La sélection de disques de Lost In Kiev: "Rupture, la grosse différence avec les autres, c'est que c'est un album qui est moins narratif"

Nouvel album et main basse sur les étalages de Supersonic Records

Le groupe de post-rock parisien Lost In Kiev sortait il y a peu son quatrième album, Rupture, sur le reconnu label Pelagic. Quelques temps avant la sortie, nous avons été invités à rencontrer le groupe, renforcé par l'arrivée d'un tout nouveau batteur au sein du Supersonic Records, disquaire associé à la maintenant mythique salle de concert à proximité de Bastille. Le cadre rêvé pour demander aux quatre membres de nous partager les disques qui ont marqué leur vie de musiciens.

Soundbather : Lost In Kiev, bonjour à vous. Est-ce que vous pouvez vous présenter aux lecteurs de Soundbather, nous parler de ce nouvel album et nous dire ce qui se prépare pour vous dans un futur immédiat ?

Maxime Ingrand : Alors Lost In Kiev est un groupe de post-rock au sens un peu large, on essaye de mélanger plusieurs styles quand même, mais on a cette étiquette-là en tout cas. Le premier album est sorti en 2012 en digital et en 2013 en vinyle chez dunk!records. Du coup, là on se prépare à sortir notre quatrième album Rupture chez Pelagic Records le 21 octobre.

Jean-Christophe Condette : Par rapport à l'origine, car c'est une question qu'on nous pose souvent, alors autant en parler, le nom Lost In Kiev... On a un groupe qui date un petit peu, depuis 2007 comme Max le disait, avec plusieurs albums, là ça va être le quatrième. En fait, un des premiers guitaristes du groupe à l'époque était en couple avec une Natalia qui vivait à Kiev, et ils se sont mariés depuis. C'était un hiver en Ukraine, pas chaud comme tu peux imaginer, il allait la voir régulièrement pour passer les weekends, et il n'est jamais revenu à une répète en fait. Du coup voilà, on a un peu blagué en disant "bah il est perdu à Kiev" etc, sauf qu'en fait il était réellement perdu à Kiev dans le sens où il y avait un gros blizzard et aucun avion ne pouvait décoller. On a gardé ça car l'anecdote nous faisait marrer. Le premier album, Motions, sur le côté voyage au sens large, on trouvait que ça collait bien sur cette vision qu'on avait de notre groupe.


S : C'est pas trop dur à porter comme nom, avec l'actualité (le conflit en Ukraine en 2022, ndlr) ?

Jean-Christophe
: (Rires) On l'assume complètement et on a fait un post Facebook à ce sujet pour faire la différence entre la géopolitique et l'origine du nom du groupe qu'on vient de raconter.

Dimitri Denat : On va pas te mentir c'est quand même dur à porter, on a eu quelques commentaires notamment sur l'orthographe de la ville de Kiev. Et le truc un peu dur à accepter, c'est que les gens s'accaparent toute une idéologie politique derrière un nom de groupe innocent. Nous on est évidemment comme tout le monde, politisés, mais on ne fait pas de politique à travers notre musique, c'est vraiment pas le propos. Donc pour le coup, c'est un peu chiant de porter ce nom-là en ce moment pour nous. Faut faire avec.

Maxime : Et même un groupe comme Russian Circles a eu à faire un post sur l'origine de leur nom de groupe y a pas très longtemps.

Jean-Christophe : À part ces petites anecdotes qui nous passent un peu au-dessus, on le vit bien et on a pas prévu de changer de nom de groupe.

Soundbather : Merci Poutine, donc.

Maxime
: (Rires) Ou pas !

LIK_Concrete_BW De g. à d. : Maxime Ingrand, Jérémy Legrand, Dimitri Denat, Jean-Christophe Condette. Photo par ©Stéphane Burlot

Soundbather : Parlez-nous de ce nouvel album, Rupture.

Dimitri
: Eh bien on espère qu'il va vite être en Rupture de stock !

Maxime : (Rires) J'y avais jamais pensé !!!

