Franz Ferdinand - The Human Fear

Il y a des choses qui ne changent pas. Une fois que l’on a dit ça, on n’a pas dit grand chose. Mais justement, il y a des choses dont on apprécie qu’elles ne changent pas : le goût du café du matin, l’odeur de la pluie sur un sol chaud ou la joie ressentie à retomber dans des petits plaisirs régressifs. Le genre d’énorme piège à loup de dessin animé avec une petite friandise rose en son centre, dans lequel il serait dommage de ne pas tomber pour une énième fois.

Parmi ce genre de drogues qui me font sans cesse rechuter, il y en a une qui fait régulièrement les choux gras de mon addictologue depuis plus d’une quinzaine d'années : la carrière de Franz Ferdinand. Enfin régulièrement, pas vraiment puisque le rythme de parution des albums canoniques des Britanniques ralentit progressivement depuis leurs débuts. Si bien qu’il aura fallu attendre sept longues années après Always Ascending pour obtenir une nouvelle dose. Et on ne peut pas dire que la compilation nicotinée Hits to the Head parue en 2022 ait suffi à stopper mes tremblements (vous pouvez néanmoins vous jeter dessus si vous voulez découvrir en accéléré leur discographie, c’est un pur best-of chronologique auquel il ne manque que Feel The Love Go).

Et pourtant, l’accoutumance commençait à prendre l’odeur du tabac froid, car bien que de bonne facture, Right Thoughts, Right Words, Right Action et Always Ascending se montraient plus chiches en hits que leurs prédécesseurs. Le premier single dévoilé de ce The Human Fear a même eu tendance à conforter la faiblesse de mes attentes, car le moins que l’on puisse dire, c’est que Audacious porte bien mal son nom. Et comme il s’agit du titre d’ouverture de l’album, il m’a fallu, en plus, faire preuve d’indulgence avant d’accepter ce que me proposait mon dealer (ne faites surtout pas ça dans le monde réel, c’est une métaphore).

Sauf qu’il faut croire que le reste du disque s’avère bien plus concentré en substances addictives puisque, comme les pistaches, celui-ci a un délicieux petit goût de “reviens-y”. On retourne d’abord chercher son fix de dopamine facile sur Hooked, dopé aux sonorités électro explorées depuis Tonight. Le single vous attrape par le popotin pour vous envoyer danser de manière aléatoire jusqu’au bout de la nuit. Quel dommage que la chanson soit si courte, mais c’est la marque des professionnels que de créer le manque pour vous inciter à enclencher le bouton repeat.

À partir de là c’est fini pour vous. Sans le savoir vous êtes déjà tombé accro. Pour peu que vous ayez laissé défiler l’album, les lignes mélodiques sautillantes, art dans lequel excelle Franz Ferdinand, vont s'enchaîner pour maintenir la seringue solidement plantée dans votre bras. De Build It Up à Cats, c’est un sans faute en matière de déhanchement compulsif. À titre plus personnel, le pont de Build It Up fait revenir en fond une “sirène” héritée du climax de Feel The Love Go qui me fait l’effet d’un retour d’acide bienvenu.

La phrase musicale de Cats est également une formidable trouvaille pour agripper l’attention de l’auditeur un peu trop curieux. En effet, en plus de son groove imparable, celle-ci s’avère un peu taquine et demandera plusieurs écoutes avant de se laisser fredonner proprement sans se tromper dans la rythmique. Quand on vous dit que la bande d’Alex Kapranos est de mèche avec votre addictologue pour vous faire multiplier les séances !

Du côté des nouveautés, on notera un petit côté sirtaki (danse populaire grecque) sur Black Eyelashes, mais pour être honnête, ce n’a jamais vraiment été ce que l’on cherche dans la musique des Ecossais, tant l’exercice s’est montré casse-gueule pour eux par le passé… Je parle d’insérer de la nouveauté, pas du sirtaki, bande de petits malins.

Nous sommes en 2025 et s’il y a bien une entité que je ne pensais plus capable de me surprendre, c’est bien Franz Ferdinand. Autant le groupe a choisi de jouer en terrain archi-connu avec The Human Fear, autant ils ont sorti leur meilleure plume pour ce nouvel opus qui s’avère être un excellent cru. Je pensais le sevrage réussi grace à des dernières sorties en demi-teinte et une tournée Hits to the Head qui m’a permis d’enfin les voir et d’enfin pouvoir passer à autre chose. Il semblerait bien qu’ils ne l’entendaient pas de cette oreille.