Gojira - The Link Alive

“Est-ce que vous êtes vivants ?”

Nous voici de nouveau à parler d'un album de Gojira fêtant ses 20 ans. Groupe capital pour le rédacteur de cette chronique, le quatuor landais fêtait le 16 avril 2024 les deux décennies d'existence de son premier album live : The Link Alive. Après deux disques très prometteurs, Terra Incognita et The Link, les quatre Français nous permettaient de juger s'ils étaient aussi doués sur scène qu'en studio. Enregistré en novembre 2003 à la Rock School Barbey de Bordeaux, ce live allait proposer plusieurs éditions, chacune avec ses particularités, notamment un DVD filmé. Alors, que valait ce groupe l'année où sortaient Toxic de Britney Spears et American Idiot de Green Day ?

Le concert

Gojira ouvre The Link Alive avec une formule aussi simple qu'efficace. Connected, titre instrumental aux sonorités tribales et joué sur bande, permet de doucement faire monter la tension du public avant que Remembrance n'arrive et que tout se déchaîne. Morceau rapide et brutal, il balaye tout doute quant à leur talent : on va se faire rouler dessus pendant plus d'une heure. Le mix et le jeu des quatre musiciens sont propres, rendant fidèlement le travail effectué en studio. Le son est toujours un peu sec, aride, comme sur The Link, mais dans un dosage mieux géré que sur ce dernier. Remembrance se termine par son monumental breakdown et le public est déjà en feu, harangué par un Joe Duplantier démontrant qu'il a toujours été un excellent frontman. Le groupe est survolté : ça headbangue, fait le tour de la scène, ça bouge dans tous les sens. Chez le public, on slamme, on pogote, on bouge avec le son des Landais, bref : le spectacle est vivant.

Death Of Me, Love, Embrace The World et Space Time continuent dans cette lignée, même si l'intro d'Embrace The World calme la salle, tout comme le solo de batterie de Mario Duplantier avant Space Time. La voix de Joe et son énergie sont captivantes, bien que son placement ne soit pas toujours juste. Vient ensuite Terra Inc., morceau caché de Terra Incognita, qui sert de pause hypnotisante avant une triplette qui va amener l'apocalypse à Bordeaux.

Alors qu'Indians débute en posant une ambiance lourde mais loin d'être rageuse, il se termine avec un breakdown transformant la salle de concert en pit gigantesque. À peine le temps de se terminer que Jean-Michel Labadie et Mario font monter la sauce pour introduire Wisdom Comes, le morceau le plus court de Gojira hors interludes. C'est aussi le plus violent, consistant en un peu plus de deux minutes de blast beat destructeur, double pédale dévastatrice et break ravageur. En sortie du titre, la Rock School Barbey est en feu. Cette fois-ci, ce sont les guitares qui font escalader la tension pendant la transition vers Blow Me Away You(niverse), dont le riff simple mais groovy fait sauter le public. Un breakdown death metal plus tard, l'énergie n'est toujours pas redescendue.

Vient alors une des marques de fabrique de Gojira en live pour y remédier : le morceau étendu, formule qu'ils ont reprise plusieurs fois depuis. The Way Of All Flesh, The Gift Of Guilt, The Axe et Pray après ce live ont eux aussi été allongés pour offrir des plages plus planantes au public. Ici, Blow Me Away You(niverse) se voit augmenté d'une sorte de jam hypnotique et répétitive de cinq minutes propre à faire décoller le public. Un passage captivant, idéal pour mettre fin à dix minutes de branlée monumentale.

Lizard Skin et Inward Movement enchaînent et tiennent toujours le public en haleine, l’un par sa rage et l’autre par sa lourdeur. Vient ensuite l’encore, avec The Link, un solo de batterie où Mario nous illumine de son talent, un Clone puissant et le morceau final In The Forest. Cette conclusion prouve de nouveau que les Français forment un groupe à part : qui, dans la scène death, conclurait un concert avec un titre aussi ambivalent, partagé entre couplets de soft rock et interludes de death dévastateurs ? Gojira le peut, l’ose, et le réussit.