Dimitri : Rupture, la grosse différence avec les autres, c'est que c'est un album qui est moins narratif, il y a beaucoup moins de samples de voix, etc. Et surtout, c'est un album qui a été enregistré live, c'est-à-dire tous ensemble, sans overdubs, sans ajouts, pas de triche. Vraiment brut. Ça a été fait chez Amaury Sauvé, c'est sa manière de bosser, il a un studio qui permet d'enregistrer comme ça. En gros, on se voit tous via des baies vitrées mais isolés dans des cabines, comme ça on a pas de repisse au niveau des micros. On peut éventuellement aller chopper une prise sur une autre et en même temps récupérer des belles rooms. Par contre on joue tous ensemble en live.

Maxime : Je pense que la musique, c'est quelque chose qui se vit entre personnes, ça permet de retrouver ce truc, de jouer tous ensemble. C'est ce qui permet, à mon avis, à cet album d'avoir plus de cohérence et d'avoir un son plus organique, plus vivant que ce qu'on a pu avoir sur les albums précédents.

Jean-Christophe : Ce que tu vas entendre, c'est vraiment ce qu'on va pouvoir exprimer en live, la même énergie. À une petite remarque près, mais je vais laisser Jeremy en parler, sur le côté album vs rendu live, c'est intéressant d'avoir son opinion là-dessus ! (rires)

Jérémy Legrand : Oui, moi on m'a embauché en avril pour gâcher l'album, c'est un peu mon leitmotiv (rires). Ce que me reprochent mes parents depuis 36 ans (rire général). Effectivement on peut dire que j'ai un jeu drastiquement différent de celui de Yoann, l'ancien batteur du groupe qui a enregistré l'album. Il aime bien suivre le pattern et le répéter, lui donner un côté assez redondant/boucle. Moi j'ai un jeu plus fourni, je mise plus sur la dynamique et le relief. J'aime bien partir dans la culture post-rock/post-metal que j'ai, de quelque chose assez soft et finir assez énervé. On est dans une construction de morceau crescendo. Et du coup, avec l'aval des gars, je me permets de changer pas mal de choses dans les parties, pas dans l'essence ou les couleurs, mais dans la construction, dans les breaks, le relief et la dynamique des morceaux. Je me les réapproprie, et ça permet aussi, j'espère sans paumer l'auditeur, d'avoir une expérience live un peu différente. Moi ce que j'aime quand je vais voir un concert, c'est en prendre plein la tronche. Tu sais, c'est comme les groupes pop, tu vas pas forcément aimer l'album et t'arrives en live tu fais "WOW !" Parce que d'un coup y a des zicos, du gros son, on branche des distos, c'est moins radio. Et là, toute prétention mise à côté, j'ai une culture très metal et j'aime bien rentrer dans l'instrument.

Maxime : C'est vrai que du coup le fait d'avoir ce renouvellement de line-up entre l'enregistrement de l'album et la sortie, ça va apporter une petite différence entre ce qu'on peut entendre sur disque, voire même les précédents albums puisque Jeremy s'est réapproprié tous les autres morceaux à sa manière. Ça va apporter un peu de nouveauté.

Dimitri : Pour la petite anecdote, le contexte a fait qu'avec les bouchons que y a eu, l'album est masterisé depuis septembre 2021. On nous a demandé d'attendre ce moment-là, parce que il y avait tellement de sorties décalées...

Maxime : Il y a aussi les délais de pressage des vinyles à cause des pénuries de matières premières, ça a été extrêmement long, il y avait minimum six ou sept mois d'attente. Il faut fournir les masters très très tôt pour avoir l'objet final. C'est pour ça qu'on est pas loin à chaque fois d'au moins un an d'attente entre le moment où tu as fini d'enregistrer et le moment où l'album va réellement sortir.

Soundbather : Et une fois l'album sorti, de quoi sera fait l'avenir pour vous ?


