Joe Hisaishi @ Zénith Nantes Métropole

Cédric au pays des rêves

Il y a parfois des événements dont on a rêvé qui se réalisent, alors qu’on ne s'attendait absolument pas à ce qu’ils soient possibles. Ces événements varient pour chaque personne, allant de la simple rencontre avec ses idoles aux expériences les plus folles. Un des miens était de pouvoir vivre la musique de certains films m’ayant le plus marqué en concert.

Par un alignement des astres, je ne sais quelle divine intervention ou un simple contrat, cette case de ma bucket list a miraculeusement pu être cochée le 11 octobre au Zénith de Nantes. Joe Hisaishi, principalement connu pour avoir composé la majorité des bandes originales des films d’Hayao Miyazaki, y dirigeait le Yellow Socks Orchestra pour justement interpréter ces bandes originales. Sur scène se produisaient 200 musiciens : 80 choristes adultes, 40 choristes enfants et les 80 musiciens du Yellow Socks Orchestra. Une belle soirée en perspective.

Commençons par le commencement : pour quelqu’un comme moi qui n’a connu que des salles de tailles petites, moyennes ou des festivals, il faut avouer que le Zénith de Nantes est un bâtiment impressionnant, les gradins et parterres pouvant accueillir 9000 personnes et au moins 200 musiciens. Guidé jusqu’à ma place, puis assis 15 minutes avant l’heure prévue, j’ai pu entendre l’orchestre s’échauffer puis accorder ses violons. Excentré à droite, j’avais tout de même une belle vue sur la scène. Les gens arrivaient peu à peu, les gradins étaient presque remplis lorsque les lumières s’éteignirent peu à peu pour seulement éclairer les artistes.

Joe_Hisaishi_Nantes Affiche du concert

Les trois écrans-titre fondirent au noir sous les applaudissements de la salle, alors que Joe Hisaishi entrait sur scène. Les clappements se turent doucement, et la symphonie débuta.

La musique était claire, nette. Le son avait la juste intensité. L’ensemble des musiciens faisait preuve d’une harmonie bluffante. Les termes sont peut-être simples, mais l’effet qu’a eu cette entrée sur moi est difficilement descriptible, le concert s’ouvrant en plus sur une suite de la bande originale de Nausicaa De La Vallée Du Vent. L’écran faisait défiler un montage du film en même temps, s’ajustant en fonction des différents thèmes visités, nous immergeant immédiatement dans la musique et les fortes émotions qu’elle évoquait. Dans le même temps, on remarquait les moyens importants déployés pour nous faire vivre un spectacle inoubliable : en plus des extraits de films, plusieurs caméras étaient disposées autour et sur la scène, nous exposant, par moments, le travail de l’orchestre. L'œuvre du Japonais était rendue fidèlement par les musiciens, faisant ainsi honneur à ses compositions.

Pano_Joe_Hisaishi Panorama du Zénith de Nantes pendant l'entracte du concert

Après un medley de la B.O. de Kiki La Petite Sorcière vint celui de Princesse Mononoke. Là encore, les mots manquent pour décrire ce qui a eu lieu pendant cette représentation. Après une ouverture avec La Légende d’Ashitaka, à la mélodie aussi puissante qu’évocatrice, on eut le droit à Tatari Gami, musique utilisée dans le film pour symboliser les démons et les conflits. Et pour faire simple, je ne me suis jamais senti aussi ridicule que face à cette interprétation. Les percussions résonaient dans le Zénith, tandis que dans toute sa grandeur, l’orchestre nous faisait ressentir l’angoisse, la crainte voire l’effroi qu’inspirent la guerre et les démons. Le battement des tambours, soutenu par les cuivres, était implacable, et les cordes n’aidaient en rien pour dissiper le malaise que dessinaient les compositions. Grandiose est sûrement le terme approprié, à l’opposé de la sensation d’humilité qu’on pouvait ressentir, bien enfoncé dans son siège.

