Hangman's Chair - A Loner

Triste et belle morosité

J’ai toujours vu dans Paris une contradiction flagrante. Dans l’imaginaire collectif, c’est la métropole symbole de la mode et de l’amour. Où les bâtiments haussmanniens montrent une vue sur la Tour Eiffel baignée d’une couleur vive. C’est en tout cas ce que veulent nous faire croire les films...

Pourtant, une majorité de franciliens ne profitent pas de ce confort. Ils restent cloîtrés dans des barres de béton, encagés dans un quotidien morose, animé par un réveil à l’aube et un métro où le monde s'entasse vers la même finalité : le travail pour espérer vivre.

Voilà ce à quoi me fait penser notre capitale dès que j’y mets les pieds. Et depuis que j’ai découvert Hangman’s Chair, leur musique est devenue la bande son parfaite de mes escapades dans ces friches humaines.

La sortie d’un nouvel album de la perle du Doom français méritait bien une écoute approfondie, histoire de se perdre dans le brouillard et la pollution une nouvelle fois.

A Loner, le ton est donné. Pas d’amélioration du moral en vue avec ce septième album. Solitude sera le maître mot de l’aventure. Une isolation dépeignant le cadre de vie sombre d’un banlieusard perdu dans la forêt de ciment parisien. Un scénario classique chez Hangman’s Chair mais qui évoluera vers des sonorités plus ouvertes sur ce nouveau disque.

Les hostilités commencèrent avec la signature des franciliens chez un nouveau label. Ils quittèrent Spinefarm Records pour le géant Nuclear Blast Records, et le premier single de l’album n’allait pas rassurer les fans de la première heure. Cold & Distant aura de quoi effrayer ceux qui aimaient la crasse dans laquelle Hangman’s Chair est sorti de terre. Ce titre a pour but de fédérer un nouveau public derrière un son massif mais toujours porté par la sublime voix de Cédric Toufouti. Là où ce titre brille par une production écrasante, il ne représente cependant pas l’ensemble de l’album. La solitude est souvent une période où nos émotions sont désaturées et teintées d’un noir profond.

Et en réponse à cela, Hangman’s Chair a trouvé le bon cheminement en mettant les hymnes en début d’album afin de montrer une certaine détresse que le protagoniste cherche à exprimer. C'est notamment appuyé par l’ouverture sur An Ode To Breakdown et le dernier couplet de la mirifique Who Wants To Die Old. Jusqu'à se finir sur des pistes plus calmes, synonymes de la résolution de notre acteur. Celui-ci, ne comprenant rien au monde qui l'entoure, se laissera dépérir pour nous couvrir d’un final terrassant sur Second Wind et A Thousand Miles Away. Là est l’histoire d’un homme perdu dans sa vie, comme beaucoup, vivant dans un lieu déshumanisé, où le décor n’est composé que du métal froid des barres de métro et du béton gris de la banlieue. La tristesse de cet environnement créé un cocktail ne pouvant mener qu’à un solide sentiment de dépression que le groupe s’efforce de démontrer depuis plusieurs années avec leur discographie toujours qualitative.

Who Wants To Die Old ?
On The Floor I Want To Lie Cold
I Don't Understand This World We Live In
I Can't Understand This World We Live In

Depuis 2015 et This Is Not Supposed To Be Positive, on assiste à une évolution contrôlée du Doom des franciliens. Celle-ci sera aboutie sur le phénoménal Banlieue Triste. De plus en plus, Hangman's Chair prend un virage mélancolique dans sa morosité, alternant entre titres lourds et pistes maussades et atmosphériques. Ce A Loner ne sonne pourtant pas comme son prédécesseur et propose une nouvelle direction, quittant de plus en plus les terres du Doom pour se rapprocher de la Coldwave. Genre très prisé par certains titans de la scène, notamment Type O Negative, sur cet album des titres comme Supreme, Loner ou Pariah And The Plague montrent clairement l’héritage apporté par la bande de Peter Steele. Les instruments baignés de reverb accompagnent avec brio l'envoûtement provoqué par la voix cristalline de Cédric Toufouti et la caisse claire de Mehdi Thépegnier, tous deux frappant sur la toile de notre âme.

Le seul point regrettable de ce tableau est le manque flagrant de Judge Penitent, piste sortie pendant la promotion de A Loner et titre exclusif pour le podcast "Gang Stories" animé par Joey Starr, d’une qualité tout aussi excellente que le reste de l’album. Mais il reste une preuve supplémentaire que Hangman’s Chair est un groupe n’ayant pas sorti de mauvais morceaux, même quand ceux-ci font office de B-sides ou d'exclusivités.

Paris est une immense jungle de béton dénuée de toute humanité, où la grisaille urbaine n’est que le théâtre d’une fourmilière où tout le monde se croise mais ne fait preuve d’aucune solidarité envers son prochain.

Bien plus que de représenter la vie dans la banlieue périphérique de l’Île-de-France avec brio, Hangman’s Chair a produit un chef-d'œuvre aux influences soutenues. Un nouveau pas dans une direction assumée : nous quittons le Doom pour nous diriger vers de nouvelles terres, mais celles-ci ne seront pour autant pas plus douces. La morosité sera pour toujours notre cheval de guerre dans ces nouveaux terrains. Mais quand c'est aussi bien exécuté, nous ne pouvons pas nous plaindre. La tristesse de cette vie en deviendrait presque belle quand elle est accompagnée d’artistes qui comprennent et illustrent parfaitement ces sentiments profonds.

ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
TempératureIndice du mood général de l'album : 1/5 = froid, musique globalement maussade, négative, voire violente 5/5 = chaud, musique très joyeuse voire festive
Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
Consigne du maître nageur :
Scaphandre
Scaphandre

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Hangman's Chair
"A Loner"