Black Sabbath - Master of Reality

Maitres de la réalité mais aussi de l'imaginaire.

Quand on tombe dans le rock et dans le metal, il y a forcément un moment qui coïncide avec la découverte des patrons. Ces précurseurs ou juste ces groupes ayant fait leurs armes bien avant notre existence. Un passage presque obligé pour raccorder les wagons des différentes époques ensemble. Si l'on se décide à creuser le stoner et le doom, il arrive le moment où les bases doivent être également étudiées. Il existe même un point commun évident qui peut lier ensemble les quatre genres cités dans ce paragraphe : Black Sabbath.

Avec l'œil d'aujourd'hui, le quatuor de Birmingham fait partie des évidences dès qu'on vient à discuter des groupes influents du Rock au sens large. Il faut dire qu'à plusieurs égards, ils éclaboussèrent le monde de la musique. Et si l'on pourrait dire que King Gizzard ou bien Buckethead se sont inspirés du rythme de sortie des disques de Sabbath dans les années 70 (8 en 8 ans), c'est bien sur le plan musical que les artistes s'inspireront, et ce jusqu'à nos jours. Une sacrée prouesse qui passera par une quadrilogie mythique, que l'on pourrait étendre à une hexalogie si l'on est amateur de Sabbath Bloody Sabbath et Sabotage.

En 1969, avec à peine les 20 ans d'âge passés, les membres enregistrent ce qui sera leur premier album : Black Sabbath. Un disque rejeté à sa sortie qui gagnera ses galons au fil des ans, les gens se rendant compte progressivement de l'inventivité et de l'avant-gardisme du quatuor au niveau des riffs et du son. Rien que l'intro du titre éponyme, servant d'ouverture au CD, suffit à donner la chair de poule aux aficionados de doom. L'utilisation du fameux triton, l'accord du diable, sur ce même morceau enfoncera encore plus l'esthétique créée par les Anglais, accusés de satanisme à cause de leur musique et leur look.

A peine sept mois plus tard sort Paranoid, enregistré en une semaine et qui va à lui seul devenir emblématique de la discographie des Anglais. Il faut dire qu'entre War Pigs, Iron Man, Hand of Doom ou encore Paranoid, le disque se permet d'être très solide. En 1972, c'est Vol.4 qui sera proposé au public l'accueillant avec enthousiasme, à l'inverse des critiques plutôt déçus de ce qu'ils ont dans les oreilles. Néanmoins, de nombreux musiciens loueront le son et les riffs de Tony Iommi et cette quatrième galette aura aussi droit à son statut culte. Quand au final tu dépenses plus d'argent en cocaïne qu'en frais de production, il y a moyen de faire rentrer l'album dans l'Histoire.

Si vous êtes perspicace, un album n'a pas encore été traité et c'est ce qui nous intéresse ici, à savoir la troisième livrée de Black Sabbath, sortie il y a tout juste 50 ans. Un disque sensé confirmer les espoirs placés en eux après deux albums de fort beau gabarit. Enregistré pendant 2 mois à Londres, Master of Reality sera l'album charnière dans la carrière du quatuor. Déjà, il sera le dernier produit par Rodger Bain, l'homme aux manettes des deux galettes précédentes du groupe. Ensuite, c'est la première fois que Tony Iommi désaccordera sa guitare afin de détendre ses cordes pour faciliter son jeu. Il faut rappeler que le guitariste a perdu des phalanges sur son majeur et son annulaire droit, l'handicapant sévèrement au moment de jouer. Et s'il se créera des prothèses pour atténuer ses douleurs, le fait d'assouplir ses cordes lui permettra de pouvoir continuer à pratiquer son instrument. Un acte qui participera à la création du heavy metal puisqu'à coté de lui, le bassiste Geezer Butler décidera de l'accompagner dans son choix d'accordage.

Premier son entendu : une quinte de toux de Iommi provoquée par un joint de marijuana un peu trop fort. Car au risque de vous surprendre, oui, il y avait de la drogue pendant l'enregistrement de cet album. Cela ne les a pas empêché de construire six pistes et deux interludes d'une grande qualité. Restons sur ce premier titre intelligemment nommé Sweet Leaf, référence à la fameuse feuille verte. Passés les sons de toux se dresse devant nous un riff puissant qui met directement dans l'ambiance. C'est lent, répétitif mais terriblement efficace. La tête ne peut pas s'empêcher d'effectuer un balancement en rythme avec les instruments.

