Radiohead - Kid A

DRALA - 02/10/2000 - 20 ans de Kid A

Une question hante bien des artistes : comment donner suite à un chef-d'œuvre ? Grande interrogation existentielle, dont il existe pourtant la version sous stéroïdes : comment donner suite à un des meilleurs albums de tous les temps ?

En 1997, Radiohead sort l'album OK Computer et atterrit sur le toit du monde musical, devient l'un des plus gros phénomènes de l'année, de la décennie, alors que rien ne les y préparait. Radiohead à la base, c'est une bande de 5 potes d'école formée au milieu des années 80 à Oxford, avec à sa tête Thom Yorke. Yorke, un gamin un poil écorché vif, né avec une paupière paralysée, qui a passé son enfance avec un bandeau sur l'oeil entre plusieurs opérations chirurgicales qui lui auront finalement laissé la cicatrice de ce regard un peu de travers. Une caractéristique physique plutôt unique et devenue propre au personnage, qui lui vaudra à l'école de nombreux sobriquets par ses camarades et entrainera chez lui le sentiment d'être un paria, une anomalie. Il trouvera néanmoins l'équilibre génial entre l'auto-dépréciation et l'ambition, celle de devenir la plus grande rockstar de son temps. Et en 1992, peu après la signature du groupe chez Parlophone, sous-branche du major EMI, sort Creep, chanson dans laquelle Yorke insuffle tout son dégout de soi-même, son nihilisme. La chanson devient après un peu de temps un véritable hymne, fortement approuvé par une génération en perte de repères et déjà subjuguée par le Grunge et la personnalité tout aussi désespérée de Kurt Cobain. Encore aujourd'hui Creep est la seule chanson de Radiohead que beaucoup de gens connaissent, alors est-ce que le groupe lui doit tout son succès ? On est bien loin du compte. Parce que malgré le giga carton de Creep, peu sont ceux à miser le moindre kopeck sur le groupe, beaucoup voyant en eux un One-Hit-Wonder condamné à sombrer dans l'oubli passée la vague Creep. Quand on voit aujourd'hui l'ampleur du phénomène Radiohead et qu'on repense à l'acharnement de la presse musicale pendant les années 2000 à balancer à tort et à travers l'appellation "avenir du rock" pour qualifier des groupes, pour la plupart, tombés dans l'oubli passé leur deuxième album, on peut rire d'un tel manque de blair. Radiohead remet tout ce petit monde bien en place en 1995 avec un second album, The Bends, de facture bien supérieure à tous les niveaux. Ce qui leur vaudra les coudées franches, une liberté totale et le budget de 100 000 livres de la part de Parlophone pour leur troisième album.

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En 1997, le Royaume-Uni a les yeux rivés sur Oasis, auréolés du succès de leurs albums Definitely Maybe et (What's The Story) Morning Glory? . D'autant plus que le groupe est au coeur du très médiatisé courant Britpop et de la rivalité qui les oppose à Blur. Les frères Gallagher, plus cocaïne que chair et os, hurlent à qui veut l'entendre qu'ils vont sortir le plus grand album de tous les temps et les gens y croient. Et quand Be Here Now sort, il bat certes des records de ventes un premier jour, mais unanimement, pour l'album du siècle, on repassera. Le flop est tel par rapport aux attentes qu'on parle volontiers de cet épisode comme de la mort de la Britpop. Mais le premier coup fatal remonte à un peu plus tôt, porté par Radiohead avec la sortie d'OK Computer, qui est l'anti Be Here Now. Là où Oasis reniflait avec satisfaction son propre derrière, tout comme le mouvement Britpop s'auto-congratulait et s'inspirait du Rock Britannique passé, Radiohead va chercher ses idées à des endroit bien moins conventionnels. On doit notamment cela au guitariste Jonny Greenwood, véritable petit génie multi-instrumentiste et passionné par toutes les musiques. Il introduit les autres membres du groupe au Jazz de Miles Davis sur le délirant double album culte Bitches Brew ou au rock psychédélique allemand des années 70. De son côté Yorke se passionne pour les instrumentations Hip-Hop de DJ Shadow ou l'Electro Art Pop de Björk. Le groupe met en place toutes ces idées avec l'aide d'un jeune producteur ultra inspiré, Nigel Godrich, et accouche d'un album atteignant un parfait équilibre entre expérimentation sonore audacieuse et accessibilité Pop Rock. Yorke délaisse les thématiques très personnelles adoptées dans The Bends pour des textes posant un regard et un constat froid sur l'Homme de cette fin de XXème siècle, son mode de vie urbain, ses angoisses, son consumérisme et son rapport à la technologie. On ajoute à ça des choix de singles redoutablement efficaces, et on obtient un album acclamé tous azimuts, lauréat d'un Grammy Award, parmi les meilleurs sinon le meilleur album de l'année dans de nombreux titres de presse musicale britannique, et qui influencera tous les jeunes groupes britanniques à venir, constat toujours valable en 2020. Bref, OK Computer rafle la place qu'Oasis convoitait pour Be Here Now dans les manuels d'histoire du Rock. Même en ce 2 octobre 2020, les Gallagher se retrouvent dans l'ombre des cinq d'Oxford puisque nous préférons consacrer cette chronique aux 20 ans de Kid A plutôt qu'aux 25 ans de (What's The Story) Morning Glory? .

