Skraeckoedlan - Vermillion Sky

Norrköping, lieu de lancement des satellites Suédois

Il est parfois compliqué d'expliquer ce que l'on ressent vis-à-vis d'un disque au moment de la sortie de ce dernier, qui plus est quand on a la chance de faire partie d'une rédaction. Surfer sur l'actualité chaude peut ajouter un degré de pression qui peut être difficile à encaisser, surtout si l'on ajoute les divers soucis du quotidien qui peuvent nous tomber sur le coin du museau. S'en vient alors cette petite culpabilité de ne pas avoir réussi à livrer un article au moment opportun, exacerbée par le facteur "proximité émotionnelle" avec l'artiste ayant livré son dernier album. Sauf qu'il est parfois nécessaire de laisser reposer un plat avant de le déguster. Ici, la fusée en direction des étoiles avait besoin de quelques coups de clé à molette avant de nous faire voyager vers le ciel vermillon.

Voilà maintenant 15 ans que les Suédois de Skraeckoedlan roulent leur bosse dans l'univers étendu du Stoner Rock et du Space Rock. Depuis son premier disque, l'excellent Äppelträdet sorti en 2011, le quatuor, parfois resté trio, n'a jamais eu la reconnaissance qu'il méritait, la faute à un facteur assez important : le chant. Ici, il n'est pas question de tessiture ou de type de chant mais de langue utilisée puisque la formation utilise son suédois natal. Ce qui, fatalement, peut fermer quelques portes au moment de parcourir le globe et d'attirer les oreilles du monde entier. Seulement voilà, Skraeckoedlan, que l'on pourrait traduire par dinosaure ou lézard d'horreur, mérite que l'on s'attarde sur son cas.

Depuis cette première livrée, trois autres disques ont pu traverser nos oreilles avec le magnifique Sagor (2015), le prenant Eorpe (2021) et donc ce Vermillion Sky sorti en 2024 qui confirme les belles choses entrevues dans la discographie du groupe. Tout d'abord, un son massif mais qui parvient à ne pas étouffer l'auditeur. Malgré la présence de fuzz assez importante, le quatuor dissémine des touches plus aériennes dans les compositions, de quoi offrir aux auditeurs des passages planant au milieu des tempêtes de riffs. Tout ceci peut être observé sur Cosmic Dawn, instrumentale servant d'ouverture et posant les fondations du disque. La basse va venir chatouiller les oreilles de par ses nombreux effets tandis que les guitares se veulent plus légères sur l'immense majorité de la piste avant sa fin plus brutale et plus directe. Les claviers discrets en fond apportent une pincée d'astral qui collent parfaitement avec l'idée de voyage spatial entamée lors de l'écoute de la discographie de Skraeckoedlan. En deux minutes et quarante-deux secondes, les Suédois offrent une carte postale parfaite de ce qui va suivre.

Starsquatch s'enchaîne de manière fluide et propose un titre au tempo proche du doom mais au groove certain via son riff principal à l'efficacité épatante. Le chant arrive après une minute trente et on découvre la voix de Robert Lamu, parfois doublée par Henrik Grüttner, son compère guitariste. Malgré la non compréhension des paroles, le timbre et la voix de Lamu font que l'on se perd facilement à travers les histoires qu'il nous raconte. La musique autour aide à se former un imaginaire qui nous permet de voyager à travers les diverses pistes proposées.

Le quatuor alterne entre morceaux plus directs (Mysteria, Night Satan, Meteorb) et titres plus lents, plus construits où les influences progressives se font sentir, dont celles d'un groupe en particulier, Mastodon. Il faut dire que le dinosaure ne s'est jamais caché de l'influence du mammutidé préhistorique et cela se ressent sur quelques passages et riffs. Le pont d'Astronautilus fait notamment penser aux premiers travaux du quatuor d'Atlanta, notamment sur Leviathan. Les pistes les plus longues peuvent même se rapprocher de territoires doom, Metagalactic Void Honcho en tête.

Néanmoins, ce qui ressort le plus, c'est cette sensation de voyage galactique. Malgré la barrière de la langue il est impossible de ne pas s'imaginer dans des aventures, avec comme bande-son la musique de Skraeckoedlan. L'alternance de temps forts et de temps faibles ajoute à la narration et ça, on a pu le remarquer dès leurs débuts. Les Suédois ont toujours été des orfèvres dans la concoction d'albums aux ambiances fortes. Le mariage de la lourdeur du fuzz à la légèreté des idées mélodiques fonctionne à chaque fois, c'est à se demander quelle est la recette miracle. D'ailleurs, il est important de signaler que pour la première fois, le groupe s'est occupé de tout, ou presque, ne délégant que le mastering à Magnus Lindberg, orfèvre au CV plus qu'équivoque.

La force du quatuor réside aussi dans sa communication, n'hésitant pas à pousser plus loin l'expérience pour captiver l'auditoire. Pour accompagner ce Vermillion Sky, Skraeckoedlan s'est attelé à la confection d'un roman : Adventures of The Vermillion Sky.

The book is an extension of the bands fourth full-length album, Vermillion Sky, and is a more detailed telling of what the album's 8 tracks philosophically speak about. In short, the novel follows the spaceship the Vermillion Sky and its crew, as they crash onto an unknown planet and start untangling a mystery that begins with a bright yellow piercing light.

De plus, en amont de la sortie de l'album, les fans ont pu se challenger sur le site https://vermillionsky.se/ qui contient un jeu vidéo de type side scroller, avec une esthétique 8-bit assumée. Un concours avait même été organisé avec des vinyles, une copie du livre Adventures of The Vermillion Sky et un tee-shirt à gagner parmi les trois meilleurs scores. Pour accompagner l'aventure, une version 8-bit du titre The Vermillion Sky a été créée et une borne d'arcade a accompagné le groupe en tournée pour permettre aux gens de jouer au jeu lors des soirs de concert. On retrouve d'ailleurs en toute fin d'Astronautilus, une reprise du riff principal, elle aussi en 8-bit.

Depuis sa signature chez Fuzzorama Records en 2017, Skraeckoedlan a grandi. Qu'il s'agisse de l'écriture de ses compositions ou bien simplement en stature, le quatuor surfe sur la vague créée par Truckfighters, artiste majeur du label qui n'hésite pas à promouvoir ses compatriotes. Car tel l'espace, les oreilles des auditeurs sont de nouvelles planètes inexplorées à conquérir. En espérant qu'avec leur Vermillion Sky, les Suédois puissent voyager vers le plus de monde possible.

RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
PsychédélismeIndice sur le côté psyché de l'album. 1/5 : On est dans le concret, le dur. 5/5 : vous voyez des couleurs défiler devant vos yeux et la musique vous propose un voyage initiatique en vous-même
ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
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Vermillion Sky
Skraeckoedlan
"Vermillion Sky"