KISS - Psycho Circus

Fausse réunion

KISS est un groupe qui a eu autant d’influence que son histoire fut compliquée. Entre changements de line-up dans des termes plus ou moins amicaux, succès commerciaux très aléatoires et réputation assez sulfureuse, le quatuor New-yorkais a eu une vie tumultueuse. Pour l’album de cette chronique, un petit retour presque 20 ans avant sa sortie s’impose.

A l’époque, la formation dite “classique” du groupe commençait à s’étioler, le batteur Peter Criss s’éloignant peu à peu des autres membres en raison de problèmes familiaux et d’un usage abusif de substances illicites. Finalement lâché en 1980 par le reste de KISS (ou faisant le choix de partir de lui-même selon les points de vue), Peter laissait le guitariste Ace Frehley seul face à Paul Stanley et Gene Simmons. Le groupe n’était pas en conflit ouvert à ce moment-là mais Ace se retrouvait désormais souvent isolé lorsque des décisions étaient votées. Le guitariste quitta le groupe en 1982, lassé d’être en désaccord sur une multitude de sujets concernant la formation. Le groupe venait d’entamer un virage artistique, visant désormais un mélange de rock FM et de glam metal tout en abandonnant peu à peu le hard rock qui avait fait son succès dans les années 70. Symbole de ce tournant, le groupe avait décidé de se séparer de ses personnages, apparaissant désormais sans maquillage.

Malgré ces choix, les années 80 furent une période faste commercialement pour le groupe, qui connut cependant un tournant des années 90 mitigé, leur album Revenge et sa tournée dédiée ne réussissant que moyennement. Sous la pression des fans, chauffés par l’apparition de Criss et Frehley lors de leur live MTV Unplugged (ou de l'appât du gain), Simmons et Stanley se réunirent finalement avec eux pour une tournée de réunion en 1996. Originellement prévue uniquement aux États-Unis, la tournée devint mondiale suite à son succès fulgurant, étant une des plus lucratives de l’histoire de l’industrie musicale.

Ce fut dans cette dynamique que Psycho Circus sortit le 22 Septembre 1998. L’album aurait pu être un retour aux sources : 1er album avec le line-up original depuis près de 20 ans, comeback des masques et personnalités fictives des membres, l’album s’approchait du fan-service bien fait sur le papier. Il n’en fut rien, le cirque de l’album en étant un du mauvais genre pour plusieurs raisons. Élément central d’un disque, la musique est-elle pour autant décevante ? Le résultat est discutable selon les points de vue, penchons-nous donc dessus.

Psycho_Circus_holo La pochette holographique réalisée par Peter Scanlan

Six ans après son dernier album, le quatuor marquait les esprits grâce un visuel marquant et ingénieux : l’édition CD avait pour particularité d’avoir une boîte holographique faisant changer l’image de la pochette selon l’orientation qu’on lui donnait, la rendant quasi-animée. L’illustration était tout aussi impactante avec ce terrifiant visage de clown au centre, criant et ressemblant au Joker de César Romero. La calèche sur laquelle étaient posés les portraits des quatre musiciens était entourée d’obscurité. À l’image de la production de l’album, celle-ci présageait ainsi que le cirque qu’on allait découvrir ne respirait pas la joie et la bonne humeur.

Ainsi, la plongée dans l’album avec le titre éponyme est sombre, entourée d’une atmosphère pesante jusqu’à ce que le groupe apparaisse dans une explosion de hard rock libératrice. Comme si tout le monde avait oublié qui ils sont, Stanley prend soin de présenter KISS avec un titre énergique et bien construit, nous emmenant dans un show aussi intriguant qu’il a l’air jouissif. La partie centrale de Psycho Circus évoque particulièrement bien cette ambiance, les guitares lead introduisant un spectacle prometteur. Elles finissent par laisser leur place au frontman dans un rôle de présentateur, avant que le morceau se termine en apothéose avec son refrain.

L’ambiance un peu lourde se confirme sur Within, titre accordé plus bas avec ses couplets poisseux, comme nageant dans une boue noire. Le morceau est plus proche du metal que du hard rock, contrairement aux deux suivants. I pledge Allegiance To The State Of Rock And Roll et Into The Void rappellent le KISS “classique”, énergique et plus débridé dans l’esprit que celui qui s’était formaté pour les radios dans les années 80. Si elle peut sonner un peu lambda aujourd’hui, cette paire de titres n’en demeure pas moins très plaisante à l’écoute. En parlant de “classique”, We Are One est une ballade typique du quatuor avec ses couplets à la guitare acoustique et ses refrains plus puissants grâce à la distorsion de ses six-cordes. On retrouve même les tambourins et les chœurs qui feront le sel des titres de rock FM à la Nickelback des années 2000.