Maxime
: Alors là, on a un clip qui sort le 5 octobre, pour Prison of Mind (sorti depuis sur la chaine de Pelagic Records, ndlr), le morceau qu'on a fait en collaboration avec Loïc Rossetti de The Ocean au chant. Y a pas très longtemps, on a enregistré une session live, justement pour montrer un peu le nouveau line-up, ce que va donner Lost in Kiev en live avec ces nouveaux morceaux, on trouvait ça intéressant et important de le faire. Dans un avenir proche, l'album sort le 21 octobre (sorti depuis, ndlr). On va enchaîner avec quatre dates fin octobre avec The Ocean et Shy, Low du même label, Pelagic Records, une en France, deux en Allemagne et une en Belgique.

Jean-Christophe : Ouais t'as un festival en Belgique, en France c'est à Colmar, et en Allemagne t'as Karlsruhe et Dortmund.

Maxime : Puis on fête la sortie de l'album le 23 novembre au Petit Bain à Paris. Pour l'instant on a ça de calé, puis ça travaille sur 2023 pour continuer à défendre l'album. On espère faire des festivals en Europe.

Jean-Christophe : Oui, revenir sur des festivals post-rock qu'on a pu faire par le passé, Dunk!Festival, Arctangent, pourquoi pas l'AMFest, etc... c'est des choses qu'on a pas encore de planifiées mais qu'on souhaiterait voir l'année prochaine.

Dimitri : C'est en cours de planification.

Jérémy : Et la Main Stage du Hellfest !!!

Maxime : (Rires) Évidemment ! Évidemment, à 21h ! Minimum !

Jérémy : Entre Korn et Kôr.


S : Nous sommes, comme nous l'avons dit plus haut, au disquaire du Supersonic et nous avons de nombreux vinyles à notre disposition. Nous allons donc partir sur une sorte de "What's in my bag" où je vous donne des thèmes, et vous choisissez des albums qui correspondent pour vous à ce thème, individuellement ou collectivement.
Je vais commencer par vous demander un album qui vous a marqués et influencés dans la pratique de votre instrument respectif.

Jean-Christophe
: Du coup moi j'ai pris deux disques. D'abord, j'ai choisi le premier album d'Editors, The Back Room. Surtout parce que sur les trois premiers albums, j'ai toujours été assez inspiré par ce jeu de basse que je trouve assez proche d'Interpol, parce que ça raconte quelque chose. T'as vraiment des lignes de basse qui sont assez faussement simples, mais qui servent énormément le morceau d'un point de vue mélodique. Sur ce disque, il y a surtout un morceau qui m'a vraiment marqué. Contrairement aux autres membres du groupe, j'ai un passé qui est vraiment electro, voire DJ club etc... Je me suis mis un peu plus sur le tard à la pratique de la basse, de la guitare, vers 2007. Ça fait partie des disques qui m'ont fait switcher vers le rock. Un morceau comme Munich, par exemple, ça reste une grosse influence pour moi et si on doit le relier à l'album Rupture, tu as le cinquième morceau, You Don't Care, dans l'idée je voulais vraiment avoir ce côté ligne de basse qui raconte une mélodie, qui vient soutenir. J'avais envie de faire du Editors sur ce morceau un peu lumineux.

Le deuxième, alors c'est pas cet album de Muse mais c'est le seul que j'ai trouvé (il brandit Will of the People, à l'hilarité générale), mais c'est vrai que ça a été, une influence je sais pas, mais le jeu de Chris Wolstenholme de Muse, c'est vraiment lui aussi qui m'a donné envie de faire de la basse, avec des morceaux comme Time Is Running Out, Hysteria (sur l'album Absolution, ndlr). C'est assez cliché, je sais, il y en a d'autres qui auraient pu prendre un Red Hot, mais voilà il faut le dire, c'est ce groupe avec ce bassiste qui m'a donné envie de jouer de la basse, donc je voulais quand même leur rendre hommage.

