Au fil de nos écoutes, certains albums et certaines pistes parviennent à capter notre attention. Des morceaux qui reviennent régulièrement dans nos playlists, nos oreilles, pour combler les moments creux ou tout simplement nous faire du bien. Dans Le Passage, nous revenons sur ces chansons qui rentrent dans notre panthéon, grâce à une partie qui les fait surnager au-dessus des autres.
Nul besoin de s'épancher sur la carrière de Mastodon tant le site regorge d'articles qui parlent en long, en large et en travers du quatuor d'Atlanta. Et de manière tout à fait étrange, l'auteur de ces papiers reste le même. Il faut dire que ce groupe m'a énormément aidé dans une période sombre encore d'actualité au moment où ces lignes sont écrites. En beaucoup moins intense, rassurez-vous. Néanmoins, les démons du passé ne se sont pas tous enfuis avec l'âge, certains trouvant agréable de se loger dans mon crâne depuis bientôt 10 ans.
Crack The Skye est le disque qui me sauva d'un sort peut-être plus funeste. Une œuvre de 50 minutes qui conclura une quadrilogie des éléments entamée en 2002 avec le feu et Remission. Pour leur 4e album, Mastodon se tournera vers l'Ether, considéré comme le cinquième élément, n'en déplaise à Luc Besson. À travers les sept pistes, le quatuor évoquera en premier plan un protagoniste paraplégique, ne pouvant se mouvoir que par son esprit et les voyages astraux. Or, son âme ayant volé trop près du soleil, elle se retrouve perdue dans l'immensité qu'est l'espace. Tout le disque sera donc centré autour de l'aventure vécue par cette âme en perdition, souhaitant retrouver son corps physique.
L'album ne s'arrête pas là car il possède un sous-texte plus émouvant. Disséminées tout au long des chansons, des paroles font directement référence à Skye Dailor, sœur de Brann Dailor, batteur/chanteur de Mastodon, à qui ce Crack The Skye est dédié. Et c'est sur la face A que l'on va se pencher, plus particulièrement sa clôture, bijou parmi les bijoux.
Quand la réalité rejoint la fiction
Quand Mastodon sort Crack The Skye, on peut y remarquer deux pistes dépassant les 10 minutes, laissant supposer une embarquée dans des territoires progressifs. Quelque chose qui, au final, ne surprend personne tant les influences progressives du quatuor étaient disséminées au long de Leviathan et Blood Mountain. On aura le temps de revenir sur The Last Baron lors d'un autre passage, ici, c'est The Czar qui nous intéresse. Découpée en 4 parties, cette piste raconte l'arrivée dans le corps de Raspoutine de l'âme de notre protagoniste, jusqu'à la libération des deux âmes dans l'espace à la fin de la 3e partie nommée "Martyr". C'est d'ailleurs cet ensemble qui est l'objet de ce Passage.
Après "Usurper" et "Escape", Mastodon arrive à 7:27 avec "Martyr". Elle débute par une montée en puissance amenant une partie vocale chantée par Brent Hinds et comportant les paroles suivantes :
Spiraling up through the crack in the sky
Leaving material world behind
I see your face in constellations
The martyr is ending his life for mine
À ce moment, on comprend que Raspoutine meurt, permettant à son âme et celle du protagoniste de s'échapper dans le ciel. Une opportunité pour notre personnage principal de retrouver son corps physique, ce qui nous intéressera tout au long de la seconde partie de l'album. Mais outre l'histoire au premier plan, une phrase revêt une importance double. Si l'on peut imaginer que l'âme voit le visage de son propriétaire dans les étoiles lors de son retour dans l'Espace, il s'avère que la 3e ligne de ce couplet est une référence directe à ce qu'a vécu Brann Dailor.
Nous sommes quelques temps après le décès de sa sœur et Brann se retrouve en plein trip via une prise d'acides. Il décide de vouloir déterrer Skye à mains nues, épisode évoqué dans Oblivion qui ouvre le disque. Il n'ira pas au bout de son envie, se couchant sur la tombe de sa sœur en regardant le ciel. C'est à ce moment qu'il la voit, à travers les étoiles.
Ce n'est d'ailleurs pas la seule phrase qui fait référence à quelque chose de réel ressenti par le batteur de Mastodon. La première est aussi la représentation de l'état de Dailor au moment de l'annonce du décès de sa sœur comme il l'a évoqué dans une interview pour MTV :
Her name was Skye, so Crack the Skye means a lot of different things. For me personally, it means the moment of being told you lost someone dear to you, [that moment] is enough to crack the sky.
Mais ce Passage n'est pas que sur ce couplet, bien qu'il pourrait être au cœur de cet article tant Brent Hinds parvient à transmettre un torrent d'émotions avec son chant possédé. Là où ce dernier excelle, c'est pour faire pleurer sa guitare. Le solo qui suit cette partie chantée est dans le top de ce qu'a produit le guitariste dans sa carrière. C'est un coup de boutoir final qui me prend aux tripes à chaque écoute.
De 7:11 à 9:05, Mastodon offre au monde une partie sensationnelle qui n'est qu'une petite pièce d'un puzzle majestueux nommé The Czar, lui même fragment du chef d'œuvre qu'est Crack The Skye. Brent Hinds est le héros de ce Passage, lui qui pourtant passe au second plan derrière les voix de Troy Sanders ou Brann Dailor, ou juste les parties de batterie de ce dernier, tentaculaires et impressionnantes. Mais là, le guitariste montre que par sa voix et sa guitare, il peut transmettre toutes les émotions du monde, surtout les plus touchantes. De l'Art, à consommer sans modération.
Mastodon
"Crack The Skye"
- Date de sortie : 24/03/2009
- Labels : Relapse Records, Reprise Records
- Genre : Metal Progressif
- Origine : Etats-Unis