Polymoon - Chrysalis

Une mue intrigante et réussie

Depuis les années 60, les groupes aiment bien brouiller les pistes concernant les sens, principalement l'ouïe et la vue. Nul doute que l'utilisation du diéthyllysergamide fut d'une grande aide afin de pousser les frontières de nos imaginaires. L'histoire retiendra Pink Floyd comme grande légende du rock psychédélique, notamment sur ses premiers disques, ces derniers étant de grandes influences pour de nombreuses formations, jusqu'à aujourd'hui encore. Pour nous, l'occasion est toute trouvée pour voyager jusqu'en Finlande afin de découvrir un quintette bloqué dans une décennie lointaine, très lointaine.

Formé en 2018, Polymoon se fait remarquer très vite par un label devenu valeur sûre dans les sphères underground : Svart Records. Il faut dire que la proximité géographique aide à ce que les cinq lurons signent avec Svart. C'est chez ces derniers que sortira en 2020 Caterpillars Of Creation, leur premier album qui montrera de belles promesses. Un rock psychédélique au son rétro porté par le chant de Kalle-Erik Kosonen un peu noyé par le reste des instruments, mais qui reste qualitatif. Une première mouture qui leur permettra de se faire un nom et de changer de crèmerie pour le successeur.

Direction l'Allemagne et le roster de Robotor Records, label fondé par les membres de Kadavar et sur lequel on trouve le quatuor Allemand, Splinter et... c'est tout. Peu de groupes mais que de la qualité, Polymoon y a donc toute sa place. Ne reste qu'à confirmer les espoirs placés en eux avec un second album et fort heureusement, Chrysalis est arrivé pour satisfaire nos petites oreilles. Afin de nous donner l'eau à la bouche, Wave Back To Confusion est dévoilé fin 2022.

On retrouve les ingrédients qui ont fait la force du quintette avec des riffs de qualité, des passages plus éthérés et la voix de Kalle-Erik toujours dans le fond, traçant une trame plutôt directe qui sert de carte de visite réussie pour le reste du disque. Choix judicieux donc que de l'avoir envoyé en éclaireur comme premier single. Maintenant, il fallait éviter l'écueil consistant à dévoiler le meilleur titre en avance et ce fut chose faite. Il n'y a qu'à se lancer Crown of The Universe pour se rendre compte du potentiel des Finlandais.

Sur cette ouverture, on est d'abord cajolé par l'ambiance planante instaurée par les guitares de Jesse Jaskola et Otto Kontio, supportées par de subtiles nappes de claviers. La basse et la batterie se font seulement sentir par instants et laissent monter la sauce jusqu'à l'explosion de fuzz vers 2:07. À partir de là, le titre prend une tournure plus rock qui nous sort de notre cocon pour mieux nous faire décoller. Une seconde partie qui verra la batterie frénétique de Tuomas Heikura se réveiller avec des roulements du tonnerre. La voix du frontman reste en retrait dans le mix pour mieux venir chatouiller nos tympans de son timbre spatial. Le groupe ne s'arrêtera pas là puisqu'un nouveau changement se fera sentir à 5:43, qui apportera du calme mais aussi un magnifique solo de synthé du plus bel effet.

Polymoon aime le psychédélisme mais la formation aime aussi flirter avec le progressif. Sur le long du disque, on distinguera la construction en chapitres des morceaux, le quintette aimant nous faire voyager à travers différents univers, comme sur Viper At The Gates Of Dawn ou encore Instar, titres les plus longs de la tracklist. Ce dernier marque une belle coupure après l'efficacité de Wave Back To Confusion, notamment au niveau de son intro plutôt planante. Une piste faisant partie des highlights de ce disque.

Après une première minute nous laissant flotter dans les confins, la fusée Polymoon ré-enclenche les moteurs pour une folle cavalcade à travers les étoiles. Les amateurs de Slift ou de Monkey3 ne seront pas dépaysés par la virée stellaire qui les attend sur Instar. Le groupe accélère progressivement pour traverser le cosmos jusqu’à la moitié du titre, avant de prendre une courte respiration dans une trouée bercée par un riff réverbéré aux allures de constellation de pulsars scintillants. On repart ensuite plein gaz dans un tunnel de nébuleuses multicolores où mille teintes défilent au-travers des hublots du vaisseau, jusqu’à ce que le pilotage automatique décide de stopper l’allure. Le titre vient alors s’écraser brutalement dans d’épais miasmes doomisants. Les étoiles semblent s’être éteintes autour de nous, leur luminosité étant dominée par la splendeur écrasante de l’objet qui nous fait face. Un gigantesque soleil dont la colossale force d’attraction ne nous permettra d’échapper à son champ de gravité.

Une des grandes qualités de ce disque est la fluidité avec laquelle s’enchaînent les morceaux, sans avoir besoin de gommer les transitions comme peuvent le faire certains groupes de space rock ou réutiliser des motifs communs d’une piste à l’autre. Entre Instar et Set The Sun ainsi qu'entre cette dernière et A Day In The Air, les morceaux se succèdent naturellement et de manière intelligente, chaque titre s'emboîtant parfaitement avec son prédécesseur pour accentuer l'idée de périple que ce Chrysalis souhaite nous offrir. Les chansons ont une progression logique formant un formidable voyage, des confins agréables de Crown of the Universe jusqu’à la dérive en apesanteur finale sur laquelle nous lâche Viper At The Gates Of Dawn.

Référence au Piper At The Gates Of Dawn de Pink Floyd, ce titre est un excellent bouquet final : de véritables montagnes russes en termes de rythme avec des moments fougueux contrebalancés par des accalmies aériennes sublimes. Les guitares se montrent et capturent nos oreilles, notamment lors du pont ou l'on peut savourer un très bon solo. La voix reste dans ses territoires éthérés, se permettant même des vocalises en guise de paroles pour agrémenter certains passages plus doux. Cela sera d'autant plus efficace sur la fin, revenant dans des régions psychédéliques avec un synthé présent au premier plan et devenant le personnage principal de notre histoire. Une manière judicieuse de boucler la boucle avec l'intro de Crown Of The Universe qui était douce et captivante via le travail des guitares et des claviers.

Enfin arrivé au terme de sa croisière intersidérale, le vaisseau finlandais nous a livré un disque formidable où les sons se mélangent aux couleurs pour notre plus grand plaisir. Pépite psychédélique de ce début d’année, Chrysalis cristallise le parfait équilibre entre un album à la durée modérée et des titres longs, riches mais surtout n'offrant jamais de lassitude.

Après un Caterpillars of Creation très bon et une évolution en Chrysalis qui renforce notre enthousiasme, on a maintenant hâte de découvrir en quel papillon flamboyant Polymoon va transformer son prochain opus.

PsychédélismeIndice sur le côté psyché de l'album. 1/5 : On est dans le concret, le dur. 5/5 : vous voyez des couleurs défiler devant vos yeux et la musique vous propose un voyage initiatique en vous-même
ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
Bouteilles de plongée

Polymoon - Chrysalis
Polymoon
"Chrysalis"