Dimitri : Moi du coup j'ai choisi l'album A Snow Capped Romance de 36 Crazyfists, parce que le jeu du guitariste m'a vraiment marqué. J'ai découvert ça quand j'étais ado. Musicalement c'est pas du tout ce que j'écoute, encore aujourd'hui. Mais ils sont passés à Paris il y a un an ou deux et j'ai pris plaisir à aller les voir. Mais c'est vraiment le jeu de guitare. Il arrivait à faire un truc qui pour moi était fou mais qui s'appelle juste des "pinched harmonics", et je voulais absolument essayer de recopier ce son. C'était une époque où il y avait pas des tutos sur Youtube, et j'ai développé une petite technique où je fais frotter une corde sur mon petit doigt et j'étais trop content de m'approcher de ce truc-là. Je dois beaucoup à cet homme là, dont je ne connais même pas le nom, mais voilà, j'ai choisi ça par rapport à l'instrument.

Jérémy : Moi c'est le groupe en général, mais j'ai choisi l'album S.C.I.E.N.C.E de Incubus. J'ai commencé la batterie assez tard, à 17 ans, et ça faisait pas longtemps que je m'étais mis dans un univers rock/metal. Incubus y a une petite transition metal, c'est ni très soft ni très violent. Et sur S.C.I.E.N.C.E, le côté funky, brutal, le côté hip-hop dans les paroles à des moments, j'adore. José Pasillas a une façon de colorer les morceaux, une science, enfin une S.C.I.E.N.C.E du break qui est assez incroyable et j'ai tellement joué cet album et quelques autres d'Incubus, Make Yourself et Morning View, à la batterie dans la cave de mes parents avec mon casque que y a pas mal de moments où je me dis "c'est dingue, ce break je l'ai piqué". Donc ouais c'est vraiment l'essence de mon jeu, je pense que c'est ce gars-là à qui j'ai piqué beaucoup de choses. Désolé Jojo !

Maxime : Moi j'ai choisi Rock Action de Mogwai, un grand classique de leur discographie. C'est pas avec celui-là que je les ai découverts, c'était avec The Hawk is Howling, mais je suis arrivé sur celui-là pas longtemps après, même s'il est sorti avant, et que j'ai beaucoup écouté par la suite. J'ai pris Mogwai parce que c'est vraiment LE groupe qui m'a fait découvrir le post-rock, je connaissais pas du tout avant ça, qui m'a intéressé à ce style-là. Avant j'écoutais plus de punk, tout ce qui était punk hardcore, emo, etc. Après j'ai doucement commencé à découvrir des groupes de screamo, et juste après j'ai découvert Mogwai, c'est ce qui m'a fait rentrer dans le post-rock, cet album et le morceau You Don't Know Jesus en particulier, il est incroyable.

S : Deuxième épreuve, je vais vous demander un album qui a marqué votre enfance ou votre jeunesse.

Dimitri
: Moi j'ai choisi le premier album de Deftones, Adrenaline ! Parce qu'à l'époque j'avais un groupe et c'était vraiment notre influence principale, mais ça en était presque du plagiat tellement on était vraiment à fond dans ce délire-là. Cet album, je pense que c'est un de ceux que j'ai le plus écoutés. C'est plus le début de l'adolescence, puis j'ai suivi tout ce qu'ils ont fait derrière.

Maxime : Avec Jérémy on a choisi le même. Il n'est plus à présenter puisque c'est le premier album de Rage Against The Machine. J'étais au collège quand je l'ai découvert, je sais plus quel âge j'avais exactement. C'est là que j'ai découvert ce style de musique, cette espèce de fusion entre rock, metal et hip-hop. Même quand je le réécoute maintenant, tous les morceaux sont des bangers, la prod est monstrueuse pour l'époque, ça n'a pas vieilli. Autant certains albums de l'époque, tu sens que ça a vieilli en terme de style ou de prod, celui-là pas du tout.

Jérémy : Y a un côté organique, ça peut pas vieillir. Moi j'étais au lycée. Quand je parle de "c'est quoi le plus grand morceau de rock de tous les temps", t'as tout le monde qui dit les Beatles ou les Rolling Stones. C'est une influence que j'ai pas du tout, le rock à l'ancienne, j'y connais rien et ça ne m'intéresse pas. C'est pas de la pédance, ça me parle juste pas, je sais pas. "Mais c'est eux qui ont tout inventé", mais non ça me parle pas. Killing In The Name, pour moi c'est le plus grand morceau de tous les temps, il fédère tout le monde : les reggaemen, les hip-hop, les metalleux... Tu mets ça, tout le monde est comme un fou ! Il a tellement la rage, ça me donne envie de tout casser ! Y a le groove, les paroles... il est incroyable.

