And So I Watch You From Afar : "J’ai ce sentiment que la composition de Megafauna a été très naturelle et instinctive"

Du 14 au 17 août 2024, l'équipe de Soundbather s'est retrouvée sur place lors de la dixième édition du festival ArcTanGent, l'occasion de nous entretenir avec trois membres du quatuor And So I Watch You From Afar. Ce week-end ci, les Nord-Irlandais ont interprété deux sets : l'un où la setlist a été choisie par les fans et l'autre où ils ont pu jouer leur excellent dernier album en entier : Megafauna.

Soundbather : Bonjour à vous et merci de m’accorder de votre temps aujourd’hui ! Tout d’abord, comment allez-vous ?

Rory Friers : Ça va plutôt pas mal. On ne s’est pas couché très tard hier soir, on a seulement pris un verre de vin après le concert avant de prendre un repos bien mérité ! Notre autre concert est prévu dans deux jours, donc on a encore un peu de temps pour se préparer et respirer un peu en prévision de samedi. En tout cas je me sens bien, très excité de jouer de nouveau, surtout dans cette atmosphère paisible et bienveillante du festival !

Ewen Friers : Le temps est parfait aussi ! On a même pu rencontrer quelques fans qui ont assisté au show hier soir et c’est toujours un plaisir de pouvoir discuter avec eux.

SB : Tant mieux alors ! Je tenais justement à vous remercier pour le concert d'hier soir, c’était vraiment formidable. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire un set « By Request » ?

Rory : En fait, ça nous a été demandé par l’organisation du festival pour leur dixième anniversaire et par rapport au fait que l’on était présent dès leurs débuts. On voulait vraiment jouer notre nouvel album le samedi, donc on s’est dit que ça devrait être cool de pouvoir faire ce set d’hier soir, notamment pour avoir une collaboration avec toute la communauté de l’ArcTanGent. Et c’était vraiment super, ils ont choisi de très bons morceaux !

Chris Wee : Hooooo que oui, on s’est éclaté !

SB : Je confirme que la setlist était top, le public a été très réceptif ! D’ailleurs, en parlant de cela, que signifie l’ArcTanGent pour vous ? Est-ce que c’est un endroit spécial pour le groupe ?

Rory : Absolument. Quand on a joué ici pour la première fois, 10 ans auparavant, l’ArcTanGent et And So I Watch You From Afar étaient deux entités étranges qui avaient un esprit similaire au niveau musical. Ce n’était qu’un petit festival avec à peine quelques milliers de personnes et je pense qu’avec le temps, le groupe a grandi, ainsi que cet endroit, mais aussi la communauté ! On a tous évolué ensemble tout en gardant le même esprit et c’est ce qui rend ce lieu si spécial, autant pour nous que pour les gens. À chaque fois que l’on revient, on se sent comme dans une maison, remplie d’amour et de passion, comme tu as pu le voir hier soir.

SB : Je pense que nous ressentons tous la même chose au sein de la communauté, notamment car vous êtes très communicatifs avec le public. J’ai vraiment découvert votre musique en 2023, en me retrouvant par hasard à la barrière et j’ai été complètement emporté.

Chris : Tu fais bien de le rappeler, parce que l’an dernier c’était vraiment incroyable !

Ewen : Si je peux aussi rajouter quelque chose à ce sujet, j’ai ce sentiment que l’ArcTanGent a créé son propre écosystème, qui le différencie largement d’autres festivals. Quand on regarde la programmation au fil des ans, ils n’ont cessé de rester fidèle avec les styles de musique proposés. Tu as aussi une convivialité formidable avec tout le monde, que ça soit le public ou l’organisation. On a ce sentiment d’atmosphère familiale de la part de tout le monde et je pense que c’est très important.

SB : D’ailleurs, quand vous jouez en live, vous donnez tellement d’énergie positive au public ! Est-ce que c’est quelque chose que vous recherchez ?

Rory : Je pense que notre objectif durant nos concerts est de créer un environnement où les gens peuvent trouver une sorte d’échappatoire et c’est pour ça que nos shows favoris sont ceux où l’audience est très réceptive à notre musique. Parce qu’en tant que groupe, il n’y a pas de meilleure récompense qu’un public heureux, ce qui fait que l’on a vraiment envie de donner notre maximum tout du long ! On oublie tous nos problèmes, qu’ils soient personnels ou liés à notre monde en général. On essaye de composer des morceaux qui peuvent créer cet environnement, mais il est aussi important de se sentir honnête avec nous-même. On est donc très chanceux que les gens qui viennent à nos concerts nous rendent cette même énergie, comme si on se trouvait dans une pièce remplie d’amis de divers horizons qui profitent tous de l’instant présent !

SB : Parlons maintenant un peu de votre nouvel album. Après Jettison, qui était en quelque sorte un projet expérimental de votre part, vous venez tout juste de sortir Megafauna qui ressemble à une sorte de retour aux sources dans votre musique. Comment s’est passé le processus créatif de ce disque ?

Ewen : Je pense que l’environnement dans lequel on était lors de son écriture, notamment la période du Covid, a pas mal aidé. On ne pouvait pas faire de concert ou partir en tournée… on s’est donc retrouvé enfermé dans notre chambre, isolé de tout. On a d’abord commencé à jouer ensemble dans une salle, comme un simple groupe de live. C’est presque comme si on retrouvait les sensations de créer de la musique pour la première fois ensemble, comme quand on était adolescent. On ne faisait que répéter et encore répéter parce qu’on adorait jouer ensemble. J’ai ce sentiment que la composition de Megafauna a été très naturelle et instinctive, juste parce qu'on a tout créé ensemble dans une même pièce, à se partager nos différentes idées.

