The Midnight - Kids

Que faire après trois énormes succès critiques ? C’est peut-être une question que se sont posés Tim McEwan et Tyler Lyle en 2017, après Days Of Thunder, Endless Summer et Nocturnal. Avec les deux premiers cités, le duo de Californiens The Midnight avait créé une petite sensation dans le monde de la synthwave et de la synthpop. Les œuvres nous plongeaient dans les années 80 à grand renfort de saxophone, batterie électronique et bien sûr, de synthés éclatants se balançant avec virtuosité sur les limites du kitsch.

Leur dernier coup en date, Nocturnal, nous emmenait avec lui dans une nuit sombre et pluvieuse, où les ambiances calmes et tamisées servaient de contrepoints à des climax explosifs et incroyablement fédérateurs. Crystalline en était sûrement le plus beau témoin, les couplets tout en retenue s’effaçant brusquement pour laisser place à un saxophone détonnant et purement jouissif.

Pour celles et ceux étant montés dans le train à ce moment-là, on pouvait se demander quelle allait être la suite. Un an plus tard, le 21 septembre 2018, sortait Kids, un court album prenant le contrepied total de son prédécesseur, tout en restant dans le même genre musical.

Là où Nocturnal affichait une obscurité mystérieuse et mélancolique, Kids s'annonce lumineux, dès la pochette qui nous emmène dans un centre commercial américain des années 80. Derrière l’effet VHS et les baies vitrées, on devine un ciel bleu avec quelques nuages et palmiers cachant légèrement sa teinte azur. Le titre d’ouverture, Youth, résume ce que va être Kids : une capsule vers un moment de notre vie où les maux du monde étaient difficilement perceptibles. Le son y est bien plus chaleureux et accueillant que sur Nocturnal. Cette introduction est d’une douceur incroyable, les nappes de synthés nous prenant dans leurs bras, tels des parents guidant l’enfant que nous étions.

À travers leur musique, The Midnight nous ramène vers une enfance que beaucoup n’ont jamais vécu, mais qu’on imagine sans problème notamment à travers les films et musiques de cette ère. Le duo ne s’en cache pas à travers tous les titres, de celui l’album à ceux des chansons. America 2 pourrait même faire référence à l’Amérique glorifiée de cette époque qui est restée dans l’imaginaire commun, sorte de réalité alternative, car on était en fait très loin d’une vie idyllique. De nombreux inserts et interludes nous ancrent dans cette seconde version de notre monde, que ce soit la carte postale Saturday Mornings ou l’intro d’Arcade Dreams dont le titre est explicite.

En dehors de l’excellent Lost Boy, à l’esthétique mélancolique, les claviers auront principalement des teintes sucrées emplies de nostalgie très idéalisée. Que ce soit dans Kids, Explorers et particulièrement dans America 2, les musiciens partagent une bonne humeur très communicative. On pourrait croire que des posters “good vibes” étaient placardés partout dans le studio pendant leurs sessions d’enregistrement.

Kids détonne par cet aspect : l’album propose une ambiance infiniment chaleureuse, bienveillante et ouverte. Trois adjectifs pouvant également décrire le groupe en général. Le disque n’est jamais contrariant dans ce qu’il propose : c’est une pastille douce et honnête dans ses intentions, qui sera d’un réconfort souvent bienvenu. Dans le mix, la batterie n’est que rarement puissante, et souvent feutrée pour être plus apaisante. La voix de Tyler est quant à elle parfaite pour ce disque, son chant ayant une touche de naïveté qui colle très bien à cet imaginaire faussé des 80’s. Un marqueur de The Midnight est d’ailleurs absent de ce court album : le saxophone. Peut-être trop inscrit dans la mélancolie pour les deux artistes, l’instrument laisse sa place à des chœurs sur plusieurs titres.

Et si j’ai dit court, je n’ai pas menti : à peine 34 minutes, interludes comprises. Kids demeure une capsule : l’album se voit sûrement plus comme un shoot de nostalgie heureuse plutôt qu’un voyage sans retour vers l’illusion d'un passé bien trop idéalisé. Le temps d’une écoute suffira à sortir des tracas du quotidien et aborder le reste de la journée avec une vision plus positive et sereine, usage testé et approuvé par tous les amateurs de The Midnight.

Sorti il y a 5 ans, Kids nous présente la facette la plus rêveuse du duo américain. Le groupe souhaite ici nous faire revenir à une innocence enfantine, loin de tout esprit malveillant. Chaque titre est un bonbon qu’on a adoré plus jeune : la synthpop du groupe magnifie la nostalgie infusée dans ses compositions. Le disque est peut-être simple, mais jamais simpliste, chaque mélodie exaltant nos souvenirs d'enfance et le cocon soyeux que nous a tissé The Midnight.

Certains pourront dire qu’on s’égare à idéaliser l’esprit d’une époque révolue et enviée par beaucoup, alors que par bien des aspects, elle est loin d'être enviable. J’argumenterais que Kids est trop court pour ça et qu’au contraire, il nous laisse miroiter un idéal - une utopie ? - vers lequel tendre. Sa conclusion, Kids (Reprise), peut pourtant être vue de deux façons avec des implications opposées :

We grow up and move away
The seasons pass, but the monsters stay

On peut soit comprendre que les monstres restent là où notre enfance s'est déroulée, loin de nous, ou au contraire qu'ils nous accompagnent encore (sans dire si on a réussi à les dompter ou les apprivoiser). Suivant votre interprétation, la couleur de Kids aura une teinte différente.

In fine, les adultes peuvent philosopher autour de l’objet. Ce qu’il en reste après l’avoir écouté, c’est cette sensation authentique exprimée par l’enfant dans Youth : “This is fun”. Comme celui qu'on a peut-être encore en nous.