Earthless - Night Parade Of One Hundred Demons

Du riff jusqu'à la mort

Signer sur un label important est un accomplissement important pour certains groupes. Être soutenu par une entité majeure de la musique peut permettre une hausse de popularité qui est toujours souhaitable. D'un autre côté, arrivent toujours des doutes quand des petites ou moyennes formations signent pour de grandes écuries. En effet, ces dernières souhaitent être rentables et parfois, cela peut passer par un lissage musical qui effraie les fans, voire les rend furieux.

En 2017, Nuclear Blast, label Allemand plus que réputé, annonce la signature d'Earthless dans son catalogue. Dans la foulée arrive un nouvel album pour 2018 nommé Black Heaven. Joie, allégresse et langues de belle-mère pour les afficionados du trio Californien. Longtemps cantonnée aux scènes rock underground, la formation allait enfin pouvoir briller de manière plus large. Sauf que pour une frange non négligeable des fans, ce disque sera synonyme de déception. Adieu les longues plages instrumentales de 15 minutes et plus, les titres se font plus directs, plus incisifs et surtout, le chant s'incruste de manière officielle. Il n'est pas surprenant d'entendre Isaiah Mitchell utiliser sa voix sur son side project Golden Void. Néanmoins, c'était la première incursion sur une tracklist d'un disque d'Earthless, à l'exception d'une piste bonus de Rhythms From A Cosmic Sky et de quelques reprises seulement jouées en live.

Il n'en fallut pas plus pour qu'on questionne l'impact de Nuclear Blast sur l'enregistrement de ce quatrième disque. Pourtant, Black Heaven est une vraie réussite, mélangeant pistes calmes et bagarre soudaine. Mention spéciale à Volt Rush qui est une ode à la violence dans le pit, le tout en moins de deux minutes. Mais ce que veulent les gens, ce sont des longues plages instrumentales, des riffs, des jams. Des prières exaucées fin 2021 avec l'annonce de leur cinquième album et un single très... "Earthlessien".

Dans les trois premières minutes, on a tout ce qui fait l'excellence d'Earthless. Un riff puissant suivi par de fantastiques arabesques guitaristiques signées Isaiah Mitchell. Tout est sublimé par une section rythmique d'une solidité inégalable. La basse ronflante de Mike Eginton est magique tandis que Mario Rubalcaba martyrise ses toms et ses cymbales sans pour autant être un bourrin. Dans un jeu mélangeant influences rock, jazz et blues, le batteur est un compagnon d'exception et une troisième pièce irremplaçable à la triforce californienne. Si la durée peut être effrayante au premier abord, vous ne vous rendrez même pas compte que la piste se termine une fois que vous aurez perdu votre esprit à headbanger frénétiquement.

Réussir à tenir vingt minutes sans lasser l'auditeur, c'est très compliqué. Pourtant, c'est une des qualités premières du groupe, et ce depuis leurs débuts. C'est aussi pour cela qu'à l'annonce de la tracklist, les fans se sont tous réjouis. En plus de Death To The Red Sun, Earthless allait offrir une pièce de plus de quarante minutes. De quoi revenir au temps de Sonic Prayer ou encore From The Ages. Et s'il résidait des sceptiques sur la capacité des Californiens de tenir et d'être encore efficaces sur ce format, le trio s'est mis en scène dans le désert du Mojave pour un concert exceptionnel chaudement recommandé si vous êtes amateurs de Rock. Trois titres pour une heure et dix-sept minutes de voyage stellaire avec en conclusion Lost In The Cold Sun s'étirant sur trente-neuf minutes.

We came across the ‘Night Parade of One Hundred Demons’ in a book of traditional Japanese ghost stories. I like the idea of people hiding and being able to hear the madness but not see it. It’s the fear of the unknown.”

Voilà comment Mike Elginton a parlé de la genèse de ce projet. Des mots qui sont au final d'une justesse folle car en écoutant Earthless, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Bien que l'on connaisse le squelette du monstre, il peut prendre tellement de formes différentes que l'on est toujours surpris. Et c'est le cas pour Night Parade Of The One Hundred Demons Pt1 & 2. Si l'on est évidemment frappé par Isaiah Mitchell, ses deux compères auront de la place pour s'exprimer, plus que d'habitude. Souvent relégués en soutien, Elginton & Rubalcaba bénéficieront de sections entières pour eux. Car plus qu'un étalage de riffs, ces deux pistes posent aussi des ambiances. De quoi emmener les auditeurs sur des montagnes russes où les parties calmes font souffler avant des sensations fortes toujours aussi géniales.

C'est aussi ça la force du trio. Leur talent pour déverser des notes dans nos oreilles n'est plus à prouver. Cependant, là où leurs précédentes sorties sentaient bon le soleil et le désert, on se retrouve dans quelque chose de plus sombre et troublé. On comprend à travers la chanson titre l'histoire qui est déroulée et il n'est pas étonnant de s'imaginer des démons dans l'obscurité prêts à surgir à chaque instant, notamment avec la montée lente mais prenante sur Night Parade Of One Hundred Demons Pt2. On n'attend qu'une chose : le retour du chaos musical. Mais Earthless prend son temps et le fait bien.

“I started researching the different Yōkai—the demons—and really got into it. It was really cool reading about where they came from and what their interactions with humans were. Then I tried to create what I imagined the event might look like. I didn’t get a hundred in there, but I got quite a few.” (Mike Elginton)

Il n'est pas nécessaire de vous décrire précisément tout ce qu'il se passe tant ce voyage mérite une découverte totale. Sachez juste qu'il vous faudra du temps pour tout assimiler. Mais si vous êtes passionnés de Rock, de riffs et de headbang, alors vous retrouverez tout et même bien plus dans cet album. Earthless est une formation qui mérite un amour fou et si jamais vous êtes passés à coté d'un tel phénomène, alors ne perdez plus une seule seconde. La fusée en provenance de San Diego et à destination des étoiles est prête à partir. Il serait dommage que vous n'ayez pas composté votre billet.

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Earthless
"Night Parade Of One Hundred Demons"