J’ai aussi envie de dire que, vu qu'on était complètement éloignés de tout à cause de la pandémie, ça se ressent dans les thématiques qu'on a apportées dans le disque. On a eu ce sentiment de vouloir se recentrer sur nous-même, de parler de l’endroit d’où nous venons (l’Irlande du Nord), de notre famille, de nos amis… C’est toujours très risqué de faire un tel album en tant que groupe, parce qu’on ne sait absolument pas comment les gens du monde entier vont le recevoir. Mais on s’est dit qu’il fera peut-être écho avec leur propre vie, leur propre ville natale et c’est ça qui est formidable avec la musique. Chacun y trouve quelque chose qui le touche d’une façon différente, nous le fait savoir et c’est le plus beau des compliments que l’on puisse recevoir.

SB : Si je comprends bien, c’est donc un disque qui vous est très personnel !

Chris : C’est ça, quelque chose de très intimiste et qu'il nous tenait à cœur de partager avec nos fans !

SB : S'il y a bien quelque chose que j’aime tout particulièrement dans votre musique, c’est que vous arrivez à associer parfaitement la technicité que vous avez dans vos instruments avec de belles mélodies, ainsi qu’à transmettre énormément d’émotions. Où trouvez-vous de telles inspirations pour créer cet ensemble ?

Rory : Je pense que c’est un mélange de beaucoup de choses avec lesquelles nous avons grandi. On a longtemps été assez isolé dans notre campagne en Irlande du Nord et on avait la collection de disques de nos parents, qui a été notre premier pas vers la musique, tout ça avant qu’Internet n’arrive. En plus de ça, tu avais les disques que tu achetais avec tes sous, mais aussi ceux que tes amis te prêtaient. Ce qui fait qu'on avait un petit microcosme d’inspirations dès notre jeune âge. On a par exemple énormément écouté de musique traditionnelle irlandaise, mais aussi beaucoup de rock progressif. Notre mère écoutait des choses à la fois très émotionnelles, sincères, atmosphériques ou très… irlandaises. Notre père écoutait plutôt des choses très techniques, progressives ou orientées space rock.

Ewen : Comme le dit Rory, on avait certes d’un côté notre mère avec une culture musicale très irlandaise et notre père qui aimait tout particulièrement tout ce qui était progressif. Et à côté, notre soeur écoutait beaucoup de punk rock qui nous a énormément influencé, notamment dans le côté rentre dedans, "do it yourself" et instinctif. Tout ce mélange a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui et vu ce que tu nous dis, ça a encore l’air de se ressentir.

Rory : Quand tu es jeune, tu as aussi ce sentiment que tu as besoin de ne choisir qu’un seul de ces genres pour te créer ta propre culture et personnalité, mais quelque part entre 2001 ou 2002, je me rappelle avoir entendu pour la première fois Relationship Of Command de At The Drive-In et c’était une claque formidable. Tu as à la fois une technicité certaine dans le jeu des musiciens, mais tout en restant un groupe à l’esprit très punk, avec malgré tout des pics émotionnels bruts très forts, tout en créant une atmosphère unique ! Tu te prends ça en pleine face et tu te dis « donc si tu te débrouilles bien, tu peux tout mélanger dans un seul et même disque ! ». Je pense que c’est pour cela qu'on a voulu très rapidement devenir très généreux dans nos compositions en incorporant beaucoup d’éléments variés qu'on aime tous au sein du groupe, tout en gardant l’ensemble cohérent. C’est pour ça que selon les disques de And So I Watch You From Afar, tu vas avoir : soit des morceaux très limpides, soit très désordonnés… Ce qui fait que parfois, c’est assez compliqué pour l’auditeur de s’y retrouver ! (Rires) On cherche en priorité à se faire plaisir à nous-même, voire à expérimenter dans des territoires dans lesquels nous n’avons pas l’habitude d’aller. Mais plus le temps passe, plus on connaît les capacités et envies de chaque membre du groupe, ce qui conduit à créer de la musique dont on est tous extrêmement fier et je pense que Megafauna est la meilleure version de tout ce que nous avons pu proposer tout au long de notre carrière.

SB : Je comprends bien mieux votre mentalité maintenant, notamment votre sincérité dans les compositions. Pour finir cette interview, j’avais envie de vous demander, n’êtes-vous pas un peu nerveux à l’idée de jouer ce nouvel album dans son entièreté samedi ?

Rory : OUI ! Totalement terrifiés !

Ewen : Je suis très content que tu le demandes ! (Rires). On a déjà pu jouer trois titres tirés de Megafauna lors de notre récente tournée américaine, mais comme je continue de le dire à chaque interview que l’on a pu avoir aujourd’hui, il n’y avait pas de meilleur endroit que l’ArcTanGent pour jouer un tel set. L’atmosphère ainsi que la mentalité qui règnent ici sont incomparables à d’autres festivals ! Puis bon, au moins tu as la certitude que nous jouerons très biens trois titres ! (Rires). On verra bien pour le reste !

SB : En tout cas, ça me rend très curieux de savoir comment le disque sonne en live, notamment avec des morceaux comme Mother Belfast ou Gallery Of Honour ! Merci beaucoup pour votre temps, et rendez-vous samedi pour le concert !

Rory : Merci beaucoup à toi, c’était un plaisir de pouvoir discuter avec toi aujourd’hui !

Megafauna est disponible depuis le 9 août 2024 à l'écoute sur votre plateforme de streaming préférée, ainsi qu'à l'achat en édition physique sur le site de Pelagic Records.