurs depuis ce troisième opus que le son Gojira est clairement identifiable, là où il pouvait être auparavant confondu avec un death metal un peu plus générique.
Une patte qui a depuis fait des émules : le pick scrape et autres techniques se sont depuis démocratisées dans la scène metal. D’autres artistes les ont reprises à leur sauce et les ont intégrées dans leur arsenal de composition. La présence du pick scrape sur le riff principal de Laments Of An Icarus des Néerlandais de Textures trois ans plus tard n’est sans doute pas anodine, par exemple. Ce ne sont pas les seuls, la scène du metal progressif ayant vu le potentiel des idées du quatuor landais. On peut citer Pull Down The Sun ou des groupes de technical death metal qui utilisent des riff à base de tapping, Hypno5e, qui ont quant à eux le même genre de riff syncopés avec des cassures bien spécifiques. Et si ce n’est pas Gojira qui a inventé chacune de ces techniques et leur utilisation, From Mars To Sirius a grandement participé à leur popularisation dans le metal.
Pour beaucoup de gens de ma génération, From Mars To Sirius a également été le premier contact avec un album metal sortant de l'habillage sombre traditionnel de cet univers. S'il faut le préciser, ce disque n'est évidemment pas le premier à dépasser ce stéréotype. Mais pour de nombreuses personnes, en particulier en France, la pochette a frappé. Je ne peux dénombrer toutes les fois où j'ai entendu quelqu'un dire que sa rencontre avec l'artwork avait été un déclic, où il avait compris qu’on pouvait dépasser ce cliché pour faire autre chose.
De la même manière, les thèmes abordés par Gojira n'étaient pas habituels pour du metal. Écologie, introspection et voyage interstellaire philosophique n'étaient clairement pas au menu à ce moment-là. Et si comme pour la pochette, le groupe ne fut pas la première formation à parler de ces sujets (on peut aisément citer Tool pour l’introspection), il fait partie des précurseurs ayant commencé à infuser ces thématiques dans le genre.
L’engagement écologique des Français, devenu plus qu’explicite avec cet album, a lui aussi marqué la scène metal. Là encore, Gojira ne furent pas les premiers à aborder le réchauffement climatique. Pour autant, dire que la formation est devenue la référence en termes d’écologie est une affirmation désormais difficilement réfutable. D’autres ont depuis suivi le mouvement, mais les quatre français demeurent au premier plan.
...Vers la pérennité
Maintenant, prenons un peu de recul sur l'objet qu'est From Mars To Sirius et comment il s'inscrit dans le paysage de 2025.
D'un point de vue culturel, est-il devenu un classique ? Si on compare avec ceux d'autres décennies, arriver à ce constat paraît forcé. Dans les années 80, on pourrait citer Number Of The Beast, Reign in Blood ou Master Of Puppets. Notez que je n'ai pas besoin d'écrire le nom de leur créateur pour que vous sachiez à qui je fais référence. Dans les années 90, The Black Album, Vulgar Display Of Power, Rage Against The Machine ou Superunknown sont également devenus des références culturelles. Dans les années 2000, pour ce qui concerne la décennie de sortie de From Mars To Sirius, on pense surtout à l'avènement du nu-metal avec Linkin Park, Limp Bizkit, System Of A Down, Korn et consorts. Au-delà, on peut sûrement citer Tool ou Avenged Sevenfold comme groupes majeurs de ce début de millénaire.
À mon avis, From Mars To Sirius n'est pas de ceux-là, qui sont arrivés à passer dans les canaux de grandes écoutes, ou tout du moins au grand public. Cependant, il ne fait pas non plus partie des classiques de sous-genres comme peuvent l'être Anthems to the Welkin at Dusk (Emperor) pour le black, Human (Death) pour le death, Obzen (Meshuggah) pour le djent ou Jane Doe (Converge) pour le hardcore.
En réalité, je pense que le troisième album de Gojira se trouve quelque part entre les deux. Un peu trop grand pour n'être vraiment apprécié que par les aficionados d'un style bien précis, mais pas assez pour arriver dans le domaine de la culture générale. Car si Flying Whales ou Backbone n'ont jamais atteint les ondes de RTL, NRJ ou Chérie FM, ils ont donné des idées à la scène metal, au-delà du death d'origine du quatuor landais.

