Le Passage #11 : Her Name Is Calla – Robert & Gerda

Au fil de nos écoutes, certains albums et certaines pistes parviennent à capter notre attention. Des morceaux qui reviennent régulièrement dans nos playlists, nos oreilles, pour combler les moments creux ou tout simplement nous faire du bien. Dans Le Passage, nous revenons sur ces chansons qui rentrent dans notre panthéon, grâce à une partie qui les font surnager au-dessus des autres.

Si vous vous êtes déjà baladé sur certaines chaînes YouTube spécialisées dans le Post-Rock ou sur le site du label Dunk!Records, il n’est pas impossible que vous ayez déjà vu passer le nom de Her Name Is Calla. Groupe anglais plutôt de niche mais adoré d’un certain cercle d’amateurs, il nous aura gratifié de 5 albums et de quelques EP durant toute sa carrière.

Si je parle de ce groupe au passé, c’est qu'à l’heure où je vous écris ces lignes, Her Name Is Calla a cessé d’être depuis maintenant 3 ans. Dans un dernier communiqué était annoncé un album qui serait une sorte de testament à cette discographie :

Ce disque sort donc fin mai 2019. Se présentant sous la forme d’un double album d’une durée de presque 1h20, Animal Choir est une véritable pépite qui n’épargne son auditeur à aucun moment. Même si la majorité de l’œuvre possède des sonorités oscillant entre Post-Rock et Post-Metal, d’autres styles viennent se rajouter à l’équation, allant de la musique électronique au Math Rock en passant même par la noise. Cela permet à chaque titre de posséder une identité singulière. Mais s’il y en a bien un qui a retenu mon attention dès la première écoute, c’est celui dont il est question dans cet article : Robert & Gerda.

Débutant par une légère nappe sonore et quelques douces notes de guitare noyées dans les effets, le chant fragile et sensible de Tom Morris vient ensuite nous susurrer des paroles cryptiques. Divers instruments viennent se rajouter à la composition au fur et à mesure, comme des violons ou un violoncelle, lui apportant de plus en plus d’ampleur et permettant de rajouter un certain cachet à l’ambiance de cette introduction déjà forte en émotion. Une sorte de tension dramatique commence à se créer, puis soudain…

Le silence.

À 3:38, tout s’arrête. La guitare fait son retour et commence à jouer de légers arpèges teintés de réverbération venant nous chatouiller les oreilles tandis que Tom Morris répète « It’s who we are now » avec une voix remplie d’émotion. Adam Weikert vient marteler ses fûts de façon martiale tandis que la basse l’accompagne admirablement. La montée en tension est gérée sublimement et semble se faire de façon naturelle, comme si l'ensemble des membres était dans une réelle symbiose. Tout semble pouvoir exploser à tout moment, jusqu’à cette envolée libératrice et cathartique à souhait à 5:57. Les chevaux sont lâchés et ne s’arrêteront qu’une fois la fin du morceau atteinte.

Bien que chacune des minutes de Robert & Gerda soit d’une beauté foudroyante, cet instant de flottement entre 3:38 et 5:57 le rend instantanément plus grand, plus puissant. Alors que l’on aurait pu croire que la musique s’emballerait à cet instant, il n’en est rien : le quatuor surprend l’auditeur avec ce build-up maitrisé de but en blanc. Une formule certes très connue dans le Post-Rock en général, mais ici tout semble pur et transpire une mélancolie salvatrice, n’oubliant pas de nous faire verser quelques larmes au passage.

Ce titre n’avait jamais été joué en live, et ce jusqu’à une date exceptionnelle et plutôt insolite : Her Name Is Calla s'est reformé le temps d’une soirée dans le cadre du festival ArcTanGent en Angleterre au mois d’août 2022. Utilisé pour finir leur set, nous pouvons aisément penser que Robert & Gerda en a fait pleurer plus d’un ce soir-là. Alors en attendant une éventuelle reformation ou de potentielles dates de concerts à l’avenir, on se replonge dans l’album et ce titre dans leur version studio, tout en fermant les yeux et se laissant emporter dans cet instant de douce frénésie.