La Prise #12 - Strapping Young Lad - We Ride

Violence + vitesse + agressivité = virée diabolique

Au milieu d'albums anodins se trouvent parfois des chansons à la qualité indéniable, trésors sous-marins dont les oreilles attentionnées entendent l'appel. En d'autres occasions, ces perles sont des singles perdus au fond de l'immense océan musical, lâchées discrètement par des artistes inconnus du grand public. Tout comme nos Passages surlignent des instants impactant d'un titre, cette chronique veut faire remonter à la surface ces morceaux à côté desquels on serait passé. Et nous savons que la Prise du jour sera bonne.

“Pas le temps de t’expliquer, monte dans la voiture ! Ce soir, on part sur l’autoroute de la désinhibition !” Ceci pourrait être un résumé succinct mais concis de We Ride de Strapping Young Lad. N’ayant que très peu de temps avant de vous embarquer, voici un petit résumé de la situation : nous sommes en 2005, et on vient de se faire attraper le col par un Devin Townsend ne prenant plus de calmants et laissant le contrôle à ses instincts les plus rageurs et violents. Et il a eu la bonne idée de poser tout ceci sur un album, Alien, dont We Ride est extrait, en plein milieu. Fin du contexte.

Cette intro est trop longue, comparée à celle de We Ride, qui n’en a tout simplement pas. Vous êtes balancés sans ménagement sur un dragster lancé à 190 BPM avec un moteur nommé Gene Hoglan martelant les pistons de sa double pédale inarrêtable. Les guitares sont au volant avec un riff aussi rapide que débridé et la basse les accompagne dans ce manège infernal. À la direction, Devin hurle les commandes vers la destruction. C'est parti pour 2 minutes et 40 secondes sans répit sur l'autoroute des enfers.

Deux soli absolument dévergondés ponctuent le titre, suivis d’un dialogue aussi absurde qu’hilarant, notamment avec un “I’M NOT YELLING” hurlé. Ce couplet est conclu d’un sublime “PUT IT IN GEAR MOTHERFUCKER !”, avant de terminer le titre avec un dernier refrain annihilateur, comme si vous sortiez d’un dérapage non contrôlé et qu’il fallait immédiatement repartir sur cette voie démentielle.

Devin-Twownsend-2005 Est-ce que ce visage exprime la retenue et la maîtrise de soi ?

Et vous êtes là, dans le siège passager, sans ceinture. Ce bolide fonce droit devant, à toute berzingue, vers un objectif sans importance. Avez-vous peur ? Ou au contraire, vous laissez-vous happer par cette énergie incontrôlable ? En réalité, ce qui importe, c’est de passer la tête par la fenêtre, de se prendre le vent en pleine tronche et de tout lâcher.

Car We Ride, c’est ça : une ode au lâcher-prise, un hymne à la désinhibition la plus totale, une virée folle vers l’affranchissement de toute bienséance. Il n’y a pas de question à se poser (vous n’auriez pas le temps de toute façon), sa vitesse vous entraîne avec elle. Son agressivité est un boost de nitro, sa rage un turbo décompressé et sa folie furieuse une essence qui vous satellise vers une délivrance salvatrice. Je pourrais encore forcer les allégories, taper des mots clés associés à la démesure et à l'insanité, mais je pense en avoir assez dit pour que vous soyez tenté.

Pourtant, We Ride ne fait pas partie des morceaux les plus renommés de Strapping Young Lad. C’est un regret pour ma part, chaque écoute du titre étant un jouissif instant où j’arrête tout et évacue toutes mes frustrations. Et les 160 secondes du morceau sont largement suffisantes pour tout sortir tant il est efficace.

Ride on !