Jean-Christophe : Moi j'ai choisi un truc qui m'a marqué durant mes jeunes années, un album de Kraftwerk : Trans Europe Express. C'est un disque qui m'a beaucoup imprégné, comme beaucoup de choses de Kraftwerk et de ce style de musique. Comme je te disais tout à l'heure, je suis venu un peu tard sur la musique rock au sens large, et c'est vrai que quand j'étais gamin j'ai écouté énormément de musique synthétique, un peu ambiante des années 70, Klaus Schulze, Vangelis, Jean-Michel Jarre, Brian Eno... Et Kraftwerk ça m'avait interpellé peut-être un peu plus, dans le sens où ils avaient ce côté un peu initiateur de la musique de Detroit, des trucs du début de la techno underground. Et ça a été un déclic chez moi, de me dire "on peut faire un peu autre chose que de la musique ambiante avec l'électronique", et je sais que j'étais très hypnotisé étant gosse par leur imagerie très robotique et par leur musique. Donc je suis content de l'avoir trouvé ici, au Supersonic Records !

S : Troisième épreuve, votre dernier coup de cœur en date.

Jérémy
: Mon dernier coup de cœur c'est VOLA ! C'est du metalcore un peu atmosphérique, pas kitsch. C'est des suédois je crois. Pour moi c'est entre Meshuggah et Porcupine Tree. J'adore Porcupine Tree, j'adore Meshuggah et c'est un mix assez incroyable. Leur dernier album s'appelle Witness, et la prod est folle !

Dimitri : J'ai l'impression d'être dans un moment de ma vie où je découvre plein de choses qui me plaisent, mais... Quand j'ai du temps pour moi, je compose beaucoup de musique, je pars dans tous les sens. je fais des trucs pour Lost In Kiev, je fais des trucs un peu partout, même des musiques pour des génériques ou des trucs comme ça. Bizarrement, j'ai l'impression de vieillir dans le mauvais sens du terme, parce que peut-être que c'est un manque de curiosité, mais je vais découvrir des choses parce qu'on va m'en proposer. Je vais me dire "ah ouais ça c'est sympa, faudra que j'écoute" et ça va jamais plus loin, c'est ma phrase du moment, "faut que je prenne du temps pour écouter ça". Alors j'ai beaucoup aimé le dernier album de Tool, que j'ai eu le temps d'écouter plusieurs fois, qui était très attendu, mais j'ai pas un album à te donner en mode "ça c'est vraiment mon dernier coup de cœur", un truc qui m'aurait explosé la tête...

Jérémy : Faut dire qu'on est tellement sollicités par les réseaux, le cerveau il est saturé. Il y a tellement d'apports multimédia que tu fais plus l'effort.

Jean-Christophe : J'en ai deux encore. On va partir sur celui-là, le dernier Russian Circles, Gnosis. Pour être honnête, j'avais un peu décroché de Russian Circles ces derniers temps, j'ai trouvé que leurs derniers albums étaient bien mais un peu trop bourrins à mon goût, ça manquait un petit peu de sensibilité. Et sur ce dernier album, ils ont renoué avec ce qui faisait leur force à leurs débuts, cette ambivalence entre un côté plus aérien, mélodique, et le rouleau compresseur qu'on leur connaît. Donc j'en attendais pas grand chose et j'ai été complètement renversé par ce disque, carrément !

Jérémy : Putain, tu veux pleurer sur mon épaule ? Ben tu vois j'ai pas fait l'effort de l'écouter, il faut absolument que je le fasse car c'est vraiment une de mes influences.

Jean-Christophe : Très brièvement, j'en attendais pas grand chose non plus mais tout aussi renversant : le dernier album de Jack White, Entering Heaven Alive. Il est très folk et il est magnifique avec toute sa sensibilité mais sans le côté exubérant qu'on lui connaît, je le trouve meilleur justement avec ce côté plus folk, ça me parle plus.

