Delving : "Je ne m'arrêterai jamais d’être inspiré par ce qui m'entoure"

Nick DiSalvo est revenu nous transporter dans son univers

Nick DiSalvo est désormais un nom reconnu dans les sphères du rock et du stoner. Principalement connu pour son groupe Elder, le Germano-Américain ne joue pas que dans ce groupe, puisque depuis 2021, il possède aussi son propre projet pour ses expérimentations dans les terrains psychédéliques : Delving. Le 23 août 2024, la discographie de Delving s'est vu étoffé d'un second album avec la sortie d'All Paths Diverge. C'est dans ce contexte que nous nous sommes entretenus avec Nick pour parler en détail de ses différents projets, de sa manière de composer et du futur de sa musique.

451651044_18269515798242842_2048270467302449732_n De gauche à droite : Ingwer Boysen (basse), Nick DiSalvo (principal compositeur, guitare), Michael Risberg (guitare, synthétiseurs), Uno Bruniusson (batterie) @Leon de Backer

Soundbather : Bonjour Nick et merci d’avoir accepté notre interview ! Tout le monde te connaît principalement pour ton rôle en tant que guitariste et chanteur du groupe Elder. Tu es même déjà intervenu dans nos colonnes à l’occasion de la sortie d’Innate Passage, le sixième album du groupe ! Mais aujourd’hui, j'avais envie de parler de ton second projet : Delving. Pourquoi as-tu créé Delving, avais-tu envie de t’épanouir dans un projet différent d’Elder ?

Nick DiSalvo : Merci à toi pour ton intérêt pour Delving ! En fait, quand j’ai commencé ce projet, on était en plein pendant la pandémie. C’était une période où on ne pouvait pas jouer de la musique en live, donc j’ai commencé à enregistrer des morceaux en 2020. J’avais depuis plusieurs années des démos et des idées que je ne trouvais pas en adéquation avec Elder, mais je n’avais pas encore eu le temps d’approfondir ces idées jusqu’à ce que la pandémie nous frappe et que tous les musiciens du monde se retrouvent confinés.

Donc c’est vraiment comme ça que Delving a commencé, car j’ai enfin eu le temps de faire de la musique qui ne collait pas avec celle d’Elder.

SB : Vu que c’est un projet solo, est-ce que c’est toi qui enregistre tous les instruments pour Delving ?

Nick : Oui, c’est quelque chose que je voulais faire avec ce projet. C’est moi le compositeur principal d’Elder et ce, depuis le début, mais vu que nous sommes un groupe, je donne leur partition aux gars et ils s’adaptent. Mais avec Delving, je voulais voir comment j’allais me débrouiller si c’était moi qui enregistrais tous les instruments moi-même !

J’enregistre des petits bouts de musique depuis que je suis petit, j’ai grandi avec un enregistreur multipistes, je jouais de la batterie avant même de jouer de la guitare. L’idée même d’enregistrer à nouveau de la batterie m’attirait beaucoup et je n’en n’avais pas encore eu l’occasion avec Elder ! Même si aujourd’hui j’ai un groupe qui me suit sur les lives et que je leur donne de nouveau des partitions, c’est toujours plaisant d’avoir le contrôle à 100% sur ce que tu composes.

SB : C’est intéressant, car quand le premier album de Delving, Hirschbrunnen, est sorti en 2021, c’était clair pour le public que c’était ton projet solo car il était décrit tel quel. Mais avec la sortie de ton second album, All Paths Diverge, on peut voir sur tes réseaux sociaux que tu es accompagné d'un groupe.

On peut même retrouver certaines personnes sur tes autres projets, comme Michael Risberg, guitariste dans Elder, ou encore Ingwer Boysen qui joue dans Weite, un autre projet où tu y participes en tant que batteur. Est-ce que ces musiciens t’ont aidé dans ce second album où bien ils sont juste présents pour jouer en live avec toi ?

Nick : Non, ils ne m’ont pas aidé pour la composition du second album, j’ai utilisé le même processus que pour le premier. J’ai finalisé le projet seul et j’ai donné les partitions aux autres musiciens pour qu’ils puissent les apprendre et les jouer avec moi en live.

Mais à vrai dire, l’idée de jouer des morceaux de Delving en live est assez récente. Hirschbrunnen a été vendu comme un projet solo car c’est ce qu’il est et je n’avais jamais vraiment eu l’intention d’en jouer en live. Vu que Delving est un projet basé à Berlin et qu’Elder reste un projet international avec certains membres qui sont encore aux États-Unis, je ne voulais pas jouer de Delving avec mes compagnons d’Elder.