Cet énorme succès, Radiohead le vit amèrement, surtout Thom Yorke. Si jeune il se rêvait sur le toit du monde, ses débuts avec l'industrie musicale lui avaient fait revoir ses ambitions à la baisse. Et le groupe semblait n'avoir pas d'autre prétention que de faire avec OK Computer le meilleur album possible à leur yeux avec les moyens désormais à leur disposition. Chose qu'ils ont fait avec tellement de goût, de classe et de savoir-faire qu'ils ont involontairement retourné la scène rock des années 90 et révolutionné la façon de faire un album. Les regards du monde entier sont braqués sur eux et guettent leur prochain geste. La tournée pour promouvoir OK Computer est intense, entrecoupées d'interviews, de shootings… la pression est colossale et Yorke est au bord du gouffre, se mangeant finalement la dépression que tout le monde l'imaginait déjà traverser au vu des paroles de Creep. Une période et un état d'esprit capturés et retranscris dans un superbe (mais fort déprimant) documentaire, Meeting People Is Easy. Yorke tire la gueule à longueur de métrage, plie les tâches promotionnelles et la com imposée avec le même enthousiasme que pour sortir les poubelles par nuit d'orage et qualifie ouvertement d'énorme bullshit le tourbillon de hype dans lequel il s'est retrouvé piégé contre son gré. Dans nos rêves de gloire, de réussite et de reconnaissance, nous voulons nous libérer de notre carapace informe de simple mortel pour rejoindre l'Olympe des idoles que nous avons faits dieux. Mais cette histoire, comme pleins d'autres dans l'histoire de la pop music, nous rappelle que le succès, s'il ne tient pas spécifiquement le cahier des charges établi dans nos douces rêveries, peut prendre des proportions démesurées, hors de notre contrôle, pour au final purement nous broyer.

Quand on atteint un succès critique et commercial pareil, on peut en déduire qu'on a trouvé la bonne formule, et exploiter cette dernière jusqu'à l'épuisement du filon pour continuer des années durant à sortir des chefs-d'œuvre à priori tout cuits sans trop se fouler. Ce n'est pas ce que Radiohead va faire, mais moins par honnêteté intellectuelle et artistique que par pur réflexe de survie. Thom Yorke est au prise avec un très sévère syndrome de la page blanche et devient incapable de tirer quoique ce soit d'une guitare. Le blocage est tel que désormais, pour lui, la composition conventionnelle et la mélodie sont dépassées, et la guitare est ennemie. Il se passionne pour la musique électronique, tout particulièrement les artistes IDM du label Warp Records, comme Aphex Twin et Autechre. Tentant une nouvelle approche au piano, il ne sort plus que des rythmes, des grooves, des fragments de morceaux. Il veut prendre une approche tellement radicalement différente que le reste du groupe n'est pas en mesure de suivre. D'autant plus qu'il serait question de faire des morceaux n'impliquant pas nécessairement ses cinq membres. Si Jonny Greenwood, guitariste lead, démontre une faculté hors du commun à s'adapter à n'importe quel instrument et à expérimenter, ce n'est pas le cas d'Ed O'Brien, craintif pour sa place de guitariste, ou du batteur Phil Selway se voyant déjà remplacé par une boite à rythme. Le bassiste Colin Greenwood se demande même ce qu'il fout là. En somme, l'entité Radiohead est une bombe qui ne demande qu'à exploser de la même manière qu'At The Drive-In comme nous l'avons vu dans une précédente chronique.

