Hypno5e est une entité particulière dans la sphère metal. Que ce soit par sa musique ou de par les univers qu’elle nous dépeint à chaque album, aucune autre formation ne lui ressemble. Son son n’a eu de cesse d’évoluer au fur et à mesure de sa discographie, allant de quelque chose de viscéral à l’époque de Acid Mist Tomorrow pour se tourner vers des productions plus propres et mesurées, sans pourtant perdre de leur efficacité et de leur personnalité. Le groupe finira par atteindre une sorte d’apogée dans son évolution en 2019 avec la sortie de A Distant (Dark) Source, disque alliant à la perfection beauté et noirceur dont nous avons parlé ici. Fin 2022 et après 3 longues années d’attente, Sheol, sixième effort des Montpelliérains, mais aussi suite et fin du diptyque commencé avec le disque précédent, est enfin annoncé.
Faire des suites à des albums est un parti pris qui peut se révéler à double tranchant. Certains groupes comme Between The Buried And Me l’ont réussi haut la main, mais d’autres se sont littéralement cassé la figure et ce malgré leur talent.
Arrive donc Sheol, dont la tâche est ardue : l’album est-il à la hauteur de A Distant (Dark) Source ? S’en démarque-t-il ou bien s’inscrit-il directement dans sa continuité ? Au premier abord, sur la doublette Sheol Part I & II, on pourrait croire que le quatuor poursuit, sans faute, la direction prise par son prédécesseur avec son metal cinématographique torturé et ses plages plus calmes.
Pourtant, dès Bone Dust, on peut noter l’évolution du son des Français, affichant par moments un visage plus lumineux et insérant de plus en plus de parties orchestrales et ambient dans ses compositions. Son introduction, avec ses incursions de violons s’alliant parfaitement à des teintes électroniques et à la voix du frontman est un parfait exemple des nouvelles facettes que peut nous montrer le groupe sur l’album, apportant un véritable vent de fraîcheur à l’ensemble. Une structure que l’on retrouvera aussi par la suite sur The Dreamer And His Dream avec son ambiance brumeuse et contemplative, où la guitare sèche et la batterie viennent s’allier avec les douces nappes de clavier.
La première partie de Tauca, quant à elle, prend une direction différente de sa seconde moitié. Choisissant une noirceur acoustique et légère à l’opposé de la lourdeur sombre et sans échappatoire de la conclusion d’A Distant Dark Source, Hypno5e y délivre les mêmes paroles avec cependant un ressenti bien différent. Le désespoir qu’on avait éprouvé avant a disparu, laissant place à une bulle de respiration où une légère lueur d’espoir se fait ressentir. Un contre-pied comparé à sa deuxième partie.
Et en parlant de contre-pied, il va falloir aborder le climax de cet album. Si Tauca - Part II (Nowhere) finissait l'album précédent à l’aide d’un long build up déprimant à souhait, Slow Steams Of Darkness se fait bien plus direct, mais sans oublier une subtilité propre aux Montpelliérains, notamment au niveau des changements de dynamique. Les deux parties du morceau durent environ 14 minutes, ce qui en fait le titre le plus long de l’album. Il se termine sur un passage où tous les instruments s’emballent aux alentours des 10:20 de Solar Mist, la saturation étant poussée à son maximum pour finalement se conclure sur de délicats arpèges de guitare acoustique.
Au niveau de la construction des morceaux, on reprend peu ou prou la formule Hypno5e qui faisait la force des disques précédents : des morceaux longs d’une dizaine de minutes découpés en plusieurs parties, alternant mélancolie et ambiances aériennes avec des cassures de rythmes typées post metal/metal progressif. On trouve toujours les transitions entre le chant clair et hurlé, en même temps que les passages depuis les sections acoustiques et celles relevant du death destructuré et brutal.
On retrouve également les influences qui ont toujours caractérisé le son de la formation, à savoir Gojira, Hypno5e incorporant de nouveau du tapping, Opeth ou désormais Steven Wilson et Porcupine Tree. Malgré tout, le groupe garde une patte personnelle reconnaissable dès la première note. On note aussi l’arrivée de deux nouveaux membres dans la formation : Charles Villanueva à la basse et Pierre Rettien aux fûts. Un apport qui n’est pas des moindres, la basse étant plus en avant dans le mix tandis que le jeu de batterie semble avoir plus de subtilité, même dans les parties calmes (à nouveau : l’introduction de The Dreamer And His Dream en est la parfaite incarnation), sa frappe lourde sachant bien s’adapter aux ambiances planantes.
Pour ce qui est du mixage, justement, vous pouvez vous attendre au même standard de qualité que sur A Distant (Dark) Source. Malgré la densité apparente avec de multiples pistes et effets, Sheol est d’une propreté remarquable, la faute encore une fois à Chris Edrich dont les méfaits ont déjà été évoqués ici. En découle un disque affichant plus d’une heure au compteur qui semble en durer moitié moins tant tout semble fluide, si tant est qu’on réussisse à s’immerger dans l’expérience que nous propose Hypno5e.
À l'image de sa pochette, il possède des aspects plus lumineux et optimistes que son prédécesseur, s'avérant être moins lourd à l’écoute. Hypno5e a su nous proposer une seconde moitié de diptyque à la hauteur de nos attentes. Il ne fait nul doute qu’à l’avenir l’album s’imposera comme une de leurs meilleures productions. Il ne nous reste plus qu’à attendre la tournée afin de se rendre compte de la dimension que ces compositions peuvent prendre en live !
Hypno5e
"Sheol"
- Date de sortie : 24/02/2023
- Label : Pelagic Records
- Genres : Metal Cinématique, Metal Experimental, Post Metal, Metal Progressif
- Origine : France
- Site : https://www.hypno5e.com/