Maxime : Un des albums qui est sorti récemment, que j'ai beaucoup écouté, c'est le dernier album de Warpaint, Radiate Like This. Il est un peu plus posé, bon c'est pas forcément très énervé de base, mais là il a un côté un peu smooth que j'ai beaucoup aimé. C'est vraiment un disque que je mets souvent chez moi quand je veux juste me poser, avoir un petit fond tranquille, des invités... En plus je les ai vues sur le concert qu'elles ont fait à Paris au Trianon, c'était leur premier concert post-Covid, c'était vraiment super chouette !

S : Je vais maintenant vous demander un album qui vous touche sorti votre année de naissance.

(Tous sortent leur téléphone et ouvrent Wikipédia)

Maxime : Alors moi c'est facile, c'est Disintegration de The Cure, sorti en 89, je savais même pas. Je suis pas un grand fan de The Cure à la base, mais si y a un album que j'ai écouté d'eux c'est vraiment celui-là que je trouve super cool, qui est peut-être le plus posé et le plus mélodique, un peu triste. C'est celui qui m'est le plus souvent ressorti quand j'ai vu The Cure en concert ou quand j'ai écouté.

Dimitri : Bah du coup, comme j'ai tapé mon année de naissance pour voir les albums qui sont sortis dans Spotify, mon top album, première ligne : Spirit of Eden de Talk Talk. Cet album il s'écoute d'une traite, ça raconte une histoire, c'est juste magnifique. J'ai découvert ça sur le tard, je suis pas né avec dans les oreilles, mais clairement c'est cet album sans hésiter une seconde.

Jérémy : Ah c'est bon je l'ai le mien !

Jean-Christophe : Gilbert Montagné, On va s'aimer ? (Rire général)

Jérémy : Et y avait Kassav au Zénith d'ailleurs, ça fait bader. (Rires) Nan mais je sais pas pourquoi ça m'est venu d'un coup, mais Master of Puppets de Metallica. 1986. C'est pas mon préféré de Metallica, c'est ...And Justice For All. Mais dans cette veine, je suis pas du tout hard rock, je déteste Iron Maiden et compagnie, mais Metallica ils tirent vraiment leur épingle du jeu, il y a une patte, très prog, que j'adore. Cet album est fou, quoi. J'ai beaucoup joué Master à la batterie quand j'étais gamin, en essayant de l'apprendre. La prod est naze mais l'album est cool.

Jean-Christophe : Moi j'ai été un peu surpris par la question, j'ai cherché rapidement et j'ai trouvé quelque chose qui est intéressant, un peu en lien avec le Kraftwerk mais dans un autre style, c'est Herbie Hancock, Rock It. Je me suis très longtemps intéressé à la techno de Detroit, comme tu as dû comprendre tout à l'heure, et je m'étais renseigné sur d'où ça venait. Herbie Hancock en faisait vraiment partie avec toute cette expérimentation au-delà du jazz avec l'electro, donc c'est un disque que j'avais pas mal écouté, je savais pas qu'il était sorti en 84, donc ça tombe bien. C'est aussi une influence pour moi, donc top !

S : J'avais un thème, mais Jean-Christophe a déjà bien tiré son épingle du jeu, je voulais vous demander un album qui n'a aucun rapport en terme de style avec la musique que vous faites dans Lost In Kiev.

Dimitri
: Je vais dire l'album éponyme de Fever Ray, avec le morceau qui est sur la BO la série Vikings. Je l'ai beaucoup écouté, ça n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on fait de manière factuelle. On peut y trouver des points communs, mais ça ne ressemble pas.

Maxime : Moi ça va être Spaces de Nils Frahm. C'est avec cet album que je l'ai découvert et c'est devenu un de mes artistes coup de cœur. Je suis absolument fan de ce qu'il fait, en live il me transporte énormément. Ça fait partie aussi de mes influences dans le côté un peu néoclassique, électronique, vers lequel j'ai évolué avec les années. Sur celui-là y a des morceaux qui sont tellement incroyables, qui te transportent de fou. On est dans une esthétique qui est vachement plus posée que ce que nous on peut faire.