Pour revenir à l’inscription de l’album dans notre actualité, évidemment, son réquisitoire écologique résonne plus fort que jamais, avec les inquiétudes et débats actuels. C'est le sujet de notre siècle, si tant est qu'on ne soit pas aveuglé par les gains du système capitaliste ou la haine infondée de son voisin. De même, le thème principal du disque, ce passage souhaité de la guerre vers la paix, au moins intérieure, trouve bien sûr des échos en 2025. Je souhaite de tout cœur que vous en soyez épargné, mais il ne vous aura sans doute pas échappé que dans la décennie actuelle, avec ses innombrables sources de stress, atteindre l'apaisement ou toute forme de sérénité est un énorme accomplissement en soi. Un combat sans relâche, perpétuel, qui demande son lot d'efforts quotidiens que From Mars To Sirius nous encourage à entreprendre.
Mis bout-à-bout, tous ces éléments font de From Mars To Sirius un des piliers du metal au 21ème siècle. S’il n’aura pas la portée d’un Toxicity, Lateralus ou Iowa, au moins d’un point de vue commercial, le troisième album de Gojira a profondément influencé la scène metal et son public. Au-delà de la blague du “whale metal” qui a perduré quelques années après sa sortie, les Français ont réussi à marquer de leur empreinte le monde musical, finissant 20 ans plus tard à être le premier groupe de metal extrême à participer à une retransmission internationale lors des Jeux Olympiques de Paris. Un accomplissement qui n’aurait pas été possible sans l’arrivée fracassante que fut From Mars To Sirius en cette fin de septembre 2005.
Voler avec les baleines
De la colère à la paix, il y a un gigantesque pas que Gojira a réussi à effectuer. Profond comme l’océan, explorateur comme son personnage, imposant comme les baleines, empli de nuances comme sa pochette, fluide comme l’eau qui le traverse, spatial comme les astres qu’il visite, aérien comme le ciel qu’il convoite, aussi colérique que serein, puissant, émotionnel, exaltant, stimulant ou apaisant, From Mars To Sirius est un album complet. Mûrement réfléchi et conçu avec attention, le troisième opus du quatuor est un objet précieux à écouter au moins une fois, ne serait-ce que pour entrevoir les messages transmis par la musique des Landais. Philosophiques et engagées, ses 67 minutes sont une porte d’entrée vers des réflexions que peu d’artistes death (voire metal) avaient explorées et que vous ne retrouverez pas ailleurs si facilement. Comme si peu avant et depuis, les riffs et mélodies arrivent à combiner puissance dévastatrice propre à nous faire retourner notre mobilier et majesté aérienne pour nous faire décoller, pour nous rendre un son aux frontières du death et du progressif qui, par la suite, est devenu le son Gojira.
Que ce soit avec la formalisation d'un thème récurrent, l'écologie, ou grâce à un son bien distinct, From Mars To Sirius a identifié à jamais le groupe, qui s'est ainsi fait une très belle place dans la scène metal, pour ne plus jamais la quitter. Une concrétisation de tout ce que Terra Incognita et The Link promettaient et laissaient entrevoir, avec en son noyau un concentré d’émotions puissantes provenant du cœur du groupe que Gojira nous montrait enfin. Tout comme son personnage principal, le groupe a dépassé les frontières de son pays pour s’envoler vers d’autres sommets, que ce soit au sens littéral comme figuré.
Et tout comme eux, ses auditeurs ont pu décoller avec l’album et se voir proposer une vision aussi peu commune que profonde, captivante et passionnante à travers le metal des quatre artistes. Maintenant c’est à votre tour de découvrir où vos dragons demeurent avant de partir suivre les léviathans vers la constellation du Grand Chien. En vous souhaitant une bonne écoute et un bon voyage.


Gojira
"From Mars To Sirius"
- Date de sortie : 27/09/2005
- Label : Listenable Records
- Genre : Progressive Death Metal
- Origine : France

- Genre : Death Metal
- Origine : France
- Activité : 1996
