Au fil de nos écoutes, certains albums et certaines pistes parviennent à capter notre attention. Des morceaux qui reviennent régulièrement dans nos playlists, nos oreilles, pour combler les moments creux ou tout simplement nous faire du bien. Dans Le Passage, nous revenons sur ces chansons qui rentrent dans notre panthéon, grâce à une partie qui la fait surnager au-dessus des autres.
Se pencher sur la discographie de Rush pour ne sortir qu'un seul Passage n'est pas chose aisée. C'est d'ailleurs pour cela que ce groupe risque d'avoir plusieurs chroniques en son honneur. Néanmoins, il fallait bien attaquer quelque part. Après avoir connu un début de carrière compliqué, le trio de Toronto se fait rappeler à l'ordre par son label suite au four complet que fut Caress Of Steel (1975). Comment répondre à un album progressif qui a bidé ? En sortant, seulement sept mois après, l'un des plus grands albums de rock progressif de l'histoire avec 2112.
A partir de là, Rush ne s'arrêtera plus de grandir. Le successeur de 2112, Farewell To Kings, sera aussi une réussite tant sur le plan critique que commercial, les Canadiens réussissant à se faire connaître au-delà du continent nord-américain. Comme nous sommes dans les années 70, il est de coutume de sortir des albums dans des laps de temps très rapprochés. Ce qui fait qu'entre 1974 & 1978, le trio offrira six disques aux auditeurs du monde entier, le dernier de cette liste se nommant Hemispheres et étant l'œuvre mise à l'honneur aujourd'hui.
Seulement 4 pistes mais plus d'une demi-heure de musique, la faute à une ouverture de 18 minutes, suite du morceau de clôture de Farewell To Kings. Mais là où Rush est excellent, c'est dans sa capacité à mêler pistes complexes et progressives avec titres plus directs mais néanmoins accrocheurs. En début de face B, on se retrouve avec Circumstances, mais surtout The Trees qui sont deux chansons de qualité malheureusement éclipsées par le gros morceau final.
Du cauchemar au rêve
Pour la première piste instrumentale de sa carrière, Rush ne s'est pas simplifié la vie. La Villa Strangiato dure 9 minutes et 34 secondes pendant lesquelles l'auditeur est amené à voyager via différentes sections, récurrentes ou non. Tout est parti de l'imagination d'Alex Lifeson, le guitariste, qui a voulu retranscrire des cauchemars qui l'ont tourmenté et cette piste serait l'adaptation desdits cauchemars. Sauf qu'à travers l'esprit fou de Lifeson, l'entreprise est loin d'être de tout repos :
"We spent more time recording 'Strangiato' than the entire Fly by Night album. It was our first piece without any vocals at all. So each section had to stand up with a theme and musical structure of its own."
Ces mots sont ceux de Geddy Lee, bassiste et chanteur de Rush, ce qui pose l'immensité que fut l'enregistrement de ce morceau. Il faut dire qu'en ne l'écoutant ne serait-ce qu'une fois, on peut se rendre compte de sa complexité. Cependant, là où les Canadiens furent des esthètes dans leur genre, c'est en réussissant à rendre le compliqué écoutable. La Villa Strangiato est une piste totalement imbitable si l'on s'y attarde, pourtant, en la laissant tourner dans nos oreilles, elle reste d'une fluidité à toute épreuve.
Comme dit précédemment, La Villa Strangiato est découpée en parties, douze pour être précis. Celle qui va nous intéresser est la sixième, "The Ghost of the Aragon", qui débute à 6:10 et termine à 6:44. Et encore, ce n'est même pas cette partie entière qui est au centre de ce Passage, mais son début. De 6:10 à 6:13. Trois petites secondes de pure magie. Dans ce court intervalle, Geddy Lee nous sort un mini solo de basse des enfers tandis que Neil Peart, génial batteur, est tout en subtilité notamment au niveau de sa Charleston pour donner un petit côté jazz à ce passage. Alors que l'histoire de ce titre est fondé autour d'Alex Lifeson, ce sont les deux autres membres qui tirent leur épingle du jeu. Une représentation assez fidèle de la réalité où Lee & Peart sont souvent dans la lumière alors que Lifeson reste dans l'ombre, bien qu'il mérite des torrents de louanges.
Encore aujourd'hui, ce titre représente un mythe chez tous les amateurs de rock progressif. Pendant près de 10 minutes, Rush posera un immense classique mêlant technique folle avec groove entraînant et idées de génie. Pour couronner le tout, chaque membre aura sa place pour briller, car si cet épisode du Passage est sur le duo Lee/Peart, Alex Lifeson pose des soli sublimes tout le long de la piste. Néanmoins, à chaque écoute de La Villa Strangiato, c'est bien ce passage qui me donne le plus d'émotions. Comme quoi, on peut prendre son pied en seulement trois secondes.
Rush
"Hemispheres"
- Date de sortie : 29/10/1978
- Genre : Rock Progressif
- Origine : Canada
- Site : https://www.rush.com/