Madison Cunningham - Who Are You Now

Pour beaucoup, elle est un peu venue de nulle part. En 2019, Madison Cunningham est pourtant parvenue en un EP (For The Sake Of The Rhyme) et un album (Who Are You Now) à marier du rock, du blues et de la folk à sa voix douce d’une façon dosée avec une maturité qui ne trahit rien de son âge d'alors 22 ans. Elle n’offre rien de trop démonstratif, pourtant son jeu de guitare est précis et accrocheur. Un alliage redoutable, pour celui qui craint d’être charmé. Facile de tomber pour peu qu’on se laisse attacher par le fil de cette musique douce-amère.

Sur For The Sake Of The Rhyme, où se distinguent avec affirmation ses influences rock, l'œuvre se donne une ambiance plus teintée de mélancolie que l'album qui suivra. Qu’il s’agisse de la balade Last Boat To Freedom, où de petites touches d’orchestration s’insèrent bien pour envelopper un climax sublime, ou d'All At Once dont l’accroche guitaristique sulfureuse fait immédiatement mouche, l’artiste fait déjà preuve sur l’EP d’un savoir-faire en la matière qui ne peut pas être nié.

Éduquée dans un environnement catholique en Californie, Madison n’a pas reçu une éducation rock traditionnelle. Le son des pionniers de la musique du démon qui s'immisce dans ses œuvres plus tard, elle ne l’a connu qu’après son adolescence. Elle a donc appris rapidement. En résulte ce son particulier qui est comme une petite renaissance. Dès le deuxième morceau de l’EP, que j’apprécie particulièrement, elle montre clairement une sensibilité à fleur de peau mais avec une musique mieux pensée et plus aboutie que sur son premier LP Authenticity. Madison sait déjà produire des lignes de guitare accrocheuses, et sait jouer de sa voix grisante. Elle y ajoute désormais un talent affiné pour fusionner ces deux éléments avec des morceaux très solides. Le charme opère aisément, sans mystère.

Elle fait déjà mouche sur les 24 minutes de l’EP. Seulement, en plus de cela la même année viennent 40 minutes où elle confirme son approche sur l'album Who Are You Now. Pin It Down est une entrée en matière tout à fait efficace et la plupart des autres morceaux tiennent la barre aisément. Madison se révèle encore comme une bonne compositrice, à la nuance maîtrisée. Elle incorpore des éléments très légers de jazz à certaines partitions, se dirige habilement aussi vers des moments où le rock disparaît totalement. Cependant cette exploration des différents territoires, aussi bien de sa musique que de ses influences, se fait sans nous laisser au dépourvu. Les morceaux sont de ceux qui nous embarquent avec légèreté et beauté sur un rivage baigné de soleil et de sincérité. Un éclat qui est relativisé par la présence de titres au caractère plus solitaire, comme Something To Believe In ou Dry As Sand, rendant l’escapade similaire à celle qu’on effectue pour s’évader d’un morne quotidien. Si vous êtes avares de temps et qu’il n’est possible de vous faire écouter qu’un seul morceau, je conseille la perle qu’est L.A.(Looking Alive). C'est une parfaite carte de visite pour l’artiste qui redonne une fraîcheur et un petit peps à des airs que je commençais personnellement à associer à d’autres temps. Madison Cunningham s’est clairement bien approprié un jeu rock classique et très serein.

Ça a été rapidement dit, mais Madison est aussi une parolière douée. Sa voix unique, qui pourrait sans doute nous faire pardonner des égarements décérébrés si elle le devait, est pourtant porteuse de petites touches de poésie pas dérangeantes pour un sou. Il s'agit de petites rimes qui se laissent flotter sur des airs chaleureux, déposées depuis la perspective d’une jeune californienne juchée sur un tabouret, sous les projecteurs. Elle et sa guitare au milieu d’une scène indépendante florissante de talents, avec pour seule ambition de faire quelque chose de sobrement plaisant et sincère, tirant son épingle du jeu grâce à un joli travail sur les mots, un jeu tout à fait excellent ainsi qu’une voix touchante. Ce qu'elle fait n'est pas simple mais c'est efficace, au point que rien ne pourrait vraiment être enlevé.

It’s an illiterate feeling and a slow healing
Your world spins like a planet on your ceiling
And I wish it was enough to convince you of yourself
But it can’t be said in plain letters

--- Plain Letters ---

The thread of this long afternoon
It finds the eye of this dark room
To stitch both time and love somehow
To you, beneath my head just now
But maybe we’re better bound

--- Bound ---

Il y a beaucoup à propos de l’amour, de la confiance en soi, dans un contexte où le monde en manque parfois cruellement, condamné qu’il est de tant de façons. Cependant, même lorsqu’elle parle du malheur, c'est son charme qui opère. Madison possède déjà la maturité d’une magnifique artiste. Elle n'a qu'à continuer sur sa voie et cueillir plus de succès, ainsi qu'une reconnaissance méritée. Sortant déjà quelques singles depuis l’année 2020, il se pourrait qu’on la retrouve prochainement pour une sortie encore pleine de morceaux baignés par l’ambiance morose d’un soleil couchant sur les rivages californiens.