En musique, il est un argument qui peut vite devenir lourd. Un groupe ne pourrait pas exister en gardant la même recette toute sa carrière. Il n'y a qu'à voir les critiques que peuvent adresser certaines personnes en direction de Monolord : surnommés "Mou-nolord", les Suédois semblent être punis d'avoir sorti comme premier méfait Empress Rising en 2014 puisque tout semblerait fade à côté de cet album (et surtout de la chanson titre). Néanmoins, ces mêmes personnes ne se cachent pas de consommer les albums rock de Kadavar sans retenue et de cracher sur eux quand les Allemands réalisent leur virage plus pop avec The Isolation Tapes. Mais nous nous égarons, revenons sur le trio de Göteborg.
Est-ce que Monolord possède réellement une carrière lisse et des albums sans distinction ? Ne passons pas par quatre chemins, la réponse est non. Mais là où certaines entités font des virages à 90°, les Suédois sont plus dans une maîtrise des détails et des ambiances qui permettent à chaque disque de posséder sa propre patte et son esthétique. Là où un Rust pose des fondations, No Comfort aborde le doom d'un point de vue plus mélancolique, ne serait-ce que par sa pochette et les couleurs qui s'en dégagent. Est-ce que Your Time To Shine allait montrer un autre visage du trio ? Ne perdons pas de temps et plongeons dans ce disque.
D'entrée de jeu, l'ambiance est froide, directe, glaçante. Il faut dire que Monolord aborde des thèmes sombres comme la sixième extinction de masse, subtilement abordée par la pochette. Elle nous montre un lapin, mort, pourtant entouré d'une belle couronne de fleurs. D'ailleurs, l'animal est décédé naturellement et non pour les besoins de la photo, rassurez-vous. Musicalement, on rentre dans le bain sans sommation avec les coups de boutoirs de The Weary, premier single servi pour nous teaser la venue de ce cinquième opus. À la suite de cette introduction, le combo nous offre le riff principal, monstrueux d'efficacité et qui servira de fil rouge au titre. La force du groupe est déjà présente : trouver des compositions d'une efficacité folle en un rien de temps. Le tout est sublimé par le son gras caractéristique des Suédois. Seul petit changement, le chant de Thomas V. Jäger est moins noyé sous la reverb. Il est plus présent, ce qui n'est clairement pas un mal tant le frontman est bon dans ce domaine.
Cependant, on ressort de cette mise en bouche un peu frustré. La fin bouclant sur le riff principal se coupe trop tôt, nous privant de quelques minutes supplémentaires à secouer la tête frénétiquement. Heureusement, le trio possède plusieurs cartouches dont la première : To Each Their Own.
Un titre que l'on pourrait découper en deux parties : les quatre premières minutes sont bâties sur une structure couplets calmes/refrains énervés. Sur les premiers se font ressentir l'influence de Black Sabbath, tout comme sur la fin de la chanson titre qui sent bon le Planet Caravan du quatuor Anglais. Les trois dernières minutes sont tout ce qui manquait sur The Weary. Un premier riff, à la guitare, qui est joué en boucle suivi d'un second tout aussi merveilleux qui sera doublé pour offrir un spectacle dont la seule finalité est de nous donner envie de voir ça sur scène. Derrière Thomas V. Jäger, Mika Häkki (Basse) et Esben Willems (Batterie) sont d'une solidité totale pour donner un ensemble brisant des nuques sans discontinuer. On en vient même à regretter la fin du titre tant on était emporté par les idées du trio.
Depuis leur dernier méfait, Monolord n'hésite pas à creuser un peu plus vers leur penchant Doom. Non pas que les influences de ce genre ne se faisaient pas ressentir avant, mais la facette Stoner de leur musique était plus présente. Or, quand on entend la chanson titre, impossible de ne pas ressentir la lourdeur et le coté poisseux du Doom. Du rythme pesant à la basse de Mika Hakki en passant par le riff plombant, tout suinte la dépression dans cette piste. Il faut dire que les paroles évoquent la sixième extinction de masse que la Terre est en train de connaître.
Bow down to insect lords
The way the future goes
The sixth extinction by our side
Pour terminer, les Suédois nous écrasent définitivement avec The Siren Of Yersinia, titre faisant référence à une bactérie dont l'une des souches se trouve être la peste. Lorsque l'on couple cette information avec les paroles, on comprend quelle vision Monolord porte sur notre monde.
I hear the siren of Yersinia
I need your death to set me free
I hear the silence of our millions
I feel the sickness breathe in me
Musicalement, le morceau est dans le haut du panier. On débute dans la violence et le fracas avant que Monolord nous offre une pause pour repartir sur leur rythme de croisière qu'on apprécie tant. Les Suédois se permettent même un pont "Cowbell" avant de nous trouver face à des refrains soutenus en fond par des instruments à cordes ajoutant une touche de mélancolie et de tristesse à cette longue pièce. Thomas V. Jäger s'offre un solo du plus bel effet avant que le trio nous écrase de nouveau avec la partie d'ouverture qui se terminera de manière sèche. Est-ce la fin de la vie ? Peut-être que le groupe le souhaite, mais cela nous priverait d'autres albums, alors essayons de durer encore un peu.
Valeur sûre des scènes Stoner mondiales, Monolord n'en finit pas de garnir ses futures setlists de morceaux incontournables. De quoi leur poser de sacrées migraines au moment de les composer. Your Time To Shine nous offre moins de 40 minutes d'un Stoner Doom brillant, puissant et dépressif. Un brin fataliste, le trio espère, avec sa musique, faire réfléchir quant aux mentalités vis-à-vis notamment de notre rapport à l'élevage intensif destructeur. Quand bien même, la déprime est une fidèle alliée en tant que groupe de Doom. Malheureusement, la formation ne risque pas de manquer de sujets en voyant l'état du monde se dégrader. Néanmoins, eux semblent bien plus enclins à l'évolution que ce que certains auditeurs laissent bien croire.
Monolord
"Your Time To Shine"
- Date de sortie : 29/10/2021
- Label : Relapse Records
- Genres : Stoner Doom, Doom, Stoner Psyché
- Origine : Suède