La Prise #5 - Space Art - Watch It

Là bas, dans les étoiles.

Au milieu d'albums anodins se trouvent parfois des chansons à la qualité indéniable, trésors sous-marins dont les oreilles attentionnées entendent l'appel. En d'autres occasions, ces perles sont des singles perdus au fond de l'immense océan musical, lâchées discrètement par des artistes inconnus du grand public. Tout comme nos Passages surlignent des instants impactant d'un titre, cette chronique veut faire remonter à la surface ces morceaux à côté desquels on serait passé. Et nous savons que la Prise du jour sera bonne.

Imaginez une rave-party dans le champ du Glaude et du Bombé, avec la soucoupe de la Denrée qui se pose en plein milieu d’une nuit aux mille étoiles. C’est le genre de sensations que peut procurer la première écoute de Watch It du duo Space Art. Un trip rétro-futuriste, où les astronautes ont des tenues cheaps et colorées et où les synthétiseurs servent de propulseurs intergalactiques, à la croisée entre le Space de Didier Marouani et les Daft Punk.

Si vous aimez le son si caractéristique du Moog ou du ARP Odyssey, synthétiseurs phares des années 70/80, vous serez servis. Nous faisons face à des sons très datés et ancrés dans leur époque, comme "pouik", "pouak" et "pshit", mais c’est un vrai retour vers le futur de poser ses oreilles sur ces sonorités. Un futur du passé où la dystopie ne prenait pas autant de place, où l'on faisait la part belle à l'exploration spatiale et où des espèces extra-terrestres inconnues peuplaient des planètes aux couleurs criardes. Une balade entre une pochette de Yes et la Guerre des Étoiles en bon français.

Car oui, Space Art nous vient de la France de la fin des années 1970. Projet instrumental mené par les pionniers Dominique Perrier et Roger Rizzitelli, le duo connaîtra son heure de gloire entre 1977 et 1980 en vendant des millions d’albums à travers le monde. Les deux comparses sont d'ailleurs des hommes de l’ombre pour Christophe et Jean-Michel Jarre. Nul doute que leur talent de producteurs et de musiciens a contribué à l'essor de ces deux monstres de la musique française. Mais c’est une autre histoire que nous vous raconterons peut-être un jour sur Soundbather.

Perrier et Ritzelli Dominique Perrier et Roger Rizzitelli en studio en 1977 | DR

Concentrons-nous donc sur ce fameux Watch It : cette épopée mystérieuse qui nous trimballe dans les nébuleuses du fin fond de la galaxie. Si vous écoutez ce morceau, il est à parier que sa petite mélodie synthétique s'imprimera dans votre crâne jusqu’à la transformer en une vieille carte mère (cliquez sur la vidéo juste en dessous vous ne le regretterez pas). Un son précurseur et percutant qui nous invite à venir taper du pied dans une soirée qui n’existe pas encore. Cette mélodie revient sans cesse tout au long du morceau et nous attrape à chaque fois pour nous rappeler que le voyage ne se fera pas sans elle.

Le morceau finit par s’envoler et s’accroche à la batterie de Rizzitelli comme à un métronome qui servirait de radar à travers ces nappes analogiques. Bien évidemment, Watch It n’est pas de première fraîcheur et ces sonorités peuvent en rebuter plus d’un·e. Mais avouez que ça fait un bien fou d’écouter une production qui prend le temps de respirer et qui titille notre imaginaire. Ni boursouflé, ni m’as-tu-vu, ce morceau est un vent d’air frais, malgré la poussière qu’il a amassé aux entournures.

Il nous semblait important de remettre aujourd’hui en lumière cette vague de musicien·ne·s de studios de la deuxième moitié des années 70. De ces pionnier·e·s de la musique électronique et de l’illustration sonore. De ces Marc Cerrone, de ces Raymond Lefebvre, de ces Jean-Pierre Decerf et de tout.es celles et ceux que nous ne pouvons pas citer tant la liste est longue. Sans ces producteurs·trices, sans ces passionné.es de synthétiseurs, rien ne nous garantit que nous aurions pu profiter des balades enivrantes de Air, du vertige psychédélique des australiens de Midnight Juggernauts ou bien, mettons les pieds dans le plat, du raz de marée Daft Punk.

L’histoire de la musique est faite de petits bouts de synthétiseurs, de guitares mal accordées, d’improvisations et d'accidents. De toutes ces choses qui nous poussent à vouloir découvrir de nouveaux horizons.

Oh tiens, vous entendez ? Mais si, cette petite mélodie qui flotte dans le cosmos. Allons voir ensemble de quoi il en retourne.

PsychédélismeIndice sur le côté psyché de l'album. 1/5 : On est dans le concret, le dur. 5/5 : vous voyez des couleurs défiler devant vos yeux et la musique vous propose un voyage initiatique en vous-même
ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
Consigne du maître nageur :
Scaphandre
Scaphandre

space art - trip in the center head
Space Art
"Trip In The Center Head"