Casualties Of Cool - Casualties Of Cool

Sur la route des ténèbres

Des traces dans la poussière...

De toutes les contrées que l'art peut explorer, peu sont aussi fascinantes que les ténèbres. Le noir est pour beaucoup d'êtres humains le déclencheur des plus grandes saillies de l'imagination. Elles peuvent souvent faire frémir la plupart d'entre nous lorsque notre imaginaire est encore un terreau fertile. Pour beaucoup d'artistes, la nuit et les sombres moments de quiétude qu'elle propose sont également un véritable lieu sacré. L'isolement permettant souvent, dans la frustration de l'insomnie, de s'adonner à sa fièvre créatrice. C'est, selon toute vraisemblance, dans ce cadre que Devin Townsend s'est trouvé un sanctuaire unique de création. Sur de nombreuses années, mais surtout durant la période de fin 2013 à 2014 pendant le travail sur , le canadien de quarante ans va trouver une sorte d'échappatoire grâce à Casualties. Le Devin Townsend Project étant devenu un peu étouffant. Ces escapades eurent lieu la nuit. Naitront de ces moments intemporels de nombreuses démos qui pour la plupart d'entre elles, sont probablement encore cachées sur un disque dur au Canada...

Ces démos embaumées de cette atmosphère unique vont inspirer Devin pour qu'elles deviennent un projet à part entière. Il va approcher la chanteuse soul&folk Ché Aimée Dorval (déjà présente sur Ki en guest) afin de l'aider à faire mûrir ces démos, les transformer en de véritable morceaux. Une nouvelle forme de collaboration entre ces deux musiciens naît, Ché n'est plus un simple "instrument" comme elle a pu l'être sur Ki. Elle aussi passant par une période houleuse de sa vie professionnelle et personnelle, en profite pour le projeter sur les morceaux et au travers des paroles et de la composition. Devin et Ché deviennent Casualties of Cool. Ils s'associeront aux efforts du génialissime Morgan Agren à la batterie, de la chorale du Sangkraft Chamber Choir.

La noirceur de cet album n'est pas celle d'un tombeau millénaire enfoui, ou d'une cave insalubre, ni celle d'un cauchemar claustrophobe. C'est un lieu de repos, d'attente avec espoir et muni de sa propre texture poussiéreuse, vieille. L'album se centre autour d'une intrigue volontairement vague, d'une âme solitaire perdue sur une lune sans vie. Esprit hanté par les souvenirs d'une vie et une sorte de démon féminin ambivalent. La musique est vibrante, portée par un Devin jouant sur un attirail dénué de nombre de ses artifices habituels et avec un style plutôt bluesy. La musique, bien qu'étant véritablement possédée par des relents très noirs, est étrangement reposante, enivrante même. Elle s'habille d'ailleurs de nombreux samples exotiques pour donner un parfum attirant à ces ténèbres. Noirceur parfois éclairée par le son d'un saxophone sur Moon (joué par le leader Jørgen Munkeby du groupe norvégien Shining). C'est une lumière qui, alliée à une transe quasi spirituelle de Ché, peut raviver les souvenirs d'autres groupes ayant traité de ténèbres lunaires...

Vers la lumière...

Le voyage de cette âme esseulée ne sera toutefois pas monotone. Selon une vieille habitude du compositeur canadien, l'album est rempli d'une palette de mélodies emblématiques, de riffs accrocheurs et sournois. C'est un florilège de petits mariages qui redonnent parfois à des textures particulières une véritable représentation musicale. Passant par la rouille d'os poussiéreux, à la poussière lunaire, ou à des pluies hallucinées dans des îlots de paix ou les grenouilles de l'au-delà parviennent à peupler l'espace vide et desséché d'une vie insoupçonnée. Autre signature du natif de Colombie-Britanique : le moment où l'album atteint un point dit "d'épiphanie", exutoire où le thème de l'oeuvre est exposé sous les feux d'une explosion mélodique. Ce pinacle, après plus d'une heure de déambulation et d'étreintes démoniaques avec le vide, est offert par un choeur et une orchestration magistrale. Sommet donnant une résonance immense à une oeuvre dont la beauté sombre se change soudainement en une lumière éclatante.

Dans Casualties, Devin explore des notions comme la figure maternelle, l'idée de recherche de soi encore et toujours, et surtout laisse l'histoire se frayer un chemin dans l'étendue déserte qu'il a dépeint par la musique. L'âme errante recherche un repos sans cesse nié par des figures féminines ou des spectres de vécu. Elle erre, déboussolée, désespérément en quête d'un repos ou d'un tout à compléter. L'artiste a également, comme Ché, affirmé que l'album avait une dimension personnelle pour lui, traitant de sa propre errance sur la voie de la création. Le glas de l'épiphanie sur The Bridge peut donc également fonctionner comme un retour d'envies plus explosives pour Devin, aussi bien qu'une réalisation d'une âme en errance. En somme, Casualties vientadmirer les formes multiples du vide que l'on peuple de notes de musique, du plus profond de l'imaginaire d'un Devin nocturne et d'une Ché Aimée Dorval merveilleuse.

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MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
DélicatesseIndice de la douceur de l'album. 1/5 : l'album est assez sec. 5/5 : l'album est un champ de coton
TempératureIndice du mood général de l'album : 1/5 = froid, musique globalement maussade, négative, voire violente 5/5 = chaud, musique très joyeuse voire festive
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
Bouteilles de plongée

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Casualties of Cool
"Casualties of cool"