Que dire du thème de la princesse sinon que la beauté et la puissance du titre furent tout simplement bouleversantes, sublimées par une reprise avec les chœurs mettant les frissons, et ce malgré la performance en demi-teinte de la soprano.

Pour faire redescendre la température, l’orchestre enchaîna avec une interprétation de Le Vent Se Lève puis de Ponyo Sur La Falaise. Cette dernière mit les chœurs à l’honneur, chantant la version anglaise du thème de Ponyo. L’interprétation des titres du film le plus enfantin de Miyazaki fut un véritable moment d’apaisement et de joie pure, parfait pour conclure la première partie du concert à la suite de laquelle on eut le droit à un entracte de 20 minutes.

À la reprise, les musiciens revinrent, mais pas dans leur entièreté : seuls les cuivres, au milieu du public, entonnèrent le réveil venant de Le Château Dans Le Ciel. La mélodie, joyeuse, contrastait avec sa suite Carrying You, interprétée au départ par les choristes, qui furent ensuite rejoints par l’orchestre. Le refrain, terrible bombe émotionnelle, n’en fut que plus beau et puissant.

Après des passages par Porco Rosso et Le Château Ambulant (l’écran ayant subi une panne pendant ce dernier), l’ensemble de musiciens s’attaqua au Voyage de Chihiro. L’occasion pour Joe Hisaishi de montrer son talent au piano, seulement accompagné d’une mezzo soprano pour interpréter One Summer’s Day, avant que l’orchestre ne les rejoigne sur Reprise.

L’orchestre poursuivit avec un medley de Mon Voisin Totoro. Pour le contexte, c’est ma bande originale préférée, tous médias confondus (jeu vidéo, film, série, dessin animé, etc…). Ceci explique mon immense frustration face à l’interprétation seulement partielle de The Path Of The Wind : alors que le morceau débutait seulement, il cédait déjà sa place à Stroll au lieu de continuer, alors que je n’avais jamais autant eu la chair de poule de ma vie. Le titre ne fut pas pour autant décevant, étant l’occasion de faire un petit tutoriel présentant tour à tour les différentes sections de l’orchestre, entre les voix, bois, cuivres et percussions. Une façon de jouer avec le public, rejoignant ainsi l’esprit du film. Le medley se conclut sur My Neighbor Totoro et une standing ovation du public, qui, il faut le dire, a été à fond derrière les musiciens durant tout le concert.

L’encore demandé par la foule, plus bruyante que ne l’a été l’orchestre au long du concert, fut accordé avec des interprétations énergiques puis émotionnelles de Madness (de Porco Rosso) et Ashitaka and San (de Princesse Mononoke). Entre les deux titres, le chef d'orchestre s’exprima via un texte à l’écran pour dire sa peine face à la situation du monde, espérant simplement apaiser nos cœurs avec sa musique. La conclusion du concert fut aussi magnifique que le reste de la représentation, sinon plus, se finissant sur un superbe ensemble jusqu’à ce que Joe Hisaishi signe l’arrêt de l’orchestre et le début de longues acclamations dûment méritées. Le succès de ces deux heures de concert était indéniable.

Que dire, sinon que ce concert fut exceptionnel, que ce soit par la qualité sonore, la setlist quasi-parfaite, l’interprétation sans fausse note, la mise en scène démesurée à mes yeux, et bien sûr la beauté de la musique proposée ? Simplement, peut-être, allez voir un concert de Joe Hisaishi si vous en avez l’occasion (il est rare et les prix peuvent être rédhibitoires pour certaines personnes). Même si ce n’est pas forcément un concert de Ghibli, foncez, la discographie du compositeur japonais regorge d'autres trésors (les B.O. de Kikujiro ou de A Scene at the Sea, au hasard). Je vous promets un concert sublime qui restera gravé dans votre mémoire.

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Zénith Nantes Métropole
Nantes, France