Entre death “primaire”, technique saisissante et éléments progressifs donnant au groupe sa spécificité, Gojira a dressé une belle setlist les laissant démontrer leur talent. Précision, agressivité, énergie, prestance, tout était là pour nous offrir un excellent concert, mené par un frontman captivant et chauffant la foule. Avec l’addition d’un mixage habilement travaillé, The Link Alive nous introduisait à la force des Landais sur scène, qualité qui n’a jamais été trahie depuis. Épaulé par un lightshow soulignant correctement les différentes atmosphères proposées, le spectacle est une franche réussite rendant fidèlement l’énergie des concerts du quatuor.

Les bonus

Comme Gojira est un groupe généreux, The Link Alive ne se limite pas qu’au concert filmé. En plus du CD en option selon les éditeurs Listenable, Gabriel et Mon Slip (In The Forest manquant hélas à la tracklist), le DVD du live est agrémenté de bonus qui valent le coup d'œil.

En premier, on peut visionner Gojistory, vidéo retraçant les débuts du groupe avec un petit côté humoristique. On découvre les musiciens adolescents débutant leur aventure musicale et scénique, avant même que Jean-Michel Labadie ne rejoigne l'aventure.

Ensuite, on trouve “Sur la route”, court-métrage dans lequel on aperçoit Gojira et leur équipe dans différents concerts de leur tournée de Saint-Nazaire jusqu’à Cognac en passant par Genève, entrecoupé d’instants de voyage (notamment avec les titres de Maciste All’Inferno en fond). Découverte surprenante, on y voit de nombreux sketchs humoristiques tournés avec le système D comme seule ligne directrice, où l’équipe (en particulier Mario et Stéphane Chateauneuf) déconnent à plein régime. Joe en est quasiment absent, puisque c’est lui qui filme la majorité des prises avec Frédéric Collinet et Richard Gamba.

Et surtout, on trouve plusieurs courts-métrage de Tchang et Tangui à l’intérieur du DVD, summum de l’inattendu chez Gojira. Dans la lignée directe des sketch entrevus dans “Sur la route”, on retrouve Mario et Stéphane Chateauneuf jouant deux personnages qu'on qualifiera de "hauts en couleur" pour vous attirer sans trop en dévoiler. Là aussi caractérisé par le système D, le groupe explose son image sérieuse avec un acting délirant, des bruitages hilarants, des plans maladroits et des scénarii désopilants. Un trésor malicieux caché qui laissait présager l’arrivée de l’incroyable Evil Mario la décennie suivante.

Vivants

Avec The Link Alive, Gojira prouvait qu’ils faisaient déjà, et font toujours, partie des grands sur scène, mais pas seulement. En dehors de son attitude sérieuse en concert, concentré à exécuter à la perfection ses titres et faire bouger la foule venue à sa rencontre, le quatuor montrait dans ses documentaires un tout autre visage. Au-delà de la minutie et de l’application nécessaire pour gérer et encadrer une tournée, les quatre musiciens nous dévoilaient une facette plus terre à terre, en dehors de celle publique jusque-là.

Une dualité sérieux / déconne retrouvable directement dans celle de Gojira / Empalot (side-project des frères Duplantier), renforçant le capital sympathie du groupe qui profitait des bonus pour nous montrer l’envers du décor. The Link Alive est un excellent concert doublé d’une belle fenêtre sur le quotidien et l’univers de Gojira avant sa percée internationale.

EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
DéfouloirIndice sur l'envie de se défouler que l'on ressent en écoutant l'album. 1/5 : album plutôt tranquille, reposant et serein. 5/5 : album rempli d'énergie on a envie de sauter partout et de rentrer dans le moshpit
RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
ViolenceIndice de la violence de l'album. 1/5 : l'album est doux et vous susurre des paroles réconfortantes. 5/5 : l'album vous hurle dessus et vous insulte en bosniaque sous-titré slovaque
Consigne du maître nageur :
Scaphandre
Scaphandre

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Gojira
"The Link Alive"