Mais par miracle, par un instinct quasi-animal, Radiohead s'adapta pour sa survie, et les membres inquiets et réticents au début finirent par trouver leur plaisir dans l'expérimentation sonore et la quête de sons au dépens des mélodies. Sans la moindre connaissance préalable, chacun se forma aux techniques de production de musique électronique, aux différents types de synthèse, aux bidouillages rendus possibles par les outils numériques, à la programmation de batteries virtuelles. Jonny Greenwood apprit à jouer des Ondes Martenot, un synthétiseur français inventé dans les années 20 et prisé à une époque par Messiaen lui-même. Un instrument obscur qu'il popularisera par son utilisation grand public. Ed O'Brien quant à lui revit totalement son approche de la guitare, poussant plus loin les expérimentations entamées pour OK Computer et privilégiant désormais une recherche d'ambiances et de textures à grands coups de pédales d'effets en tout genre. Il fit également installer sur certaines de ses guitares des sustainers générant des notes infinies, les cordes vibrant en réaction à la création d'un champ magnétique. Tout le processus de création de l'album fut décrit au jour le jour dans un blog tenu par O'Brien. Yorke retravailla sa méthode pour écrire les textes, et associa par montage des bouts de phrases cryptiques à la manière d'un immense puzzle. Il puisa néanmoins dans son expérience dépressive des deux années passées, sans pour autant perdre le propos critique d'OK Computer. Il s'inspire en effet de l'ouvrage No Logo de Naomi Klein, pamphlet anti-consumériste. C'est ainsi, armé d'instruments qu'ils maitrisent à peine et d'une nouvelle palette de sonorités à leur disposition que Radiohead va pondre, sans crash test au préalable, une grosse vingtaine de morceaux qu'il va répartir en deux parties.

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Kid A est le premier volet de ce duo, et c'est indubitablement un des plus grands disques de fusion rock et électronique de tous les temps. Peu d'albums vous happent dès les premières secondes de façon aussi intense que l'introduction de Everything In Its Right Place. Rarement un synthétiseur avait sonné aussi chaud, sublime, apaisant et hypnotique, ponctué par la seule pulsation d'un sample de grosse caisse. Jamais la voix de Thom Yorke n'avait sonné aussi haut perchée, comme tiraillée entre plusieurs mondes ou dimensions. Elle est accompagnée de ses doubles alternatifs qui, par la magie de traitements numériques et d'un montage sonore chirurgical, semblent être piégés dans une sorte de faille, de distorsion spatio-temporelle . Elle sera complètement dénaturée le temps de Kid A, morceau titre en forme de comptine IDM. The National Anthem plonge l'auditeur dans la folie d'un Free Jazz futuriste et cyberpunk. Une boucle de basse obsédante signée Thom Yorke domine, portée par la batterie mécanique et rodée de Phil Selway, et par-dessus cette section rythmique imposante, des envolées de sons, de textures d'un autre monde, jusqu'à l'arrivée d'une giga section de cuivres en roue libre absolue. C'est la rencontre improbable entre une IDM du futur et le fantôme du jazzman culte Charles Mingus sous crack. How To Disappear Completely enchaine avec contraste : c'est une ballade merveilleuse, portée par les arrangements de cordes de Jonny Greenwood peu conventionnels, au point de pas mal dérouter l'orchestre qui les interpréta à l'enregistrement. Pour les paroles, Yorke s'inspire d'un conseil donné par Michael Stipe, chanteur de REM, alors qu'il était au plus mal pendant la tournée OK Computer et avait des difficultés à monter sur scène : s'imaginer ne pas être là et nier complètement les faits. "I'm not here, this is not happening" susurre-t-il, comme à lui-même.

Malgré le mépris qu'elle suscitait alors pour Thom Yorke, la guitare ne se retrouve pas pour autant purement exclue. Treefingers est un bel exemple qui illustre la manière dont les trois guitaristes du groupe ont adapté leur jeu. Cette piste instrumentale purement Ambiant Music sonne à la première écoute comme l'oeuvre de synthétiseurs. Il s'agit en fait d'innombrables parties de guitare superposées jouées par Ed O'Brien et retouchées à l'infini par ordinateur. Derrière, Optimistic est l'exception confirmant la règle, morceau de rock à trois guitares reposant sur un ressort terriblement efficace : les refrains et les couplets sont construits sur la même suite d'accords, mais pour différencier les deux sections, ces accords sont renversés, la basse ne met pas l'emphase sur les mêmes notes et le jeu de batterie porte son attention à différentes percussions. Ce qui donne des dynamiques de jeu diamétralement opposées créant un contraste dingue, distinguant très clairement les deux sections pourtant très similaires sur le papier. Par on ne sait quelle magie, cette subtile rupture de ton parvient à vous dresser les poils. Le morceau In Limbo, inspiré par le Krautrock allemand, se base sur des arpèges de guitares nonchalants en trois temps et les notes brèves et piquées d'un piano électrique. Le tout est noyé dans un océan d'écho et de réverbération, si bien que mon écoute par hasard de ce morceau, un beau jour, alors que je descendais d'un train de banlieue dans l'immense hall gris et bétonné de la gare Montparnasse, a été une des expériences d'immersion sensorielle les plus intenses de ma vie.

