Coldplay - Parachutes

Du Rock à l'Âne - 10/07/2020 - Parachutes - 20 ans

Salut les rockers, Barny à l'antenne.
L'évolution : une notion clé dans de si nombreux domaines, et la musique n'y échappe pas. Tous les artistes que nous aimons ont évolué, dans leur style, leur approche de la musique, de la composition, de l'écriture, mais aussi du marketing et de l'image de marque. Certains pour le meilleur, d'autres pour le pire. Les premiers profitent du gain de notoriété pour s'offrir les moyens de proposer à leur public des œuvres plus poussées et ambitieuses qu'auparavant, les seconds sombrent dans des trous noirs de banalité et de mauvais goût, cherchant stérilement à surfer sur d'illusoires vagues de mode et de tendances pour rester au sommet des ventes. Le groupe qui nous intéresse aujourd'hui s'est élevé en 20 ans aux cimes de la scène mainstream, fait partie des plus grands phénomènes, des références, des plus gros vendeurs et accumulateurs de récompenses, remplit les stades et offre une musique adaptée aux arènes et aux publics se comptant par milliers. Au point qu'on en oublierait presque leurs origines, et la musique intimiste de leurs débuts que, paradoxalement, beaucoup sur cette Terre considèrent comme le point culminant de leur art. Nous sommes le 10 juillet 2020, et il y a 20 ans jour pour sortait l'album Parachutes de Coldplay.

Coldplay 2000

Coldplay, un groupe né sur les bancs de l'université de Londres en 1996, fondé par le guitariste Jon Buckland et le chanteur Chris Martin, vite rejoints par le bassiste Guy Berryman et le musicien Will Champion qui s'improvise batteur. Le groupe fait ses armes sous différents noms dans les petites salles d'Angleterre, pond un premier EP, Safety, et parvient à s'attirer l'attention de Parlophone, sous-branche du major EMI. Le label compte à l'époque parmi ses artistes signés Radiohead, tout juste auréolé du succès d'OK Computer, dont Chris Martin et le groupe sont de fervents admirateurs, et ce détail prendra de l'importance plus tard. Pour l'heure le groupe doit produire un second EP, The Blue Room, au côté du producteur Chris Allison. De ce 5 titres ressort bien sûr l'influence de la Britpop moribonde depuis peu, mais aussi de la nouvelle vague psychédélique et du Shoegaze. On retient notamment le morceau Bigger Stronger pour sa guitare furieuse et pressée, mais surtout deux autres titres : Don't Panic et High Speed, bardés d'effets et de textures sonores planantes. Mais quand il s'agit de pondre un album entier, Allison n'est pas convaincu par les nouveaux titres du groupe et les invite à retravailler tout ça. Le groupe s'y attelle et leur management recrute un autre producteur, Ken Nelson, pour produire l'album. A la surprise de celui ou celle qui lit cet article en 2020, Nelson jugea le groupe trop speedé et tendu lors d'un concert auquel il assista. Son rôle de producteur consista notamment à inciter le groupe à se poser et à privilégier des tempos plus lents, et à leur laisser une grande liberté de création à partir de ces quelques consignes. L'enregistrement, initialement prévu pour durer deux semaines, s'étendit sur plusieurs mois à causes de plusieurs engagements live du groupe. De ces sessions naquit Parachutes.

La première chose qui frappe sur l'album c'est son minimalisme. Les composantes Psyché et Shoegaze présentes sur les premiers EPs sont tout simplement balayées d'un revers de main, à l'exception de la version de High Speed produite par Chris Allison, greffée à raison à la tracklist. On est face à un Pop Rock nature, feutré, intimiste, chaleureux et sentimental. Tout s'ouvre par une nouvelle version dépouillée de Don't Panic, des traits de guitares rythmiques tout en finesse, une batterie délicate, une basse ronde et onctueuse et un chant élégant ne s'embarassant d'aucun overdub ou autre multiplication des pistes. Mais surtout on note un contraste étonnant entre une musique mélancolique, de celles qui accompagnent ces soirs pluvieux solitaires toutes lumières éteintes, et des paroles lumineuses et réconfortantes. Le groupe assume en interview ce parti pris de confronter musique triste et paroles joyeuses, et pour tout amateur de musique aux accents sombres et doux-amers, Parachutes est un indispensable. C'est un chapelet de compositions intelligentes qui embaument le spleen de qualité et la mélancolie volontaire dans laquelle on s'enroule comme dans une couette chaude… pour peu qu'on fasse abstraction des textes si on refuse le sucre de l'espoir dans sa morosité qualité filtre. Parmi ces trésors, on compte Spies, un petit bijou dont le refrain, construit autour des roulements de toms de Will Champion et la guitare en arpèges célestes de Jon Buckland, sait se rendre émouvant aux larmes. On a des ballades simples mais subtiles, comme Sparks, en forme de berceuse avec ses notes de glockenspiel intelligemment placées, ou We Never Change, plus embrumée en fin de tracklist. Mais l'album contient malgré tout des airs plus enjoués et ensoleillés, comme son deuxième titre Shiver, qui paraitrait presque dans l'urgence à côté de tout ce calme, ou ce fameux High Speed, certes recyclé mais loin de détonner avec le reste des morceaux. Et ce, malgré qu'il soit le fruit de sessions plus anciennes et d'une production faisant la part belle aux textures psychédéliques qui ne sont pas sans rappeler le Urban Hymns de The Verve, l'un des joyaux tardifs de la Britpop.