Jérémy : Je vais faire confiance à mon Spotify et ça me revient, j'ai énormément écouté cet album l'an dernier. J'ai déménagé à Toulouse il y a quatre ans, j'étais à Paris avant et la vie a fait que via mes voisins, je n'ai rencontré que des gens qui jouaient dans des fanfares, des brass bands, de la musique du monde. Du coup maintenant je joue dans un brass band et on fait de l'afro beat, de la funk, du jazz et tout, c'est trop cool, je m'amuse trop. Ils m'ont fait découvrir des trucs, dont un groupe brésilien qui s'appelle Bixiga 70 qui fait de l'afro beat. Ça influence pas mal mon jeu, parce que c'est des trucs que j'avais pas trop palpé à la batterie, des rythmes un peu alambiqués, un peu moins cartésiens comme le metal, croche, doucle-croche-machin, t'as des rythmes à l'africaine, tu sais pas si c'est binaire, ternaire, t'en sais rien, c'est très chaloupé. J'aime beaucoup explorer ça, du coup l'album 3. Je trouve ça incroyable, les mélodies sont folles, c'est trop bien.

Jean-Christophe : Un album qui a un peu rien à voir mais un peu quand même, c'est Surrender des Chemical Brothers, leur troisième album, qui marque une vraie rupture avec ce qu'ils faisaient avant. Le Big Beat on l'enterre et on passe à la fusion des genres. Je pense que c'est un des albums les plus intelligents qui soient jamais sortis à mon sens, entre la fusion des genres faite avec sensibilité, l'electro un peu club, l'ambient, voire des touches un peu rock. C'est un disque qui m'influence et qui m'influencera toujours, que j'adore. Ça n'a rien à voir avec ce qu'on fait mais de manière passive, il influence un peu tout ce qu'on fait sans qu'on le perçoive directement. C'est un disque majeur, qui m'a vraiment construit.


S : Un album qu'on aime rien que pour sa pochette !

Dimitri
: Du coup je ressors le premier album de Rage Against The Machine. Malheureusement c'est hyper cruel, mais là on a une image qui est incroyable d'un moine qui s'immole vivant pour protester contre l'oppression subie par les bouddhistes au Viet Nam. Ce que je trouve dingue, c'est que pour aller au bout de ses convictions et faire passer un message, cet homme, après plusieurs heures de méditation, accepte de s'immoler par le feu. J'ai de l'admiration pour cet homme et pour cette pochette.

Jérémy : Alors moi j'ai beaucoup plus léger. C'est ultra dur cette question, car le graphisme en général, c'est quelque chose qui me touche pas beaucoup dans la vie. Je suis pas très peinture, faut pas me demander mon avis sur la déco dans une maison, je suis nul. Je suis très daltonien aussi, donc ça aide pas ! Du coup c'est con, mais je vais dire l'album Home Alone de Totorro. Ça me fait trop rire, t'as un carré, une pauvre maison... et j'aime ce côté ultra simpliste, ça me correspond bien, je suis quelqu'un de très simple et YOLO. Et en même temps ils font de la musique très compliquée. Enfin, c'est du math rock, donc ça reste un peu chiadé quoi. Mais ça marche bien avec leur son, après est-ce que si je vais chez un disquaire et que je vois ça, je le prends ? Je sais pas, mais je trouve ça bien en décalage avec ce qu'ils font, et en même temps très bien senti avec leur état d'esprit, très copains, très "allez on y va". J'aime bien.