Mon agent m’avait alors proposé de jouer quelques concerts éparses de Delving, c’était pendant la pandémie donc on ne pouvait pas envisager des tournées. Je me suis dit que c’était une bonne idée à tenter et au final je suis content qu’on l'ait fait car plusieurs années après, je suis vraiment très content du line-up et je trouve qu’on a une alchimie parfaite entre tous les membres de Delving !

Avec les gars, on a beaucoup plus de possibilités de sortir du cadre du studio et de limite jammer sur les compositions, ce qui rend nos prestations encore plus intéressantes. L’improvisation n’a jamais été mon fort, mais j’arrive à sortir de ce que j’écris avec eux et tenter de nouvelles choses. À vrai dire, je pense que s’il y a un troisième album de Delving, on le composera ensemble car le projet à l’air de s’avancer vers cette idée d’alchimie entre nous tous.

DelvingDunaJam Delving au DunaJam 2023 @Maren Michaelis

SB : Tu parles d’un éventuel troisième album, mais avant cela, Delving s’est étoffé d’un second disque ! Serais-tu content de voir ton projet grossir et atteindre des sphères similaires à Elder, par exemple en jouant comme première partie de Tool, où tu préfères simplement avoir un petit terrain de jeu où tu es libre de t’exprimer ?

Nick : Je ne sais même pas si on peut avoir les deux ! Je veux vraiment continuer le projet comme il est, à savoir comme une liberté d’expression musicale, mais en même temps, je sais qu’avec le temps, on gagne en réputation et on commence à avoir une fanbase qui va développer des attentes sur notre musique.
Donc c’est difficile de se libérer de ces attentes et de s’exprimer sans contraintes. Je pense que les deux albums que j’ai sorti sont vraiment aboutis, et je suis content si des gens les ont aimés. Pour All Paths Diverge, j’ai investi un peu plus dans sa communication car j’en suis vraiment fier et je pense qu’il mérite d’être écouté. Ça ne me dérangerait pas que Delving récupère un peu plus d’exposition évidemment, mais pas au point de devenir une superstar ! Chaque musicien est heureux de partager sa musique avec d’autres gens et partager nos énergies est toujours une expérience positive.

SB : Vu que tu composes pour différents projets, est-ce qu’il t'arrive des moments où tu écris un riff ou une mélodie et où tu te dis que ceux-ci marcheraient mieux pour un autre groupe ?

Nick : Ça m’arrive bien plus souvent que je ne l’imagine ! En ce moment, j’ai changé mon état d’esprit et je me suis mis sur la composition du prochain album d’Elder et il m’arrive souvent des moments où j’écris un morceau et je me dis : “merde, j’écris pour quel groupe en ce moment ?” *rires*

C’est sans doute pour ça que je vais m’aventurer avec Delving dans des terrains plus expérimentaux dans le futur, car j’ai souvent confondu mes projets, surtout depuis que je me suis aussi mis à expérimenter et jouer du synthé dans Elder !

SB : Quelque chose qui permet de reconnaître tes projets, c’est que Delving est un projet 100% instrumental ! Est-ce que tu penses que Delving va rester sans paroles où tu n’es pas fermé à l’idée que toi ou d’autres invités puissent chanter sur un futur album ?

Nick : Je n'exclue pas du tout la possibilité qu’il y ait des paroles sur un album de Delving ! J’ai même trouvé que certaines chansons d’All Paths Diverge criaient pour avoir des paroles pour te dire ! Mais je n’ai pas trouvé la bonne idée pour des textes, donc c’est resté un album instrumental, mais j’aimerais beaucoup en avoir !

L’idée d’avoir des personnes extérieures au groupe pour venir poser leur chant sur une de mes chansons me plait beaucoup également, je ne suis pas fermé à tout ceci !

Ça a vraiment boosté ma créativité pendant les premières années où j’ai habité Berlin.

SB : Pour en revenir sur tes futurs projets, tu as dit lors de l’annonce de la composition du prochain album d’Elder que toi et le groupe ne preniez jamais de pauses dès qu’il s’agit d’écrire de la musique. Est-ce que tu te vois dans le futur écrire pour d’autres projets ou alors Elder, Delving et Weite te suffisent pour le moment ?

Nick : En vrai, je n’ai même plus suffisamment de temps pour d’autres projets en ce moment ! Je ne suis pas 100% un musicien, j’ai aussi un petit boulot chez Stickman Records, je pense être à ma limite. Le proverbe dit bien “ne jamais dire jamais” mais je pense déjà avoir bien à faire actuellement !

SB : Tu as déménagé à Berlin il y a plusieures années de ça, et j’ai l’impression que d’avoir bougé pour l’Europe t’a vraiment aidé pour ta carrière musicale. Tu expérimentes beaucoup plus sur des aspects plus psychédéliques comme on peut l’entendre avec Elder ou Delving ! Quelles sont tes principales sources d’inspirations dans cette atmosphère qu’est l’Allemagne ?

