Pallbearer - Mind Burns Alive

Douce lourdeur

Le grand arbre des genres musicaux commence à ressembler à un entremêlement de racines et de branches si bien qu'il devient difficile d'y voir clair. Bien que les Hommes aiment classer les choses, certaines entités aiment casser les codes et brouiller nos repères. Une façon de trouver sa place dans la jungle que constitue l'industrie musicale. Alors qu'il n'était qu'un sous-genre du Rock et du Metal, le Doom est devenu au fil des années un genre à part entière avec ses sous catégories diverses et variées. Qu'il soit Funeral, Scarlet ou encore Prog, le Doom tel qu'on l'imaginait à ses débuts a bien évolué. Accusé Pallbearer, levez-vous !

Soyez rassurés, il ne sera aucunement question de faire un procès au quatuor de Little Rock, bien au contraire. Ce n'est pas la première fois que Pallbearer débarque sur les colonnes de notre site. Il faut dire que Forgotten Days avait marqué les esprits en 2020, dans une année qui se prêtait aisément aux textes pesants et à la musique lourde du groupe. Maintenant, il est toujours périlleux d'enchaîner après une réussite puisque des attentes sont au rendez-vous. En mars 2024, Where The Light Fades débarque sur nos écrans et dans nos oreilles avec la tâche ardue d'être le premier single. Il faut être honnête, la première écoute fut surprenante avec un groupe assagi, du moins seulement en apparence, les textes restant durs et évoquant la solitude, la dépression, en somme, des thématiques imposantes.

Ever in the shade
There is comfort here
It's been so long
Rather hide away
Than face the day
When things could change

Le second single rassurera les puristes puisqu'Endless Place se veut plus dans les habitudes musicales du quatuor, sur la majeure partie. Riff simple mais prenant, refrain avec des doubles voix, solo doublé, petite incursion de chant sludge sur la dernière partie vocale du morceau, on coche pas mal de cases du bingo Pallbearer. Néanmoins, ce titre va sortir du lot par son pont calme, sublimé par le solo de saxophone joué par Norman Williamson, ami du groupe. Ce passage va permettre une respiration avant une fin plus Doom avec un riff puissant joué de concert entre les guitares et la basse. Une montée en puissance amenant un solo final de Brett Campbell, simple mais pourtant touchant qui apporte une mélancolie à cette piste pourtant déjà émouvante de par ses textes. Un petit bijou.

Avec tout ceci déjà proposé, les attentes étaient forcément élevées pour la cinquième livrée des Arkansasais. Et pour être transparent, la première écoute fut déroutante pour deux raisons. En premier lieu, une musique plus adoucie qu'à l'accoutumée. Dans un second temps, une date de sortie peu idoine pour du doom : le mois de mai. On s'imagine plus facilement écouter une musique émotionnelle, triste, dépressive, dans des températures plus maussades et dans des paysages plus gris, c'est d'ailleurs dans cette période que Forgotten Days avait vu le jour, étant sorti en octobre 2020. Ici, Pallbearer prend le contre-pied et ce qui pourrait s'apparenter à une erreur se révèle être un coup de génie.

L'ambiance générale est beaucoup moins tempétueuse sur le plan musical. La chanson titre offre une dichotomie entre le calme des couplets et l'énergie des refrains, le tout entrecoupé d'un solo efficace. La piste suivante, Signals, reprend aussi cette volonté de calme mais l'utilise différemment. Ici, les trois premières minutes sont tamisées, avant que le groupe entier ne rentre en scène pour offrir ce que l'on peut attendre de Pallbearer en terme de sonorité. Un morceau qui n'aurait pas dénoté sur la tracklist d'Heartless par exemple. Néanmoins, cette formule sera magnifiée sur Daybreak, avant-dernière chanson.

La fragilité de la voix de Joseph D. Rowland ressort parfaitement et n'est accompagnée que d'une simple guitare puis du reste du groupe, mais de manière douce et calme. Un accompagnement réussi avant l'explosion du milieu de piste pour rappeler que Pallbearer reste un groupe de Doom. L'occasion d'offrir un solo où les deux guitares s'harmonisent parfaitement, une signature du groupe. Sauf que les petits coquins en gardaient sous le pied pour la dernière partie. Quatre-vingt dix secondes majestueuses, sublimes, poignantes. Seules les guitares parlent mais le jeu de Brett Campbell et Devin Holt vient taper droit au cœur. Le dernier riff harmonisé ne dure que quarante secondes, un crime tant on aurait aimé qu'il dure encore plus longtemps.

Alors que l'on pourrait croire que Daybreak était une fin idoine, le quatuor nous offre With Disease, la deuxième piste la plus longue de la tracklist et se rapprochant le plus des travaux inauguraux du groupe. On se prend vite à bouger la tête sur le riff principal tandis qu'en fond sonore, un synthé apporte une petite touche bien sentie. Le groupe nous refait le coup du pont plus calme amenant une fin plus brutale, mais il faut bien reconnaître que les Américains ont maîtrisé cet art et qu'on a beau voir venir le stratagème, on est toujours saisi au vol par la lourdeur du riff qui nous arrive dans les oreilles. D'autant que pour accompagner tout ceci, on retrouve une pointe de chant plus Sludge sur les dernières paroles qui sont, là aussi, assez fortes.

Lives filled with empty pursuits
A fate that keeps us on our knees
My mind is empty, too
Fill it up with disease
With disease

Pour ce disque, Pallbearer s'est fait confiance et s'est isolé dans son Little Rock natal en Arkansas. Un retour aux sources pour les membres du groupe qui en ont profité pour lancer leur propre studio (Idlewild Audio). Un choix qui s'est avéré le bon tant la production est limpide et permet à chaque instrument de briller, qu'il s'agisse des guitares, de la basse, de la batterie ou bien des voix, éléments importants dans le spectre sonore du groupe. Bien que Brett Campbell soit le principal vocaliste, il peut laisser sa place à Joseph D. Rowland, les deux pouvant s'entremêler tandis que Devin Holt s'occupe des petites touches Sludge disséminées ça et là. Un trident bien rodé qui est à la hauteur des textes écrits par le duo Campbell/Rowland.

Maintenant, pourquoi la sortie d'un tel album au mois de mai est une formidable idée ? Et bien parce que Pallbearer n'a pas offert au monde un disque de Doom classique. Bien qu'il réside des éléments palpables dudit genre, le groupe s'est attelé à offrir un spectre sonore différent. Les passages calmes sont accentués et les moments lourds restent moins prenants et pesants qu'à l'accoutumée. Pourtant, l'écoute de ce disque reste une étape marquante car le quatuor s'est attelé à proposer des textes tapant fort. En cela, une sortie à une période plus ensoleillée est justifiée car fatalement, les problèmes liés à notre santé mentale ne prennent pas de vacances dès lors que le soleil revient à son zénith. Certes, les températures plus agréables atténuent un peu la morosité ambiante, mais nos soucis restent présent. En ça, le quartette nous offre un compagnon idéal à n'importe quelle période de l'année, mais n'oublions pas la chose la plus importante, prenez soin de vous.

Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
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Mind Burns Alive Cover
Pallbearer
"Mind Burns Alive"