Vanilla - Into The Dream

Si comme moi vous utilisez peu - ou pas - Spotify, quel(s) moyen(s) utilisez-vous pour découvrir de nouveaux artistes ? Des recommandations d’amis ? Des partages entre artistes ? Des premières parties d’un groupe que vous êtes venus voir en concert (option rarissime ces derniers temps) ? Pour ma part, c’est en grande partie grâce à YouTube et son système de recommandations. J’avais déjà découvert il y a quelques temps Alfa Mist et Antiphon dont j’ai déjà parlé ici. Par un heureux hasard, le site a récemment placé dans mon champ de vision un lien dirigeant vers l’album auquel est consacré cette chronique.

Son créateur, Vanilla, communique très peu. À tel point que j'ai dû un peu chercher pour découvrir que derrière ce nom se trouve Hugo Harrison, producteur anglais de hip-hop et de musique électronique. On ne sait pas non plus grand-chose de son dernier album à part qu'il conclut une trilogie entamée avec Origin en 2015 et poursuivie par Moonlight en 2017. Dernière information, Into The Dream est un travail dont il est fier, où il a réuni tous les samples de funk, jazz, soul, ambient et autres genres amassés au cours des années pour en faire un beau patchwork de hip-hop et d'electro.

À partir d'ici, c'est vous qui déciderez comment vivre, interpréter et expliquer l'album. Est-ce bon ? Y a-t-il un message derrière ? Peut-on bouger dessus ? Un tas de questions dont vous seul aurez les réponses...Voici donc à quoi vous attendre si vous souhaitez vous immerger dans ce rêve.

Le premier élément marquant, comme souvent, est la pochette qui a attiré mon œil sur YouTube. Minimaliste, elle n'en demeure pas moins belle par son design élégant et ses couleurs allant du bleu au violet, presque rouge. L’agencement des strates de couleurs représente sûrement les différentes étapes de sommeil et les couches de rêves qui le parcourent.

Cette sobriété et cette apparente limpidité se retrouvent dans le son qu'a mixé Vanilla. On y voit la simplicité des titres ou des beats qui viendront soutenir les mélodies. On ressent également la légèreté avec un mix sans aucune lourdeur et cette impression de clarté qui se dégage de l'album. Contrairement à une majorité de productions hip-hop récentes, la basse est ici bien en retrait, cachée dans le fond pour que les mélodies des samples aient un impact maximal.

La recette d'Into The Dream est plutôt basique, étant composée d'un beat sur lequel viennent se poser au maximum deux thèmes par morceau. Ici, point de progression ou d'évolution des pistes. On cherche plutôt à évoquer une émotion particulière, à débusquer un souvenir avec les samples pour atteindre l’auditeur. Cette immersion dans les rêves de Vanilla est un doux voyage où l'on flotte au gré des morceaux.

Par-dessus le sample de batterie, on trouvera parfois un clavier Rhodes, une guitare, un orchestre typique des animes des années 80 et en de rares occasions, des samples de voix. Malgré la diversité des instruments, Into The Dream reste très homogène grâce à l'ambiance qu'il installe sur ses 18 titres. On n'est pas au niveau d'un album taillé pour les radios, certains morceaux étant plus énergiques et d'autres plus mélancoliques, mais les rêves semblent tous appartenir à la même tête, au même esprit vagabondant dans son imaginaire.

Hugo Harrison a pioché dans des genres éparses pour créer un rendu que les fans de Nujabes, sa principale influence, reconnaîtront et apprécieront. Il a aussi son talent, évitant l’ennui en maintenant brillamment une dynamique sur les titres. Par exemple, il insère des “pauses”, petits moments suspendus où le principal sample s’efface pour offrir une respiration avant de laisser repartir le morceau.

L'album est long, certes, mais ce n'est pas un défaut étant donné le dessein pour lequel il a été créé selon moi. On ne se trouve pas face à un disque voulant nous époustoufler ou désirant nous faire dire "quel chef d'œuvre !". Plutôt, nous avons affaire à un album contemplatif où les morceaux s'enchaînent pour nous bercer. Je le perçois comme un excellent moment pour se reposer ou travailler de manière calme et détendue. Il est également adapté à la meilleure des procrastinations. Ainsi, Into The Dream n'a pas de "morceau star" ou de single : on écoute un ensemble bien ordonné pour passer le temps, où il n'y a pas vraiment de morceau au-dessus des autres. Vous pourrez bien sûr avoir votre préférence, mais il n'y aura pas de véritable argument comme la qualité de composition, la puissance d'un moment particulier ou la performance d'un élément pour dire qu'il est meilleur que le reste. Ce sera simplement votre préféré.

Il n’y a pas non plus véritablement de message explicite, cependant certains éléments récurrents sont disséminés ça et là. Malgré plusieurs morceaux mélancoliques et emplis de spleen, Into The Dream nous demande de profiter de la vie comme dans Dreams où le sample de la voix de Shirley Horn nous dit ceci.

“So here’s to life
And every joy it brings
So here's to life
To dreamers and their dreams”

Il en est de même dans Go où le sample de Nas nous invite à jouir de notre existence avant qu’il soit trop tard. Nombre de titres ont un rapport à l’amour et une forme de nostalgie en ressort souvent, bien aidée par les effets d'écho et de reverb omniprésents sur le disque.

Into The Dream est un album reposant qui saura à coup sûr vous éclaircir l'esprit lors de son écoute. Vanilla a su construire avec attention et talent un album duquel on ne peut sortir de mauvaise humeur. La simplicité de ses titres rend l'écoute aisée et sans prise de tête, laissant nos épaules se détendre.

Cet album ne parle pas, il trace tout juste une trame afin de mieux vous donner la possibilité de raconter vous-même ce que vous y entendez. Les influences que vous discernerez vous guideront pour dessiner vos envies à l'intérieur de ce cadre. Ensuite, il n'y aura qu'à apprécier ce que votre esprit aura peint. Posez-vous, puis plongez dans le rêve qu'il vous propose de créer et d'explorer.