À peine le temps de récupérer d'After Forever (et de l'interlude Embryo) que Black Sabbath nous roule dessus avec Children Of The Grave, piste mythique souvent citée parmi les favorites des fans. Encore une fois, le travail à la guitare est remarquable, mais le soutien du duo basse/batterie est exemplaire et mérite d'être souligné. Il faut dire qu'entre Geezer Butler à la quatre cordes et Bill Ward derrière les fûts, le travail ne pouvait être que formidable. Le son de l'ensemble est limpide et pourtant si lourd pour l'époque. Si maintenant une telle production peut paraître classique, c'est parce qu'énormément de formations se sont inspirés du travail des Anglais pour leurs propres sorties. À tel point que l'on hésite pas à les ranger dans la catégorie des "Sabbathy Like" tellement ils furent nombreux à vouloir copier la recette d'Ozzy et ses amis.

On va également retrouver un type de chanson que Black Sabbath aimera bien réaliser au fil de sa carrière : la ballade. Solitude traite d'une rupture amoureuse et du sentiment de dépression qui s'en suit, couplé à la dite solitude qui donne son titre à la piste. Avec sa flute traversière inspirée des travaux de King Crimson et la voix d'Ozzy méconnaissable sur cette instrumentation acoustique, les Britanniques permettent à l'auditeur un repos très agréable avant le plat de résistance qui sert de clôture au disque. Toujours un riff monstrueux, un rythme plutôt lent et une base rythmique d'une solidité redoutable. Into The Void est un classique de la discographie de Sabbath tant dans sa qualité que dans sa composition avec ce pont en accéléré qui a mis à mal Osbourne au moment de chanter. C'est Tony Iommi qui le raconte dans son autobiographie sortie en 2011 :

"It has this slow bit, but then the riff where Osbourne comes in is very fast. Osbourne had to sing really rapidly: "Rocket engines burning fuel so fast, up into the night sky they blast," quick words like that. Geezer had written all the words out for him ... Seeing him try was hilarious."

Quand on observe le début de carrière de Black Sabbath, on peut souligner une certaine montée en puissance globale, que ça soit dans les idées, les riffs, le son ou encore la consommation de drogue. Ce qui fait dire que Vol.4 est peut être la bascule too much dans la discographie des Anglais. Master Of Reality est un album incroyable qui mérite de souffler ses 50 bougies avec fierté. Qu'il s'agisse de la pochette mythique ou bien des titres, tout a été repris dans la scène metal/rock/stoner/doom. L'héritage de la bande à Ozzy s'est maintenu à un niveau de respect inconsidérable et toutes les erreurs de parcours musical ne comptent même pas quand on évoque le nom du groupe dans les discussions de fans. Il faut quand même saluer la fin de carrière exemplaire marquée par un excellent album et une dernière tournée au meilleur des moments. Même si le trio originel était un peu en peine sur la fin, les prestations restaient d'une qualité telle que seuls les bons souvenirs sont conservés. Quand on voit la persistance qu'ont certaines formations concernant les tournées, on ne peut que saluer la sagesse de Sabbath sur ce coup. Et parler de sagesse pour un groupe réputé pour ses excès concernant l'alcool et la drogue, c'est quand même fort.

Si vous ne connaissez pas ce disque, profitez de cet anniversaire pour vous plonger dedans. Sa durée courte fait de lui un parfait compagnon de nuit. Il permet aussi de pouvoir enchaîner plus facilement d'autres albums de Black Sabbath sans aucune force. De quoi se rendre compte de l'immense carrière du quatuor et surtout de pouvoir un peu mieux comprendre les filiations des groupes actuels dans le stoner et le doom. S'ils sont les "maîtres de la réalité", ils ont surtout titillé notre imaginaire pendant des décennies. Ce n'est pas prêt de s'arrêter et croyez-moi, on ne va pas s'en plaindre.

RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
Bouteilles de plongée

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Black Sabbath
"Master Of Reality"