Nick : Pour te corriger, je devrais même dire que je suis retourné en Europe ! J’ai déjà vécu en Allemagne pendant de longues périodes bien avant que je ne crée Elder. Mais avoir déménagé à Berlin m’a définitivement aidé. Un peu comme à chaque fois qu’il y a un gros changement dans ta vie, ton corps et ton esprit font une mise à jour et t’apportent de nouveaux ressentis sur ce qui t’entoure.

Cela va faire presque dix ans que j’y ai déménagé, ça a vraiment boosté ma créativité pendant les premières années. C’est une très grosse ville, il y a bien quelques espaces verts, mais la campagne me manque. Je me demande souvent comment je le vivrais de déménager dans des coins plus ruraux, car c’est de là où j'ai grandi ! Je viens à la base d’une petite ville du Nord-Est des États-Unis avec l’océan pas loin. Je ne m'arrêterai jamais d’être inspiré par ce qui m'entoure, mais je me dis que ma musique serait bien différente si je vivais en campagne ou alors dans les montagnes bavaroises plus au sud plutôt qu’en plein Berlin.

Je n’aurais vraiment pas de bonne réponse sur ce qui m’inspire au final ! Des fois je trouve l’inspiration en me baladant dans mon quartier, sans doute comme n’importe quel passant qui se balade en ville je suppose.

SB : Je trouve en tout cas que la musique de Delving m’inspire beaucoup lorsque moi-même je me promène en ville !

Nick : Totalement, beaucoup de passages électroniques de l’album ont cette ambiance un peu “industrielle” dans l’esprit ! Moi-même j’aime écouter des musiques instrumentales et répétitives lorsque je me promène en ville donc ça doit sans doute être ça ma principale source d’inspiration ! En tout cas, c'était l’angle d’attaque du premier album.

SB : Hirschbrunnen était d’ailleurs le nom d’un quartier de Berlin…

Nick : En fait, c’est le nom officieux d’une statue présente dans un parc non loin d’où je vivais à l’époque, c’est celle-là qui est représentée sur la pochette de l’album. C’est sur l’EP Gold & Silver Sessions d’Elder que se trouve la référence à un quartier de Berlin avec la chanson Weißenssee !

SB : J’ai aussi vu que les réseaux sociaux de Weite, un de tes autres projets, qu’il y aura un nouvel album cette année, ce qui fait qu’avec Delving, tu auras sorti deux disques en 2024 ! Depuis 2019 tu as sorti un voire deux projets différents chaque année, même si tu n’es pas sur le rythme de King Gizzard, c’est déjà très solide ! As-tu ce besoin de constamment sortir de la nouvelle musique sans prendre de pauses ?

Nick : Je crois que j’ai ce besoin en moi. Je ne veux pas appeler ça un problème mais mon corps réclame que je sois le plus productif possible. Je ne saurais pas dire si c’est une bonne chose à vrai dire, je ne veux surtout pas composer des morceaux qui ne m'inspirent pas plus que ça, ou même de créer quelque chose car je dois le faire sous une contrainte d’un label.

Créer quelque chose que j’aime m’épanouis au plus haut point et c’est sans doute pour ça qu’avec tous mes projets, on est autant productif depuis ces dernières années ! Mais ça reste un processus sans fin, dès que j’ai fini avec Elder, j’enchaîne avec Delving et il m’arrive de me perdre comme j’ai pu le dire !

Je compose tous les jours, du moins j’essaie de me tenir à ce rythme, c’est une sorte de thérapie si on peut appeler ça comme cela.

SB : Une sorte d’addiction positive en somme, tant que cela t’épanouis !

Nick : Ça me frustre beaucoup également ! *rires*

SB : Avec tous tes projets, on sait que tu joues un peu de tous les instruments d’une formation rock ! Est-ce que tu as une préférence sur un de ces instruments au final ?

Nick : Je ne joue pas vraiment de synthé en live à vrai dire, je me trouve plutôt mauvais dans ce domaine donc on peut déjà l’exclure ! Je préfère sans aucun doute jouer de la guitare car c’est l’instrument que j’ai le plus maîtrisé à force d’en jouer avec Elder et avec des milliers d’heures de concerts au compteur. En ce qui concerne la batterie, lorsque j’en joue dans Weite, j’en tire beaucoup de fun, mais c’est plus difficile car je sors aussi de ma zone de confort. J’en ai forcément joué beaucoup moins que de la guitare, là où cet instrument est devenu une extension de moi même désormais !

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SB : J’ai vu ton premier concert effectué sous le nom de Delving au Desertfest de Gand en 2021 ! J’ai remarqué que tous ces morceaux te faisaient sortir de ta zone de confort ! Comment te sens-tu quand tu joues de nouvelles compositions en live ?

