Torche - Admission

Ce que vous vous apprêtez à lire est un article initialement sorti en 2019 dans les colonnes du site grannysmith.fr. Le 12 juillet 2024, Admission de Torche a fêté ses 5 ans d''existence, et afin de célébrer cet anniversaire, nous ressortons cette chronique avec quelques changements mineurs permettant de réadapter le contexte à aujourd'hui. Bonne lecture !

Il arrive parfois qu'un album tombe à point nommé, sa sortie se situant dans le contexte parfait pour son écoute, bien souvent relié à la saison où le disque prend possession de nos oreilles. Ce fût le cas pour le dernier né des Floridiens de Torche. Ils ont sorti en 2019, en plein enfer caniculaire, la bande son parfaite pour affronter les chaleurs estivales. Mais comment décrire une température en musique ? C'est souvent avec une sonorité spéciale, découlant des effets et de l’accordage des artistes, que nous pouvons ressentir les sensations voulues. Certaines sont plus difficiles que d'autres à exprimer, en particulier celles reliées à la météo, rentrant en première ligne de mire dans les conditions d’écoutes et pouvant amener à l’appréciation ou non d’un album. Quand il s'agit d'exprimer le climat estival, le quatuor s'est fait maître de ces atmosphères. Preuve supplémentaire avec leur dernier album Admission, rentrant parfaitement dans l’optique d’exprimer cette sensation de moiteur ambiante quand le thermostat dépasse les 30 degrés.

Le groupe n’en est pas à son premier coup d’essai en terme de musique caniculaire. Dès leur premier effort éponyme sorti en 2005, nous pouvions déjà assister à une musique pesante et explosive mise en scène par la pochette, très belle allégorie de la sensation ressentie lorsqu'on écoute du Torche : un volcan en éruption, crachant sa lave et sa fournaise dans des paysages psychédéliques. Les Floridiens s’inscrivent dans cette longue lignée de groupes de stoner abrasif, dignes héritiers de la scène de Palm Desert de la fin des années 90, où un certain Kyuss fut une affluence majeure pour certains noms qu'on évoque régulièrement dans nos colonnes. Et la musique de Torche ne fait pas exception, exprimant avec excellence le climat aride qui règne dans la petite ville du désert californien.

Mais Torche apporte une couche supplémentaire au fuzz avec des notes plus aériennes et éthérées, via la voix Steve Brooks. N'apportant qu’une légère brise, les effets de son chant lointain et empli de reverb restent bénéfiques dans l’écoute de leur discographie, personnalisation de la canicule estivale. Le groupe montera les échelons progressivement, jusqu'à aller signer chez Relapse Records en 2014 qui menera à une production plus accessible pour leur musique. La sortie en 2015 de Restarter commencera un virage bien plus prononcé vers les territoires du shoegaze, itinéraire confirmé avec Admission, qui sortira en juillet 2019.

Comme le veut la tradition avec tous leurs albums, la chanson d’introduction est un véritable poing dans le visage. Ici, pas de longues mélodies, From Here est une véritable bombe enclenchant notre voyage dans la fournaise de Torche. Dés les premières secondes, nous pouvons ressentir des volontés d’explorer de nouvelles sonorités, la voix de Brooks étant encore plus aérienne que précédemment.

Cela se ressentira sur toute la production de cet album. Quelques pédales d’effets se feront discrètes mais bien présentes, permettant quelques envolées célestes très appréciables. La chanson éponyme est une parfaite représentation de ces recherches. Nous voguons dans leur mélange unique de stoner et de shoegaze, permettant d'apprécier l'été de la meilleure des façons. Néanmoins, le voyage aérien s'accompagne aussi d'une traversée lente du bitume chaud. Le tempo plus posé de Times Missing nous plonge dans la moiteur de l'été où nous avançons avec difficulté dans la chaleur. Cette sensation de lenteur se ressent de plus en plus sur la seconde moitié de l’album : on perd la vigueur des précédents travaux du groupe pour subir la canicule apportée par les productions récupérées du shoegaze. Des musiques comme Reminder ou Infierno nous imposent un rythme lancinant, calmant l'ardeur de l'auditeur après la déferlante From Here.

Le disque alterne entre passages plus rapides, très caractéristiques du stoner de Torche et des mélodies pesantes. Au travers de ces deux passages se cachent des pistes pour relancer la machine et l’intérêt de l’auditeur. Slide va ralentir la cadence après deux chansons et c’est Extremes of Consciousness qui va, à contrario, nous faire taper un grand sprint final avant de finir la course avec une marche lourde sur les trois derniers morceaux.

Le champ lexical en rapport à l’été et à la chaleur prend tout son sens lors de l'écoute complète de l'album. Sorti en plein pendant une des plus intenses canicules connues à ce jour, l'été 2019 fut sauvé par ce disque, où les atmosphères prenantes de Torche sont aussi à leur sommet. Mais à contrario des déserts de Californie, le climat plus humide de leur Floride natale a permis aux musiciens d'explorer de nouveaux territoires sonores pour proposer un mélange de stoner/sludge écrasant mélangé aux ambiances aériennes du shoegaze. En cela, Admission est une réussite pour le groupe, une nouvelle personnalité des musiciens s’étant exprimée avec cet album.

L'écoute d'album de Torche pendant la période estivale est plus que recommandée, puisque leur musique permet de contrer le soleil de plomb et d'en tirer, malgré les coups de soleil et la transpiration, d'intenses moments. Cette sortie ne fait que les confirmer comme les champions du stoner/sludge caniculaire pour passer un été sans trop souffrir de la chaleur.

Depuis la sortie d'Admission, cinq ans se sont écoulés. En 2024, on regrette amèrement la disparition de la torche, le groupe ayant décidé de ranger leurs guitares en 2022. Il reste tout de même à notre disposition l'excellente discographie du groupe, se concluant ici, où l'explosion du volcan laissera place à des volutes de fumées dans lesquelles nous nous aventurons volontiers. Loin d'être un mirage, la musique de Torche sera toujours un excellent guide lors de nos journées rythmées par l'accablante chaleur de l'été, et c'est le meilleur moyen de rendre hommage aux Floridiens que d'écouter leurs travaux lorsque le thermostat est trop élevé pour laisser notre peau à la merci du soleil.