Au milieu d'albums anodins se trouvent parfois des chansons à la qualité indéniable, trésors sous-marins dont les oreilles attentionnées entendent l'appel. En d'autres occasions, ces perles sont des singles perdus au fond de l'immense océan musical, lâchées discrètement par des artistes inconnus du grand public. Tout comme nos Passages surlignent des instants impactant d'un titre, cette chronique veut faire remonter à la surface ces morceaux à côté desquels on serait passé. Et nous savons que la Prise du jour sera bonne.
Le glam est un sous-genre du metal mal vu par un bon nombre d'amateurs du style. Comme le nü-metal allait le savoir deux décennies après lui, le genre de prédilection de KISS, Mötley Crüe ou encore Twisted Sister a quelques codes qui ne passent pas facilement pour le public. On pense notamment au style vestimentaire et aux maquillages exubérants qui en ont rebuté plus d'un à leur époque.
Genre prédominant dans les 80's, où il s'est fait une belle place dans les radios et les charts avec le hard rock FM, il est vite retombé, laissant son trône au grunge au tournant des années 90. Arrive le groupe dont il est aujourd'hui question, FireHouse, qui a eu la bonne idée de débuter pile à ce moment-là, avec en bonus une pochette au goût plus que discutable. Son premier album, éponyme, est sorti en septembre 1990. Au milieu de ses 12 titres, bons sans pour autant être remarquables, on trouve Overnight Sensation. En dixième position, le morceau n'a pas figuré parmi les singles de promotion du disque. Pourtant, à la faveur d'une apparition dans Brütal Legend, il a retrouvé un second souffle, et pour une bonne raison : Overnight Sensation est LE morceau de glam ultime.
Ce titre est un condensé de glam, reprenant tous les codes de compositions sans tomber dans le cliché, pour au final en sortir un résultat à l'efficacité indéniable. Au niveau structurel, la formule est respectée à la lettre : Introduction / Couplet / Pré-refrain / Refrain / Couplet / Pré-refrain / Refrain / Solo / Refrain final / Outro.
FireHouse ne sort pas du cadre, respectant le quatuor classique du genre avec guitare, basse, batterie et chant et prenant un tempo entrainant. Quant à la composition, on suit une suite classique d'accords. Si la description vous laisse entrevoir un titre lambda sans aspérité, vous êtes loin de la vérité.
Cela tient notamment grâce à une intro redoutable : Overnight Sensation s'ouvre sur un simple mais excellent riff d'accroche de Bill Leverty, qui laisse deviner une suite explosive et fait monter les attentes des auditeurs. Et explosion il y a, le chanteur C.J. Snare débarquant en même temps que la basse et la batterie avec un cri aussi long que renversant. Le ton est donné et le morceau lancé.
Le couplet est tout aussi prenant : l'alternance entre down-picking et power chords de Leverty supporte admirablement un C.J. nous affirmant que tout est possible pour nous, que nous pouvons nous aussi être la star d'un soir. Et malgré des vers à la frontière du cliché, les paroles fonctionnent avec une efficacité surprenante, le guitariste secondant par moments le vocaliste pour nous faire chanter avec eux.
Plus subtils, les arpèges du pré-refrain et les voix doublées nous préparent pour un refrain accrocheur qui sera scandé par un public en fusion. Le momentum ne se perd pas sur les seconds couplets, pré-refrains et refrains, notamment grâce à un pont entre le refrain et le deuxième couplet maintenant la tension avec brio.
Arrive alors la section du solo de guitare, classique pour un morceau de glam, amenée par une envolée lyrique de C.J. Snare. Et que dire si ce n'est que Leverty est un musicien talentueux, que ce soit dans la technique ou la construction d'un solo ? Le guitariste étale toute sa classe en passant en revue un bon nombre de techniques variées sans que cela soit du lustrage de manche, gardant une belle mélodicité et préservant l'énergie du titre, jusqu'à la transition vers le refrain final. Là, il glisse de solides leads derrière pendant que le groupe chante à l'unisson, terminant sur un outro encore une fois bien composé : le ton monte brièvement avant que tout redescende et conclut proprement Overnight Sensation.
FireHouse fait ici preuve d'une incroyable maîtrise des codes du glam, jouant un metal vivifiant et irréprochable. L'extrait live du titre au Japon 1991 ci-dessous le corrobore, le groupe faisant preuve d'une prestance scénique n'ayant rien à envier aux plus grands noms du genre. Lightshow typique des 80's, adresse au public, musiciens intenables allant jusqu'à se taper des check entre deux courses, tout y est. L'énergie que dégage le morceau est diablement stimulante, que ce soit en studio ou en live.
On se laisse emporter avec une aise déconcertante par un titre aussi communicatif que plaisant qui aurait pu lancer une incroyable carrière s'il était sorti une décennie plus tôt. Malheureusement, il a connu le jour en 1991, en pleine perte de vitesse du glam. Si FireHouse a connu un succès dont les membres n'ont franchement pas à avoir honte, on peut regretter qu'un tel morceau n'ait eu le droit à une plus grande exposition. Une erreur fâcheuse à laquelle cet article aura essayé de remédier.