Nick : C’est une expérience assez déroutante ! Car la musique de Delving n’a jamais été composée dans le but de vivre les morceaux en live, donc quand on arrive sur scène et qu'on doit jouer avec 4 personnes des morceaux que j’ai composé à la base pour des écouteurs ou sur vinyle, c’est pas mal confus !

C’est Michael qui va jouer du synthé, et je dois suivre son rythme par exemple. La formation a un peu changé comparé à 2021, il y a un nouveau batteur aussi comparé à la première fois où tu nous a vu à Gand. Donc Delving en live, c’est stressant mais plus on s'exerce, plus on s'habitue à ce que chacun puisse faire plusieures choses à la fois lors d’un concert. Je suis un gros nerd en ce qui concerne les techniques d’enregistrement, donc j’essaie de m’habituer à tout le monde !

SB : Pour une formation berlinoise, tu n’as pas demandé à Georg Edert, le batteur d’Elder de venir jouer avec toi pour Delving ?

Nick : Georg est très occupé lui-même. Je lui ai demandé bien évidemment, mais il n’a jamais trouvé le temps pour jouer avec nous. En rétrospective, cela fait du bien aussi de jouer avec des personnes différentes que mes amis dans Elder !

Sur Berlin, il y a une sorte de “collectif d’artistes” si on peut appeler cela comme ça avec qui je suis devenu ami et avec qui on se passe un peu tous les membres entre les différents projets que tout le monde a ! Pour te donner un exemple, il y a Fabien de Menou, un français, qui est venu intégrer le line-up d’Elder sur la tournée que l’on a faite durant l’automne 2023 où il est venu jouer du synthé avec nous. Mais sur Berlin, il joue aussi avec Weite et nous aide énormément au studio. On a une petite scène qu’on adore et j’aime beaucoup ce sentiment d’appartenir à une communauté !

SB : Il y a une belle tournée en préparation pour Delving cet automne ! J’aimerais savoir quelles chansons d’All Paths Diverge es-tu le plus excité de jouer en live ?

Nick : On a déjà pu jouer quelques chansons du dernier album sur certaines dates que l’on a faites cet été ! On a joué Zodiak qui est un plaisir à jouer en live. C’est un enchaînement de mélodies sur plus de 8 minutes qu’on adore se passer entre nous 4 ! Elle est très agréable à jouer en live pour l’avoir testée cet été !

SB : Comme tu l’as dit, tu travailles aussi pour Stickman Records, qui possède un très joli catalogue ! On peut citer Slomosa qui vient de sortir son nouvel album chez vous ou encore Iron Jinn qui vous accompagne sur la tournée de cet automne avec Delving. Est-ce que tu as des recommandations à nous faire dans le catalogue du label ?

Nick : En toute honnêteté, c’est difficile pour moi de répondre à cette question car je suis tellement occupé que je n’ai pas le temps pour écouter toutes les nouvelles sorties ! Tu as mentionné Iron Jinn et je trouve ce groupe incroyable. Ils dégagent une énergie folle en live, qui est très différente de celle ressentie sur l’album qu’ils ont sorti en 2023, donc je suis très impatient de jouer avec eux cet automne !

Mais pour sortir du catalogue de chez Stickman, le dernier album que j’écoute en boucle est celui de Blonde Redhead sorti l’an dernier qui s’appelle Sit Down For Dinner mais pour être honnête c’est le seul disque que je pourrais te citer car j’ai beaucoup de mal à suivre les actualités musicales vu que je suis occupé en studio et en tournée en ce moment !

Je compose tous les jours, du moins j’essaie de me tenir à ce rythme, c’est une sorte de thérapie.

SB : Pour finir, je te laisse le micro si tu as des recommandations à faire à nos auditeurs et auditrices ! Si tu as des groupes, des livres, des films ou même des endroits à visiter à Berlin à recommander, je te laisse la parole !

Nick : Je vous recommanderais de vous intéresser aux grands auteurs Russes, en particulier je vous conseille de lire “Guerre et Paix” de Léon Tolstoï, c’est le livre qui a changé ma vie et ma vision du monde quand j’étais à la fac à l’époque.

Mais mis à part ça, je peux vous recommander de passer un weekend à Berlin ! C’est une ville en constant mouvement qui je trouve devient de moins en moins intéressante au fil des années à cause des personnes plus aisées qui viennent du Sud de l’Allemagne et qui rachètent tout en embourgeoisant la ville ! Donc venez y faire un tour avant qu'il ne soit trop tard !

SB : Merci à toi Nick pour cette interview !

Nick : Merci à toi, et j’espère vous croiser sur la route ! Que ce soit avec Delving cet automne ou avec Elder dans le futur !

Nick