Jean-Christophe : Moi j'ai choisi Everything Not Saved Will Be Lost Part 1, déjà parce que j'aime bien Foals. J'aime bien les vinyles, j'aime bien mettre un vinyle chez moi et le regarder en même temps que je l'écoute. Et donc j'aime bien cet album, le regarder. Ce que je trouve intéressant, au-delà du fait qu'artistiquement je le trouve parfait, c'est que tu détournes une image du quotidien à laquelle tu ferais absolument pas attention alors que c'est beau. Tu fais juste un changement de couleur. J'aime bien cette figure de style, ça change un peu de ce qu'on peut avoir dans le post-rock, qui n'est pas toujours lié à de la photographie. Sur notre album Rupture, pour le coup, on a une pochette plus photographique, mais en général on est sur des choses plus abstraites. J'aime bien ce côté concret, mêlé à un changement de perception. C'est une pochette que je trouve très belle, en plus d'être un très beau disque.


Soundbather : Pour la dernière, à la base j'avais prévu "un disque à emporter sur une île déserte", mais je trouve ça très convenu. Du coup je vais vous demander l'album à ne surtout pas vous offrir.

(Rire général)

Jérémy : Ah le bâtard ! Moi c'est un album d'Indochine, direct (Rire général). En fait j'hésite entre Calogero et Indochine, c'est vraiment les artistes que mes potes vont mettre en soirée pour me faire chier. Calogero je pense qu'il se fout vraiment de la gueule de tous les Français, ça m'agace ! Je ne supporte pas ça et je ne supporte pas qu'on le diffuse car je ne comprends pas. Je comprends pas qu'on se foute autant de la gueule des gens. Dans les paroles, dans l'esthétisme, ça me rend fou. Je vais dire Calogero, parce que dans Indochine, à la limite y a un côté rock, même si je déteste. Je vais dire le dernier Calogero. C'est pas possible les gars, nan mais atterrissez, quoi. Atterrissez, à quel moment... (consulte son téléphone) Le dernier album de Calogero, il s'appelle "L'album" !

Dimitri : Je dirais le dernier JUL. Ca ne me parle pas du tout. J'écoute un peu de rap, ça m'arrive, mais là j'arrive pas à rentrer dedans et je comprends pas les messages qui sont véhiculés. J'arrive vraiment pas à rentrer dans le délire et je suis surpris de l'engouement qu'il y a autour de lui. C'est très bien que ça plaise et que ça marche, je suis très content pour lui mais c'est pas la peine de m'offrir le disque, merci. Et c'est pas non plus la peine de m'offrir l'album Rupture, parce que c'est moi qui garde le merch à la maison.

Maxime : Moi je dirais n'importe quel album de Cradle of Filth. C'est le genre de truc qui m'irrite au bout de dix secondes, je peux juste pas. Le style de chant, je déteste, les non-harmonies derrière, les rythmiques à tout va. Je pourrais pas te donner un exemple en particulier parce que j'écoute pas, du coup. Mais de tout ce que j'ai pu entendre, à chaque fois, ça me dresse les poils.

Jean-Christophe : C'est pas un truc que je déteste, mais en gros, Smoke on the Water de Deep Purple. C'est pas que j'aime pas, mais c'est mon père qui me saoule un peu avec ça, il adore ce disque. À chaque fois qu'on va au Hellfest il me dit "alors, t'as été voir Deep Purple ?" J'en ai un peu une overdose.

Jérémy : J'aurais pu aussi dire Cult of Luna, ils m'en parlent tellement tous, les gens, j'en peux plus là. "T'es allé voir Cult of ?" Bah non ! Il crie trop le monsieur, j'y vais pas !

Soundbather : Eh bien merci à tous les quatre de vous êtes livrés à l'exercice. Je vous dis rendez-vous le 23 novembre au Petit Bain, on tâchera d'y être. Un mot pour la fin ?

Jean-Christophe
: Tabouret.

Dimitri : Endive.

Maxime : Anne.


Lost In Kiev sera en concert le 23 novembre 2022 au Petit Bain pour la release party de l'album Rupture. Billetterie ici !

LIK Maxime Ingrand
  • Rôle(s) : Guitare, Synthétiseur
  • Projet(s) : Lost In Kiev
  • Activité : Depuis 2007
  • Pays : France
LIK Dimitri Denat
LIK JC Condette
  • Rôle(s) : Basse, Synthétiseur
  • Projet(s) : Lost In Kiev
  • Activité : Depuis 2007
  • Pays : France
LIK Jeremy Legrand