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Kid A contient bien sûr et surtout Idioteque. Soient les quatre plus beaux accords de l'histoire de l'Electro, touchants à en pleurer. Jonny Greenwood introduit un jour Thom Yorke à une pièce musicale composée par ordinateur en 1976 par Paul Lansky, Mild Und Leise. Au milieu des 50 minutes de l'œuvre, Yorke repère ces quatre accords, les sample, les retouche spectralement pour leur redonner du corps et les boucle. Cette boucle, associée à un beat programmé et à un chant tout en urgence désespérée, créé un morceau absolument bouleversant qui vous met à genoux et vous écrase sous le poids des émotions refoulées qui vous submergent alors. Avant-dernier morceau apaisé, Morning Bell se construit sur un trio batterie-basse-piano électrique ultra carré et lumineux, avec une pointe de mystère dans l'air et l'atmosphère. Jusqu'à une nouvelle plongée aliénante dans l'onirique et le surréel avec un final donnant le grand rôle à un duo de guitares aussi angéliques et célestes que dénaturées. Motion Picture Soundtrack achève le disque sur un air ultra mélancolique joué à l'orgue à pédalier sous l'influence de Tom Waits, ponctué de harpes et de quelques pointes orchestrales, donnant au titre un air de final cinématographique parfait pour clôturer en beauté.

Kid A débarque ainsi sur le marché, sans autre forme de promotion que la hype générée par l'attente d'une suite à OK Computer et le blog d'Ed O'Brien ayant tenu les fans en haleine. Pas même un single n'est tiré du disque pour annoncer sa sortie avec quelques semaines d'avance. Et avec un virage artistique pareil, la division des avis était inévitable. Les puristes regrettent bien sûr l'éloignement radical du Rock Alternatif qui a fait les grandes heures du groupe. Certains y voient un disque inutilement intellectuel et prétentieux. Ceux-là sont les fameux déçus qui se rabattront sur Coldplay et leur album Parachutes arrivé quelques mois auparavant. Mais beaucoup saluèrent l'audace stylistique de ce revirement qui fit instantanément vieillir la Britpop de trente ans. La force et l'émotion dégagée par les morceaux ne laissa bien sûr pas insensible, et avec le temps, Kid A fit de plus en plus l'unanimité auprès du public, considéré au côté d'OK Computer comme l' effort majeur de Radiohead. Quelques mois plus tard sort Amnesiac, reste du fruit des séances d'enregistrement, mais qui parvient à se distinguer stylistiquement de son grand jumeau. Kid A et Amnesiac forment un diptyque indissociable, étant les deux faces d'une même pièce. Si Kid A est l'album qui s'écoute volontiers tard la nuit, Amnesiac (au moins dans sa première moitié) incarne le petit matin. Pendant la tournée à suivre, le groupe parviendra à défendre sur scène ces morceaux emplis de sonorités inédites, préférant les adapter voire les réarranger plutôt que d'avoir recours à des backing tracks. Avec ce passage qui aurait pu marquer la fin du groupe, Kid A achève de faire de Radiohead le groupe qui brillera quelque soient les territoires musicaux explorés. Toutes les audaces leur étaient alors permises, toutes les portes leur étaient ouvertes. Yorke se réconciliera avec la guitare et parviendra à se consacrer à ses deux facettes Rock et IDM à égalité, en témoignent les albums Hail To The Thief (2003) et In Rainbows (2007).

A ce jour Kid A est toujours un album majeur dans l'histoire de la musique. Et à l'heure où de nombreux groupes rock dans son sillage ont voulu transitionner vers l'électro, plus souvent pour le pire que pour le meilleur, il est là pour rappeler qu'avec les bonnes influences, les bonnes raisons (l'envie d'explorer une nouvelle face de l'art plutôt que de vouloir surfer sur une tendance pour ne pas perdre la hype ou voir baisser ses ventes), avec de la curiosité pour toute forme de musique, de l'inspiration et de l'audace, il est toujours possible de sortir de sa zone de confort sans se vautrer ou perdre son public. Peu importe la bouteille pourvu qu'on ait l'ivresse, et quelque soit le chemin qu'ils ont pris par la suite, Radiohead n'a jamais perdu de vue l'essentiel : rester un puissant générateur d'émotions. Tout le reste est secondaire.

ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
DélicatesseIndice de la douceur de l'album. 1/5 : l'album est assez sec. 5/5 : l'album est un champ de coton
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
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Kid A
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