Coldplay montre aussi sur ce premier opus sa capacité à signer des tubes d'une efficacité absolument renversante et à bien sélectionner ses singles en vue de conquérir les charts. Sur Parachutes, l'un des fers de lance s'appelle Yellow, toujours construit sur un air clair obscur, nostalgique mais laissant miroiter une issue heureuse. C'est un morceau alternant couplets calmes et refrains poussés par des guitares presque trop rock et abrasives pour ce titre touchant qui semble avoir été pensé comme une ballade plus acoustique et intimiste. On atteint ainsi un incroyable équilibre, Yellow jouant au funambule entre la petite salle éclairée de lampions et le stade rempli à craquer. Immédiatement derrière, l'auditeur se fait enchainer par Trouble, autre single imparable. Il s'ouvre ici sur un air de piano, hypnotisant dès les premières notes. Et une nouvelle fois, le piège tire-larmes se ferme sur quiconque s'aventure à l'écoute de ce joyau, se voyant libéré lors d'un court refrain angélique vertigineux. Une sensation judicieusement renouvelée en fin d'album avec Everything's Not Lost, un titre de clôture réellement exaltant, se dévoilant peu à peu, s'ouvrant avec le piano-voix de Chris Martin, bientôt rejoint par le reste du groupe : une batterie carrée, une basse à la ligne plus groovy que jamais mais surtout un trait mélodique de guitare étincelant, véritable fil rouge du morceau. Le groupe fait durer le plaisir avec une simple alternance de sections jusqu'à ce que le refrain ne se mute en un final épique digne d'un conte, mais toujours avec ce sens de la retenue, de la simplicité et du minimalisme dicté tout au long de l'album.

Une aussi belle histoire, ça fait forcément un carton. Parachutes se retrouva presque instantanément numéro 1 des ventes aux Royaume-Uni, devenant ainsi un des plus gros succès pour un premier album de son ère. Il fut récompensé d'un Brit Awards du meilleur album britannique en 2001 et d'un Grammy du meilleur album de musique alternative en 2002 : une histoire d'amour entre Coldplay, les hautes places des charts et les récompenses qui ne faisait que commencer et n'a toujours pas pris fin aujourd'hui. Néanmoins certains critiques, voulant absolument donner un sens à ce succès surprise et miraculeux, formulèrent l'hypothèse que Coldplay hérita à l'époque d'un pan du large public de Radiohead qui aurait été dérouté par le virage électronique et expérimental que le groupe prenait à l'époque, faisant de Coldplay une alternative tombée au bon endroit et au bon moment.

Voici la question qu'on se pose en 2020 : Comment un groupe officiellement devenu le nouveau U2 a-t-il pu un jour sortir un disque aussi intimiste et émouvant ? Car aujourd'hui Coldplay est une immense machine, une entité dont aucun des 8 albums n'a pas atteint la première position des charts UK et le top 10 des charts de tout l'occident depuis 2002. Chris Martin est une figure people ultra populaire mais lisse à la limite du chiant : il est riche, célèbre, bien sous tous rapports, ouvertement philanthrope et engagé dans de nombreuses causes, aucun problème d'addictions ou de drogues dures connu à ce jour, sans une once de rébellion ou de subversion. Coldplay est un des plus gros phénomènes pop, remplissant aisément n'importe quel stade, collaborant avec des artistes comme Rihanna et Beyoncé, leur musique est aujourd'hui pour beaucoup l'incarnation de la pop ultra colorée et consensuelle. Quand on voit l'amas dégoulinant de guimauve qu'est Coldplay aujourd'hui avec des albums comme Mylo Xyloto ou A Head Full of Dreams, comment remonte-t-on jusqu'au sobre mais élégant bol de thé noir fumé ultra raffiné qu'est Parachutes ? Et surtout… est-il en fait légitime de leur cracher à la gueule et d'ouvertement proclamer qu'un jour Coldplay est parti en couilles ?

Peut-on en vouloir à Chris Martin d'avoir fait autre chose de Coldplay que le clone de Radiohead dont on lui a collé l'étiquette à la sortie de Parachutes ? Et si au final, le fait d'avoir taillé son propre chemin, aussi pop et édulcoré soit-il, n'était pas plus honorable que d'avoir essayé d'être un nouveau Thom Yorke ? D'avoir assumé son goût des tendances Pop mainstream plutôt que de vouloir à tout prix prendre la mode à contre-courant, de siphonner la scène Underground et Indie, de s'inspirer de compositeurs conceptuels obscurs comme ses idoles ? Bien sûr Viva La Vida est une scie musicale mille fois trop entendue à sa sortie, mais c'est loin d'être une chanson honteuse, plagiat de Joe Satriani ou pas. Et au fond des morceaux comme Paradise, Magic ou Charlie Brown sont loin d'être des purges, et savent se rendre émouvants, ambitieux même, certes d'une autre manière que les morceaux de Parachutes vus plus haut. Oui, Coldplay est peut-être devenu trop gros pour les mélomanes cherchant à avoir de l'originalité dans leurs goûts, trop bateau pour ceux qui attendent forcément de l'audace de la part des artistes qu'ils admirent. Mais Coldplay mérite que l'on n'oublie pas le jeune quatuor brillant qui a pondu Parachutes et son digne successeur A Rush of Blood to The Head, indéniablement avec la sincérité et la fraicheur de tout jeune groupe qui se respecte.

DélicatesseIndice de la douceur de l'album. 1/5 : l'album est assez sec. 5/5 : l'album est un champ de coton
Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
TempératureIndice du mood général de l'album : 1/5 = froid, musique globalement maussade, négative, voire violente 5/5 = chaud, musique très joyeuse voire festive
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

Parachutes
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"Parachutes"