Au milieu d'albums anodins se trouvent parfois des chansons à la qualité indéniable, trésors sous-marins dont les oreilles attentionnées entendent l'appel. En d'autres occasions, ces perles sont des singles perdus au fond de l'immense océan musical, lâchées discrètement par des artistes inconnus du grand public. Tout comme nos Passages surlignent des instants impactant d'un titre, cette chronique veut faire remonter à la surface ces morceaux à côté desquels on serait passé. Et nous savons que la Prise du jour sera bonne.
Comme souvent pour mes articles, nous allons devoir retourner sur internet, plus précisément sur YouTube, au début des années 2010. Le site est en pleine explosion et en plus des top 10, un autre phénomène se fait une place dans les recommandations : les reprises musicales. Alambiquées, ingénieuses ou fidèles, ces réinventions font émerger des talents (Rob Scallon, Sarah Longfield, etc...) et font souvent le buzz pour les meilleures d'entre elles.
Au milieu de cette effervescence, l'Australian Institute of Music (AIM), via sa chaîne Youtube, nous fait découvrir un jeune talentueux dont le matériel se résume à une guitare acoustique et un micro. De son nom Sam Westphalen, le musicien interprète avec ces deux éléments des titres phares de la scène rock metal. KISS, Tool, Dream Theater ou encore Slayer passent sous ses doigts et sans perdre leur esprit originel, trouvent un renouveau avec Sam. L'aspect légèrement comique, du fait du décalage entre le son sobre de la guitare acoustique et celui de l'enregistrement studio, attire un public nombreux devant les vidéos, qui constate par la même occasion que ce musicien est exceptionnellement doué pour manier son instrument.
À la manière de Kaki King, Sam joue de la guitare percussive, ne se contentant pas de reproduire les notes sur sa guitare, mais plaçant un rythme en frappant à des endroits bien précis sur sa six-cordes. Le style nécessite une dextérité folle et le rendu impressionnant va lui obtenir une petite place sur le site de partage de vidéos. Mais ce ne sont pas ses reprises qui nous intéressent ici, plutôt ses œuvres originales. Car en plus des covers qui ont fait son succès, l'AIM va offrir à Sam un espace d'expression en lui permettant de partager quelques morceaux qu'il a composés. Et s'ils sont loin du nombre de vues des reprises, ses titres n'ont absolument pas à rougir de la comparaison. Le meilleur exemple est sûrement celui dont il est ici question : Mannequins In Surry Hills.
Publiée le 8 août 2013, cette chanson n'est - à ma connaissance - disponible que sur YouTube et compte à ce jour 14 000 vues, loin du million qu'ont atteint les covers. Elle est pourtant si belle.
Dans ses paroles, Mannequins In Surry Hills évoque le quartier commerçant de Surry Hills à Sydney et imagine une vie aux poupées grandeur nature servant de présentoirs pour les magasins de vêtements peuplant la zone. Une idée cadrant bien avec l'imaginaire loufoque et comique de l'artiste. Un aspect s'opposant à celui de sa manipulation de son instrument, l'Australien faisant preuve d'une composition technique et savante. Pourtant, cela ne l'empêche pas d'être captivant au premier abord par ses paroles et ses mélodies, tout en étant impressionnant quand on se penche sur sa composition.
S'il fallait retenir une accroche, c'est sans doute ce pont à 1:06 dont la beauté épate à chaque écoute. Douce, aérienne, avec les notes qui se répondent à la perfection : cette section éblouit, la transition vers le refrain qui suit étant d’une transparence ahurissante. Refrain qui, en plus d’être envoûtant, met en valeur le talent de Sam, jouant une partition grandiose tout en chantant.
En plus de manifester la créativité et le talent de Sam Westphalen, ce titre possède des paroles qui, non contentes d'être humoristiques, sont bien écrites, sans même parler de l'incroyable partition de la guitare acoustique. Les calmes couplets sont contrastés par un refrain tendu et plus rapide, les deux alternant de façon à captiver de manière sûre l'auditeur.
Si Sam se demande ce que les mannequins se poseraient comme questions existentielles s'ils étaient sentients, je me demande pour ma part si ce morceau ne mériterait pas plus d'attention et de succès. Car le fait que Mannequins In Surry Hills ne soit disponible que sur une seule plateforme, et avec des jingles avant et après le titre est honnêtement triste. L’Australien n’a jamais cessé de créer et composer, et ses œuvres méritent que vous y jetiez une oreille. Et pour cela, le meilleur moyen est de découvrir sa chaîne Youtube et sa page Bandcamp.