Pallbearer - Forgotten Days

Ecrasés mais transportés

Réussir à percer sur le devant de la scène est quelque chose d'assez aléatoire. Pour certains, il suffira d'un seul single pour devenir une coqueluche du monde entier. Pour d'autres, c'est une longue carrière qui s'amorce sans aucune certitude de pouvoir un jour être reconnu à sa juste valeur. Fort heureusement, le groupe au centre de l'article est plus proche de la première catégorie citée. En 12 ans d'existence, Pallbearer a déjà conquis le cœur des fans de doom à travers le monde grâce à deux premiers albums d'une qualité folle.

Néanmoins, il est important de noter que Forgotten Days est leur quatrième tentative, suggérant donc qu'un troisième opus s'est glissé dans leur discographie. A cette observation digne des plus grands inspecteurs je répondrai que vous avez raison. Il fut omis de la discussion de par sa qualité inférieure, selon moi, au reste des sorties du quatuor. Il est cependant important de noter qu'Heartless est une pièce essentielle de la musicothèque de Pallbearer, tant ce qui la compose permet la grandeur de leur dernier LP.

Sorti en 2017, Heartless affichait une facette de la musique des Américains beaucoup plus progressive dans l'âme. Bien qu'il serait vous mentir que d'affirmer que ces inspirations sortent de nulle part, leurs deux premiers opus piochant allégrement dans cet univers, il faut constater que sur ce disque, le mélange des genres est plus que difficile à digérer. Une œuvre ambitieuse manquant d'un zeste de puissance pour pleinement tirer sa quintessence. C'est dans ce contexte de petite déception que son successeur fut annoncé en juillet dernier avec un single éponyme qui laissait entrevoir une sorte de "retour aux sources". Un doom aux riffs puissants sans pour autant verser dans quelque chose de plus traditionnel comme ce que pourrait faire un groupe comme Windhand par exemple. La force de Pallbearer c'est d'avoir peaufiné une musique lourde et pourtant aérienne grâce notamment au chant angélique de Brett Campbell.

Arrive octobre 2020 et cette quatrième livrée tant attendue. Au programme, une pochette triste collant au thème principal de l'album à savoir le deuil. Une thématique déjà au centre de Sorrow & Extinction, premier disque du quatuor. Il faut dire qu'en s'appelant Pallbearer ou "porteur de cercueil'" dans la langue de Molière, il est peu surprenant de retrouver la mort au niveau des paroles. Avec 52 minutes au compteur, Forgotten Days est une totale réussite qui balaye tout sur son passage sans aucune chance de s'en sortir indemne. De la première seconde de l'ouverture à la dernière seconde de Caledonia, on est transporté dans ce voyage macabre mais pourtant si beau.
Il faut souligner ici la production du disque d'une propreté superbe. Quelque chose de récurrent dans la discographie des Arkansasais. Le travail de Randall Dunn est impeccable et met en lumière chacun des instruments sans empiéter sur la voix de Campbell. Il faut dire qu'en terme de lourdeur, monsieur Dunn s'y connait, ayant travaillé avec Earth, Boris ou encore Sunn O))).

Avoir un album bien produit c'est une chose, mais avoir des morceaux qui tabassent en est une autre. Sur ce point, Pallbearer fait un carton plein. Si tous les titres ne sont pas des immenses pépites, aucun n'a le grade terrible de "on aurait pu s'en passer". La tracklist est très bien réalisée, laissant briller chacune des pistes dans son propre domaine. Stasis ou Quicksand Of Infinity sont plus dans l'immédiateté et l'efficacité avec leurs 4 minutes respectives au compteur. Forgotten Days, Riverbed ou encore Caledonia se situent dans la catégorie des chansons où le quatuor prend un peu plus son temps pour développer ses idées, ce qu'il fait avec brio. Enfin, il y a la pièce maîtresse au milieu de l'écoute. 12 minutes et 19 secondes, voilà ce qu'il vous faudra laisser pour profiter pleinement de Silver Wings. Troisième morceau le plus long de la discographie du groupe, on retrouve ce qui a fait leur succès au moment de leurs deux premiers albums, notamment avec Foreigner sur Sorrow and Extinction ou Worlds Apart sur Foundations Of Burden. Mention spéciale pour les violons en fin d'écoute qui augmentent la jauge d'épique jusqu'à son paroxysme.

Le point d'orgue de ce Forgotten Days reste l'incorporation des éléments "prog" dans les compositions. Cela se repère notamment avec des claviers et autres synthétiseurs qu'un certain trio canadien n'aurait pas renié. On peut les entendre sur Stasis, Silver Wings ou encore Caledonia, dernier titre du disque qui est une claque incroyable. S'il n'y a qu'une chanson à retenir de ces 53 minutes d'écoute, c'est vers celle-ci qu'il faut se tourner et ce sans la moindre once d'hésitation. Les voix doublées sur le refrain, la dernière partie où les guitares deviennent déchirantes, le chant de Brett Campbell... Le terme de chef d'œuvre est sûrement trop utilisé, mais pour cette piste, exception accordée par la rédaction.

Dans une année 2020 marquée par des évènements tous plus tristes les uns que les autres, il est évident que le doom triomphe dans le cœurs des gens. Si vous ne connaissiez pas Pallbearer, il devient vital pour vos oreilles de soigner ce manque par cet album. Forgotten Days est de ces disques qu'on met de côté pour les moments durs car on le sait réconfortant et brillant. A chaque écoute, vous redécouvrirez quelque chose dans le jeu de guitare, de batterie ou sur ces claviers utilisés à la perfection. Le quatuor de Little Rock vient de rappeler au monde pourquoi il est, sans aucun doute, un des groupes le plus important de la scène doom mondiale.

Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
ClartéL'album est superbement produit, le son est de velour et vous donne envie de jouir, 5 sur 5. Si au contraire, l'album est produit avec des jouets toys'r'us; et donne envie à vos oreilles de saigner de s'autoflageller avec un port jack de 1.5m, alors 1 sur 5
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
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Pallbearer
"Forgotten Days"