Slomosa - Tundra Rock

Du désert aux sommets

Émerger de la masse et accéder au succès dès le premier essai n’est pas chose aisée. Pour Slomosa, cela tient même de l’exploit tant les conditions de départs étaient défavorables. Parce que se faire une place dans une scène aussi florissante que celle du Stoner/Desert Rock, où tout le monde se marche déjà un peu sur les Vans, ce n’est pas gagné d’avance, surtout lorsque l’on vient d’un pays aussi aride et caniculaire que la Norvège.

Ajoutez à cela une date de sortie fin août 2020, au crépuscule de l’été, mais encore à l’aube d’une pandémie mondiale et vous avez tout ce qu’il faut pour être sûr que la route sera longue, la pente raide, le vent de face et la pluie battante.

Pourtant, paré d’un solide premier disque et reprenant les concerts au plus tôt après les déconfinements, le quatuor s’est vite fait remarquer dans les différents Desertfest, puis en première partie de Stöner (groupe qui contient quand même Brant Björk et Nick Oliveri de Kyuss dans son line-up). L’engouement profitant d’un solide bouche à oreille culminera jusqu’à les propulser à l’affiche du Hellfest 2022.

Après presque 4 ans de tournées, il est maintenant temps de transformer l’essai et c’est avec Tundra Rock que Slomosa nous revient en cette fin d’été pour ensoleiller les saisons froides. Comme pour nous rassurer que les Bergenois ont su garder le bon cap, l’album s’ouvre sur 3 pistes connues de longues dates car déjà solidement ancrées dans leurs setlists live : Afghansk Rev, Rice et Cabin Fever.

Très classiques dans leurs formes, les deux premiers singles, Rice et Cabin Fever, permettent aux aficionados du premier disque de retrouver leurs marques rapidement. Tout roule pour ces titres solidement motorisés par des riffs à l’efficacité sans faille, sujet maîtrisé par les Norvégiens. On sent néanmoins poindre une atmosphère plus fraîche que sur l’éponyme, une Jeep tout-terrain ayant remplacé le pick-up cabriolet pour arpenter la toundra.

Prenant la direction des froides forêts norvégiennes ou plutôt des hauts sommets orientaux de l’Hindou Kouch, Afghansk Rev, première piste instrumentale du groupe, lance l’album au milieu de délicats champs de neige. D’abord esseulées, les cordes laissent chanter leurs échos dans ces paysages immaculés. Le fuzz et les percussions ne viennent déchirer cette toile blanche qu’à l’apparition des massifs rocailleux. Le morceau met en place ses tubes de peinture : on part cette fois sur un camaïeu de roches et de sapins. Une identité qui sied à merveille au quatuor et qui permet d’affirmer leur identité dans une scène un peu trop portée sur les mesa et les cactus.

Cette ambition à construire l’album comme un voyage se retrouve filée dans Good Mourning, courte accalmie au piano rappelant The Frail de Nine Inch Nails. L’interlude permet d’amener plus subtilement Battling Guns dont le riff principal évoque très clairement celui de First It Giveth des Queens of the Stone Age. Néanmoins, la comparaison s’arrête ici car la seconde moitié du single renferme une facette beaucoup plus mélancolique, portée par les chœurs et la ligne de basse de Marie Moe.

Cette facette est d’ailleurs développée depuis Cabin Fever. Les chansons transpirent l'ambiance des époques dans lesquelles elles ont été composées. Le climat anxiogène de ce début de décennie a imprégné les différents titres de Tundra Rock. Malheureusement, entre la pandémie de Covid-19, l’Invasion de l’Ukraine, la montée globale de l’extrême droite ou le génocide toujours en cours à Gaza, l’actualité semble intarissable en événements propices à inspirer ce sentiment d’angoisse à grande échelle.

Ce dernier sujet impactant personnellement le frontman Benjamin Berdous, venant lui-même d’une fratrie en partie d’origine palestinienne. Cette implication a donné à Battling Guns cette énergie profondément anti-guerre et anti-fasciste, illustrée directement dans le clip et dans les paroles. Red Thundra, quant à elle, aborde le thème de la difficulté à se projeter un futur stable dans ce monde marqué sans cesse par des crises à répétitions. Benjamin et Marie déclament leurs espérances dans les deux premiers couplets avant que le riff principal ne viennent peu à peu les engloutir dans un mur de fuzz. Les deux protagonistes se voient balayés par le riff principal, la voix de Marie se perdant dans la tempête alors que Ben doit se mettre à hurler pour rester audible dans ce blizzard de cordes.

Néanmoins, les amateurs de morceaux allant droit au but devraient pouvoir se réjouir d'en découvrir de nouveaux sur lesquels se défouler dans le pit. On a évoqué Rice plus tôt mais Monomann et MJ sont deux nouvelles preuves que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Entre riffs électrisants et groove imparable, ces deux titres viennent puiser sans honte dans ce que le Desert Rock originel a produit de meilleur tout en y apposant l’énergie si particulière que dégage Slomosa.

Il faudra attendre la conclusion de l’album sur Dune pour trouver la chanson la plus originale à ce jour dans la carrière du groupe. Sorte de danse tribale s’ouvrant sur un riff à la guitare acoustique, la piste est une invitation à entrer dans une transe presque chamanique avec ses boucles obsédantes. Les chœurs vous resteront longtemps en tête une fois le disque terminé, et finalement quel meilleur appel pour vous inciter à le relancer ?

Chroniquer un groupe pour lequel on a un fort attachement personnel n’est pas chose facile, surtout quand on connaît à l’avance les écueils sur lesquels ils risquent d’enquiller. Il est difficile de ne pas jouer au jeu des comparatifs lorsque l’on parle de Slomosa tant le lien de filiation avec les pontes du Stoner est évident. La genèse de ce Tundra Rock, établie dans la longueur, donne également l’impression d’écouter une extension de l’album éponyme. Pour autant cela n’empêche pas les titres concernés par ces défauts d'être d'excellente facture. Il faudrait d'ailleurs mettre une sacré dose de mauvaise volonté pour les rejeter.

Avec Tundra Rock, les Bergenois se veulent rassurants. Ils continuent sur la route qui a fait le succès du premier opus et se parent ainsi d’un second réservoir à tubes qui leur permettra d’enfin pouvoir allonger leurs setlists et de se lancer en têtes d’affiches de leurs propres tournées. Les chansons les plus récentes ont beau être un poil moins accessibles, l’album possède toujours quelques morceaux qui font mouche dès la première écoute et qui sauront entretenir le précieux bouche à oreille qui continue de propulser leur carrière.

Ce second opus laisse ouverte une grande marge de manœuvre aux Norvégiens pour choisir dans quelle direction partir, que ce soit pour expérimenter de nouvelles choses ou rester une usine à hits comme peuvent l’être des formations comme The Hives dans un autre registre. Les succès récents de Osees ou SLIFT sur des festivals tous publics laissent à croire qu’il y a une place pour ce genre de groupes au fuzz fédérateur même auprès de publics non amateurs de rock. Un créneau dans lequel pourrait très bien s’inscrire Slomosa et ainsi leur promettre un avenir très loin de sentir le sapin.

FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

cover SLOMOSA - Tundra Rock
Slomosa
"Tundra Rock"