L'ouverture de la seconde face, You Wanted The Best, innove au contraire en faisant chanter les quatre membres sur un même morceau, chose qui n'avait jamais été faite jusqu'à présent. Ce deuxième versant confirme le côté plus “ténébreux” du groupe, Raise Your Glasses, Dreamin’ et Journey Of 1,000 Years jouant sur un registre plus triste qu’habituellement. Seule I Finally Found My Way sort de ce carcan, mais ce n’est hélas qu’une redite peu inspirée du grand succès du groupe Beth, allant jusqu’à reprendre Peter Criss au chant pour lui ressembler. Le côté plus mélancolique reste bien utilisé dans les compositions, qui bien qu’ayant une structure vue et revue, gardent une dynamique leur apportant un bel éclat. Le morceau final de Psycho Circus se révèle ainsi être une belle parade de clôture où le groupe tire le rideau de son spectacle.

On pourrait ainsi se dire qu'on a affaire à un disque de bonne facture sans être exceptionnel. Mais dans les coulisses, ce cirque a eu son lot de controverses, ajoutant une dose de sel et une histoire le démarquant des autres créations du groupe. Car si KISS a bien essayé de soigner les apparences en parlant d’union ou de réunion au long des paroles de l’album (We Are One, Raise Your Glasses), le fait est que les contributions de Frehley et Criss sont anecdotiques sur Psycho Circus. Les deux musiciens ne jouent sur presque aucune piste et n’ont que très peu participé à la composition.

D’après Ace, seule Into The Void a été enregistrée par les quatre membres derrière les instruments. Ce sont surtout Stanley, Simmons et les musiciens de session Holly Knight, Curt Cuomo et Tommy Thayer qui écriront les partitions et les joueront. Ce dernier finira d'ailleurs par remplacer Frehley dans le line-up du groupe. D’après le “Starchild”, le groupe n’en était pas vraiment un et était loin d’être fonctionnel. Les paroles de You Wanted The Best, écrites par le bassiste et voulant notamment traduire les tensions passées entre les musiciens, collent hélas de trop près au déroulement de la production de l'album. Avec un peu de recul, beaucoup de paroles deviennent criantes d'ironie lorsqu'on a connaissance du contexte d'enregistrement, la sortie étant notamment vendue comme une réunion qui n'a jamais eu lieu.

"'cause there is a fine line between the truth and how we want it to be" [Dreamin']

"Everything's gotten way out of hand but your wish is our command" [You Wanted The Best]

"We pushed it all, beyond the limit / We took our chances, and we jumped right in it" [Raise Your Glasses]

Psycho Circus est une œuvre hybride entre le hard rock et le metal, regroupant ce que le quatuor a eu l'occasion de composer jusque-là. La réception fut mitigée à l'époque, certains heureux de retrouver les sonorités 70's du groupe quand d'autres étaient déçus de ne rien avoir de vraiment nouveau à se mettre entre les oreilles. N'ayant pas découvert l'album en connaissant ce qui le précédait, il est selon moi un très bon disque de rock, sachant alterner avec justesse entre morceaux énergiques, ballades reposantes (parfois mièvres) et des pistes plus sombres.

Le contexte d'écoute joue pour beaucoup dans la réception de Psycho Circus, mais malgré tous les problèmes l'entourant, l’album n’est pas mauvais. Les refrains sont accrocheurs, les paroles bien écrites, tout comme les soli et l’ensemble est très fluide à l’écoute. Mieux produite que les précédentes, cette sortie de KISS n’est pas pour autant novatrice, se basant sur des structures et thèmes déjà entendus sans apporter quelque chose de neuf : le côté heavy a déjà été exploré sur Revenge et celui du hard rock / glam l’a été bien avant. La thématique du cirque se ressent peu, hormis pendant l’introduction et la conclusion de l’album mais pose néanmoins une petite touche lui permettant de légèrement se démarquer.

Il n'appartient qu'à vous de décider si ce qui s'est passé derrière les rideaux ternit le spectacle que cette troupe vous a offert.

FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
ClartéL'album est superbement produit, le son est de velour et vous donne envie de jouir, 5 sur 5. Si au contraire, l'album est produit avec des jouets toys'r'us; et donne envie à vos oreilles de saigner de s'autoflageller avec un port jack de 1.5m, alors 1 sur 5
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

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KISS
"Psycho Circus"