Le Passage #04 - Plini - Pan

Jouissive surprise

Au fil de nos écoutes, certains albums et certaines pistes parviennent à capter notre attention. Des morceaux qui reviennent régulièrement dans nos playlists, nos oreilles, pour combler les moments creux ou tout simplement nous faire du bien. Dans Le Passage, nous revenons sur ces chansons qui rentrent dans notre panthéon, grâce à une partie qui les fait surnager au-dessus des autres.

Parler sans utiliser ses cordes vocales est un art délicat. Plini en utilise donc six, ici en acier, pour s'exprimer et chercher à nous atteindre. Guitariste de metal progressif assurément talentueux, il est capable de jouer une multitude de styles (jazz, shred, etc.), les incorporant à chaque fois dans son univers musical.

Artiste de chambre (puisque c'est là qu'il a débuté) et ayant connu le succès sur internet, l'Australien a sorti plusieurs EP avant de sortir deux albums, Handmade Cities (en 2016) et Impulse Voices (en 2020). Si le premier m'avait totalement emmené avec lui, le second m’avait laissé sur ma faim, la majorité des morceaux ne me touchant peu ou pas. À l’exception de Papelillo et peut-être I’ll Tell You Someday, les titres ne m’avaient pas atteint, restant appréciables sans pour autant être excitants. C’était sans compter sur Pan, qui vaut à elle seule une écoute du disque.

Titre à la structure plutôt conventionnelle pour du Plini, le morceau alterne entre un refrain où le musicien s'amuse à varier autour d'un riff efficace et des couplets où il place des soli par-dessus une base rythmique pleine de syncopes et de contre-temps. La seconde moitié de Pan est sublime, avec un saxophone d'abord doux et langoureux avant qu'il n'explose avec le reste des instruments pour le final du morceau. À ce moment, la base rythmique joue toujours le riff du refrain, alors que Plini prend la relève du saxophone avec un solo de six cordes aussi beau que technique. Ce passage semble être marquant pour beaucoup des fans de l'artiste, et j'aurais pu en faire le sujet de cette chronique vu son efficacité.

La descente

Mais bien que jouissif, pour moi ce passage n'est rien comparé aux 40 secondes qui le suivent et clôturent Pan à partir de 4:53. Alors qu'on croit avoir atteint le sommet avec les deux soli venant de s'enchaîner, chacun poussant l'exaltation et exprimant à leur manière la joie ou le bonheur, Plini va nous prendre par surprise en nous offrant une quatrième variation du riff principal qui va cette fois-ci descendre plus bas qu'auparavant (en atteignant un beau Ré si vous êtes curieux).

Et ce changement fait tout : la puissance qu’il dégage, ce qu’il exprime, tout me renverse. Une splendide mélodie est jouée dans le même temps avec un ensemble de guitares, cordes et xylophone (de ce que j’entends). Une formule “classique” pour le musicien qui a utilisé avec brio cette orchestration sur son album et ses EP précédents. Cet arrangement a pour effet de donner une sensation féérique, comme si la mélodie était tirée de la bande son d'un film Disney, qui n’en devient que plus impactante. Cette ligne, associée à la descente imprévue du riff avec laquelle elle contracte, m’envoie au septième ciel musical à chaque écoute de la chanson. Mais encore plus que cet ensemble, c'est vraiment cette descente de quelques tons qui me foudroie à chaque fois, l'effet de palm-mute m'écrasant par sa lourdeur inattendue, spécifiquement à 5:02 et 5:16. Ces dernières secondes me laissent à la fois satisfait à la fin du titre, mais également en demande d’une infinité de répétitions de ce passage à chaque fois trop court.

Comme quoi, il n’y a pas besoin de parler pour dire de belles choses.

Impulse_Voices
Plini
"Impulse Voices"