Klone - Meanwhile

Quand les nuages s'épaississent

Depuis la sortie de Black Days en 2010, Klone est devenu l’un des groupes les plus importants de la sphère progressive française. D’album en album, leur son ne cesse d’évoluer, semblant s’apaiser de plus en plus, jusqu’à la sortie du Grand Voyage en 2019, point culminant de cette démarche, nous proposant un aboutissement artistique complet. Annoncé comme un retour à plus de lourdeur et d’agressivité, que doit-on attendre de Meanwhile ? Un retour aux sources ou plutôt un départ vers une nouvelle direction ?

Les premières choses qui viennent frapper nos oreilles à l’écoute de ce nouveau cru est, comme attendu, la distorsion dans le son des cordes, mais surtout la grande qualité de la production offerte par le flambant-neuf studio Dark Side. Déjà d’une très grande propreté sur les derniers albums, le son de Klone a encore passé un cap en termes de clarté. Et il fallait bien ça pour sublimer les compositions faisant la part belle aux évolutions aériennes du groupe, maintenant appesanties par l’amplification des guitares.

L' épaisseur du son se fait non seulement ressentir dans la saturation apportée sur les instruments mais aussi dans la composition de certains riffs. Il se dégage quelque chose de plus martial qu’à l’accoutumée sur des pistes comme The Unknown ou Disobedience, notamment grâce à la batterie. Cette dernière pousse l'idée jusqu’à singer le retentissement de sirènes d’alarme à l’aide de synthétiseurs, amplifiant un sentiment d'urgence . On obtient ainsi comme un climat d’oppression sur ces deux titres.

KLONE - US TOUR-25 1350x900 De gauche à droite : Enzo Alfano, Yann Ligner, Guillaume Bernard, Morgan Berthet et Aldrick Guadagnino @Crédit photo : Léo Margarit

La direction plus aérienne prise par les Poitevins depuis Here Comes the Sun et Le Grand Voyage nous ayant conquis, les premières interviews indiquant un retour à un son plus lourd et brut ont surtout sollicité de l'appréhension à l’approche du nouvel opus. Lancé en éclaireur, Within Reach ne nous avait d’ailleurs que peu convaincus de prime abord, sa conclusion laissant un arrière-goût d'inachevé. Néanmoins, cette lacune se trouve comblée dans le contexte de l’album. Positionné en tête de gondole, le morceau est une formidable ouverture et sa conclusion effilée introduit à merveille les pistes qui suivent.

Le reste de nos craintes s’est, par la suite, bien vite dissipé après avoir découvert les morceaux Night And Day et Bystander en live, ce dernier ayant été dévoilé peu après en tant que second single promotionnel. A l’instar de Silver Gate sur l’album précédent, elle est une ode à aller de l’avant lors de périodes difficiles. Seulement, là où la conclusion du Grand Voyage présentait le cours de la vie comme un éternel recommencement, Bystander prend le contrepied de ce point de vue en posant la mort comme un destin qu’il est inutile de craindre puisqu'elle est un événement inéluctable pour tout individu. Si les couplets peuvent paraître légers, les paroles, elles, sont teintées de mélancolie et trouvent un aboutissement déchirant dans les refrains. L’ironie tragique de la vie a voulu que le titre soit dévoilé le jour où un des rédacteurs de cet article perdit un proche, laissant les paroles du refrain prendre une résonance toute particulière en ces temps troublés.

All the tears will do nothing
If we can’t run away from time
We're not ready to forget what you gave us
It's engraved in the sky
All the tears will do nothing
we're the passengers of this time
We're not ready to forget what you gave us
Are we ready to go on since you left us ?

Habitué des compositions de Klone, le saxophone de Mathieu Metzger s’infuse à nouveau dans ce nouvel opus. Présent uniquement dans la conclusion d’Indelible sur le précédent album (dans une envolée qui lui laisse cependant toute la lumière), le bois est incorporé de façon plus homogène sur Meanwhile. Faisant son apparition dès la seconde piste, Blink of an Eye, l’instrument vient régulièrement caresser nos tympans jusqu’à la conclusion du disque. S’il conserve sa place sur le devant de la scène lors des chaotiques et jazzy fermetures de The Unknown et de la chanson-titre, on le retrouve aussi en retrait pour sublimer les refrains de Bystander et d’Elusive. Il fournit également à cette dernière une très belle entrée en matière nébuleuse et céleste à l'aide des vibrations de ses notes graves.

Elusive vient d’ailleurs s’imposer comme le passage le plus majestueux du disque. Les guitares marquent un riff martial mais au son harmonisé donnant un sentiment de grandeur aérienne. Yann Ligner vient signer ici sa meilleure performance vocale au sein de la formation en poussant sa voix sur de longues nappes grandioses et jouissives. Un titre central donc, venant énormément nous rappeler Nebulous sur Here Comes The Sun, mais en plus massif et saupoudré de saxophone, pour notre plus grand plaisir.

Malgré un retour à l’agressivité sur l’ensemble de Meanwhile, on y retrouve certains des aspects les plus progressifs et atmosphériques de la musique de Klone sur des titres comme Blink Of An Eye par exemple, mais surtout Apnea. Piste la plus aérienne de l’album se plaçant juste après Elusive et juste avant l’ardente The Unknown, c’est une véritable respiration que nous offrent ici les Poitevins, son introduction nous ramenant immédiatement à la douceur du Grand Voyage. Chacune des notes enveloppent l’auditeur dans un cocon sonore. On s’y sent bien à son écoute, notamment grâce à sa production soyeuse. De légères envolées de basse et de batterie y sont présentes, accompagnées des riffs doux et délicats des deux guitaristes. Un des temps forts du disque, à n’en point douter.

Pour conclure l’album, les Poitevins ont décidé de terminer sur une apothéose chaotique avec la chanson éponyme. Elle fait la parfaite synthèse avec les deux précédents dénouements, The Last Experience et Silver Gate : on retrouve le final fiévreux de la première tout en conservant la lueur d’espoir de la seconde dans une approche plus frontale.

Grâce à son excellente production, chacun des morceaux s’enchaine de façon fluide et logique. En ressort un disque homogène mais efficace. Certes, certains passages passent plus inaperçus comme Disobedience ou Scarcity, mais on y retrouve aussi des refrains fédérateurs à souhait, notamment ceux de Bystander ou Night And Day qui seront, sans l'ombre d'un doute, les futurs moments clés des concerts à venir.

L’album n’est pas complètement un retour aux sources, mais plutôt une continuité de la direction plus calme prise par le projet, enrichie de l’aspect costaud époque The Dreamer’s Hideaway/Black Days. Malgré un retour à une ambiance plus féroce à l’instar de sa belle pochette, Meanwhile se tient parfaitement dans le prolongement des travaux les plus récents de Klone. Nonobstant la qualité de ces derniers, il aurait été décevant de se retrouver avec un Grand Voyage bis. Mais cessons de regarder vers le passé, car pendant ce temps, le groupe nous propose une superbe synthèse de leur discographie où chacun pourra y trouver son compte.

MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
ClartéL'album est superbement produit, le son est de velour et vous donne envie de jouir, 5 sur 5. Si au contraire, l'album est produit avec des jouets toys'r'us; et donne envie à vos oreilles de saigner de s'autoflageller avec un port jack de 1.5m, alors 1 sur 5
FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
DélicatesseIndice de la douceur de l'album. 1/5 : l'album est assez sec. 5/5 : l'album est un champ de coton
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
Bouteilles de plongée

Klone - Meanwhile cover
Klone
"Meanwhile"