Knower - Life

Knower rules

C’est presque un réflexe qui m’amène aujourd’hui à vous écrire. Une sensation souvent fugace que vous connaissez, vous qui écoutez de la musique. Celle qui vous fait littéralement frissonner, procure ce plaisir alchimique de sentir en vous vos synapses éclater de plaisir. Quand vous tombez ou retombez sur une piste, une petite boucle de 5 secondes, ou sur un morceau complet vous plongeant dans cet état, aucun mot ne saurait lui rendre justice. Pas une image, pas un seul verbe du monde ne pourrait donner une représentation honorable de ce pur bonheur qu’il y a lorsqu’on entre dans ces moments que seule la musique peut procurer. Cela dit, depuis trop longtemps je rechigne à exprimer ce plaisir simple. Ce plaisir immédiat que l’album Life du groupe KNOWER aide à atteindre à répétition.

Life est un missile qui contient un beau bazar. Il remue, avec sa basse funk et ses petites errances risquées lui conférant une saveur délicieuse. Il se donne un volume monumental avec des synthétiseurs aux sonorités dorées et réverbérées. Il vibre avec des accords aux progressions somptueuses. Il explose avec sa rythmique extrêmement impactante et habile. Puis souvent, il fait tout cela en même temps. Il aime nous provoquer par son aspect complètement cru. Il nous sourit en nous tendant un caramel empoisonné d’un plaisir très brut. Il sait pertinemment que son invitation hédoniste à se vautrer au milieu de ces accords monstrueux sur Overtime, The Government Knows, Die Right Now est irrésistible. Au fond c’est si "con" , pourtant, c’est si bon. Mais est-ce vraiment péjoratif ? Non, car c’est précisément ça qui lui donne sa beauté. Il donne à sa "connerie" la grandeur et l’énergie des plus grandes célébrations.

knower-picture-1-_-photo-by-richard-thompson_-2017.jpg Louis Cole & Genevieve Artadi - de droite à gauche, photographie par Richard Thompson

C'est un grand coup de poing dans les zones de la caboche qui gèrent notre plaisir. Une caboche qui comme prévu en redemande. Le chant de Genevieve Artadi trouve des accroches pernicieuses dans notre tête avec une grande aisance. Elle et Louis Cole nous ont fourni un bonbon fondant qui colle, non pas aux dents, mais au crâne. Ici, ce fameux caramel qui d’ordinaire laisserait une sensation éphémère, a été rendu plus puissant et laisse un goût plus tenace. Il laisse entrevoir une forme de subtilité. Il délivre tout à un dosage de 110 % tout en procurant à ses morceaux la science de ses créateurs. Il est bardé d’idées assez novatrices sur la façon d’inclure du jazz, de la funk et de la pop ensemble. Cette avalanche de tubes à la fois dansants, énervés et suaves est le résultat d'une rencontre entre un jazz hyper-impactant et groovy, des attaques sonores dignes d'un Justice des débuts le tout mêlé à une nouvelle sorte de funk-pop.

C’est écrit jazz plus haut. Un genre qu'on pourrait associer trivialement à leur musique, étant donné qu'ils ont tous deux étudié ce style à l'université, mais qui ici n'est pas forcément un aspect proéminent de celle-ci. Pourtant ces morceaux transpirent d’une envie qui ressemble à celles qui traversent souvent ce style. Celles d’envoyer balader les ambiances sans risque. De donner du sel aux recettes connues qui balancent des sucreries juste pour qu’elles soient oubliées aussitôt consommées. On l’entend, seconde après seconde, attendre le bon moment pour tout retourner. Une fois l’instant venu cependant, il n’hésite pas. Il peut tout envoyer valdinguer en un clin d'œil.

C'est là tout l’art de ces musiciens : ils le font au moment parfait. L'oreille rythmique de Louis Cole ne le laisse pas tomber quand il s’agit de nous détruire avec ses idées extrêmes, limite électro. Son penchant pour l'harmonie complimente très bien cette qualité pour parfois fournir des moments d’une intensité lumineuse éblouissante. Il allie par exemple sur All time ou Die Right Now la frappe tonique de ses fûts à des idées mélodiques sublimes. Des moments qui savent faire surgir des ténèbres nocturnes un éclat céleste. Précisément ces moments indescriptibles qui nous donnent tellement à ressentir en si peu de secondes.

Vous qui sentez que vous pourriez ajouter une nouvelle découverte à votre parcours, qui avez l’envie d’un changement de perspective musicale. Vous qui cherchez un album qui décape toujours autant qu'à sa sortie plusieurs années après. Vous qui avez envie d’une musique produite avec soin dans son envie extrême de plaisir parfois sensuel, parfois barré, parfois sale, parfois pur. Je vous somme dès maintenant de fuir cette chronique qui ne saura pas vous transmettre tout ce plaisir (et comment le pourrait-elle ?). Plongez-vous maintenant dans Life de KNOWER. Entendez ces accords claquer dans l’espace. Écoutez Genevieve Artadi vous tenter dans ces plaisirs éphémères. Laissez-vous tomber pour mieux vous faire rappeler à l’ordre par Louis Cole et sa frappe précise ainsi que les harmonies mélancoliques, qui vous rappelleront que tout cela n’est qu'une folie, une folie douce, une folie délicieuse.

MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
DérisionA quel point l'album inspire la galéjade et le rire, à dessein ou non 1/5 : Mouais. Pas envie de rigoler 5/5 : L'album vous fait extrêmement rire
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
Bouteilles de plongée

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KNOWER
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